Coquillages et crustacés

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Je me réveille violement en ouvrant les yeux mais les referme de suite sentant quelque chose me piquer les globes oculaires. Je bat frénétiquement des paupières et les frottes de mes mains, cependant quelque chose de sableux me racle le visage. Lorsque je réouvre les yeux, en m'efforçant de les garder ouvert, je n'ai pu remarquer que le sol était d'un gris trop propre et le ciel trop bleu. Après m'être débarrassé des grains de sable (parce que oui, après avoir fait fonctionner mon cerveau j'ai pu remarquer que c'était du sable), je contemple le paysage autour de moi. J'étais visiblement sur une plage, entourée de cocotiers me procurant le nécessaire d'ombre face à un soleil implacable. C'est sûr, je n'étais plus en Enfer, mais étais-je dans une autre de ces visions ? Je ne peux m'empêcher de repenser à cette femme si mystérieuse mais qui m'a pourtant aidée. Qui était-elle ? Comment se pouvait-il qu'elle me connaisse aussi bien ? Ces questions demeuraient sans réponse et ce peut-être à jamais. Prise d'un doute je demandais autour de moi en espérant la revoir et qu'elle me dise m'avoir joué un tour :

- Est-ce que c'est une vision ? 

Aucune réponse à part une légère brise rafraîchissante qui ondule les feuilles des plantes autour de moi. Juste l'écho des vagues sur le rivage. Je soupirai avent de me détailler. Mon jean était encore trempé, mais mon t-shirt était sec. Mes cheveux emmêlés étaient sales et puaient l'eau de mer.  Je réprime une figure de dégoût quand une voix résonne :

- Non ce n'est pas une vision petite. 

Je me retourne vers mon interlocuteur, mais ne le vois pas.

- Plus haut.

Suivant les instructions, mon regard croise celui de deux trous béants appartenant à un squelette situé en haut d'un cocotier. Un squelette qui bouge...

- Je vois qu'on est réveillée...

Et qui parle en plus. De mieux en mieux. Mon esprit est totalement en train de divaguer là, j'ai pris de la substance illégale ou quoi ? Ou c'est le sel de l'océan qui me monte à la tête ?

- Non, tu ne rêves pas, je suis bel et bien un squelette disons...vivant, déclare le tas d'os en descendant sans grâce l'arbre perdant quelques morceaux d'os au passage qui se fichent dans le tronc, disons que je suis à même de parler quoi.

Il attrape un morceau de sa côte qui était tombé par terre et le raccroche à l'autre bout sur son corps. 

- Qui êtes-vous ? Demandais-je, et où suis-je ? 

- Je m'appelle Shan Phanto et nous sommes sur l'île des Bermudes, il lève ses bras en l'air avant de déclarer d'un air solennel, bienvenue dans l'Entre-Monde, le seul lien physique entre Le Paradis et les Enfers ! Mais dis-moi, qu'est-ce que tu fais là, petite ?

- Je...(je voulais dire mon nom car il n'avait pas l'air de me reconnaître mais c'est peut-être mieux ainsi) Je suis à la recherche de mes amis.

- Pour les sauver je suppose, (j'hoche la tête et il se gratte une barbe imaginaire) ce genre de requête est très fréquente par ici...

Je fronce les sourcils d'incompréhension, j'étais pourtant persuadée que Léviathan protégeait cette île de tout être humain. Comment se faisait-il qu'il y ai des demandes comme la mienne s'il n'y devrait y avoir personne ? Sauf lui apparemment. Remarquant mon doute, il se reprit.

- Les âmes le font, (j'haussai un sourcil, surprise) par exemple, lorsqu'un couple meurt mais que l'un est envoyé en Enfer et l'autre au Paradis, ils demandent l'autorisation de voir leur âme-sœur ici. Ecoute Mayra, dans ce genre de situation ça ne se fini pas très bien pour les deux.

- Vous me connaissez ? demandais-je surprise d'entendre mon nom.

- Bien sûr ! Qui ne connaît pas la Mort ? Enfin Mayra, je suis le dernier Gardien des Deux Portes, tu crois vraiment que je ne sais rien de toi ?

- Si vous me connaissez si bien, vous savez donc ce que je veux faire ! raillais-je mauvaise.

Je commence à en avoir marre de ces gens qui en savent bien plus sur moi que moi-même ! Il semble me dévisager (il n'a plus d'œil) de la tête aux pieds, avant de secouer négativement la tête.

- Je connais ton histoire, pas tes envies.

Scotchée. Je suis scotchée. Je hausse un sourcil, le visage neutre, la tête penchant légèrement en avant. Je ne comprends pas. Mais avant qu'il en place une, je reprends de la contenance et lâche d'un ton acerbe :

- Je veux retourner en Enfer.

Cette fois, c'est moi qui le scotche puisque le squelette de sa mâchoire inférieure se détache de son crâne. Il se baisse pour la reprendre avant de la replacer dans un craquement sinistre à sa place. 

- Tu vas y mourir là-bas gamine.

- C'est MON royaume, il faut que je le récupère ainsi que mes plus proches alliés, les derniers à s'être tenu à mes côtés, et mon peuple, que je ne laisserais pas aux mains de mes ennemis. Si vous ne voulez pas m'aider, très bien, je me débrouillerais toute seule, mais cette fois, je ne baisserai pas les bras. Il y a des personnes à qui je tiens qui doivent être torturés ou je ne sais quoi encore de plus vicieux de ce que j'ai pu faire, et je ne les abandonnerais pas. Je dois retrouver la couronne que l'on m'a volée, conclus-je durement, le visage fermé.  

- Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas entendu parler comme ça Majesté, vous méritez amplement mon aide, il fit une pause avant de reprendre, peut-être même que vous pouvez sauver les Mondes. 

- Une chose à la fois, répondis-je, d'abord montrez-moi le chemin des Enfers, et ensuite j'irais reconquérir ce qui me revient de droit. 

Mon guide hocha la tête et m'indiqua le chemin, ouvrant la marche. Nous nous enfonçons dans la végétation luxuriante, à l'abris des rayons brûlant du soleil. Les arbres étaient immenses et leurs feuillage épais, j'appris l'existence de fleurs dont je n'avais jamais vu la couleur, ainsi que de plante tout aussi incroyable que les autres. Même si la forêt semblait sans limites, au bout de quelques minutes nous l'avions traversé pour se retrouver dans une sorte de clairière, je reculai un peu pour me retrouver à l'ombre et détaillai d'un air curieux et fasciné, les deux portails qui menaient respectivement au Paradis et en Enfer. 

L'un entouré de plumes immaculées et scintillantes ainsi que de sceptres de la justice, une immense couronne flottait au-dessus du portail. On y voyait au travers les marches d'argent mener à la Cité des Anges, bordée de nuages et de rayons lumineux. Je réprimai une expression de dégoût face à une telle pollution lumineuse et me tournai maintenant vers le Portail de l'Enfer. Celui-ci était beaucoup plus sombre, les pierres qui l'entouraient habillées presque de noir, partaient en ruine. Le cercle antique était bordé de crânes et des queues de serpents aussi sombre que les ténèbres les encerclaient. Ce qu'on voyait au travers était assez effrayant. Des flammes, des roches sombres et pointues, j'entendais même les hurlements des âmes châtiées. En effet, ça ne donnait pas envie de s'y rendre. 

L'air déterminé et serrant la mâchoire, je m'approche du portail des Enfers. Lorsque j'étais arrivée à quelques centimètres de la surface transparente qui allait me transporter vers le monde Souterrain, des flammèches enveloppèrent mes doigts, ce qui me procura une chaleur presque douce, leur aura étant apaisante et chatoyante. Elles atteignirent bientôt mes avant-bras.

- Votre Royaume vous appelle, très chère, il a besoin de vous, entendis-je Shan me dire.

Je tentai de me concentrer sur ces flammes en fermant les yeux et j'entendis au loin un faible écho :

"Reviens...Reviens...Ils ont besoin de toi...On a besoin de toi...Sauve-nous..."

Ce que je prenais pour les hurlements des âmes sur leur châtiment n'était en fait que leurs appels vers moi pour que je leur vienne en aide. Sans réfléchir, et sans remercier Shan, je traversai de tout mon corps entier le portail vers les Enfers.

La Mort   --tome 2--Où les histoires vivent. Découvrez maintenant