Révélation

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Prostrée sur un sol sale qui ne me tâche pas, je contemple les deux immenses cornes dorées qui se dressent en face de moi. Je ne suis qu'à quelques mètres du palais, en face d'un immense portail en fer forgé décoré de pierreries. Les souvenirs de l'élaboration du palais remontent à loin, mais ne disparaîtront jamais de ma mémoire. C'était l'idée de Lucifer de dresser deux cornes comme celles-ci. Quand je repense à ce qu'il m'a fait, à moi et à mon peuple...D'un geste rageur, je frappe de mon poing les pavés au sol, mais je ne ressent rien d'autre que du vide. Je n'ai conscience d'aucune souffrance physique, uniquement morale. Je suis une âme en peine, le coeur brisé et un corps inexistant. Je suis frustrée de ne pouvoir soulager mon mal-être par de la douleur physique. J'ai envie de sentir les griffure de mes ongles me déchirant la peau, de goûter le goût salé de mes larmes qui ne cessent de glisser sur mes joues, de pouvoir entendre le cri de douleur qui me vrille les entrailles et m'arrache les cordes vocales...Mais je ne peux pas. Je ne peux plus rien faire à moins de contempler mon peuple ainsi que tout les Mondes basculer dans le Chaos. La folie et la volonté de pouvoir de Raphaël n'épargnera personne. Je ferme les yeux, ne voulant plus voir mon palais qui n'est plus le mien. 

" Toi seule est maître de ton destin, choisis-le avant que quelqu'un d'autre ne le fasse, Mayra. Tu as le choix. Tu as toujours le choix."

La voix de c't'enfoiré de Satan. Je me revoyais boire ses paroles réconfortantes comme un Mojito bien frais, et ça me dégoûte. Tout ce qu'il avait dans la tête à ce moment-là, était ma mort. Le flot de larme ne se tarissait pas. Je me demande d'ailleurs comment cela était-il possible, puisque mon corps n'était pas en l'état de contenir ne serait-ce une seule goutte d'eau.

- Mayra ?

Encore une satanée voix dans ma tête, ce serait donc ça mon châtiment ? Devoir subir les voix de mes anciens sujets me rétorquant que je n'ai jamais été là pour eux ? Que je ne les ai jamais sauvés ? Que je suis morte pour rien ? Décidée à faire face à mes démons (façon de parler), je tournais la tête dans la direction de cette parfaite illusion prête à leur dire que oui, je les ai abandonnés et que j'en suis désolée. Mais c'est une grande femme, extrêmement bien vêtue des plus riches plus beau tissus que tout les mondes puissent créer, au teint de porcelaine et au cheveux brun brillant d'un éclat sublime qui me faisait face, arborant un sourire plus que scintillant.

- Quoi ? Vous êtes un Ange ? Vous venez m'avertir que je suis morte ? Comme si je ne l'avais pas remarqué... raillais-je d'une mauvaise joie un faux sourire déchirant mon visage.

- J'étais un Ange, répondit-elle d'une voix reposante mais pleine de charisme, mais je suis, et ce depuis bien longtemps, une âme.

- Et quoi ? Vous venez me voir pour vous venger de l'affreuse mort que je vous ai donnée ? Parce que soyons clairs, si vous me voyez, c'est que vous êtes aussi morte que moi, répliquais-je.

- Tu as toujours fait preuve d'une ironie écrasante dont je ne comprends parfois pas les raisons.

- Comment pouvez-vous parler de moi comme si vous me connaissiez depuis longtemps ? En fait vous êtes la première personne que j'ai tuée et vous voulez me rabaisser encore plus que je ne le suis déjà. Ne vous inquiétez pas, ce travail là a déjà été effectué, veuillez laisser le passage. 

La femme éclata d'un rire doux et sincère qui, si j'en avais la foi, m'aurait fait sourire. 

- Non, j'ai été la première personne à donner mon âme pour toi, déclara-t-elle d'une voix douce

Mes yeux s'écarquillèrent et mes sourcils se froncèrent instantanément. J'ouvrais la bouche, mais je n'avais plus rien à redire d'ironique ou de sarcastique, alors je la refermai, abasourdie. Mon regard dériva une nouvelle fois sur le portail et sur les deux cornes dressées au loin. 

- Qui-êtes vous ? Demandais-je d'une voix hésitante.

- Tu as peur de ce que tu vas découvrir n'est-ce pas ? (pour seul signe d'approbation, je déglutis difficilement) Laisse-moi te dire avant toute chose, que tu m'as impressionnée de nombreuses fois, en faisant des choix plutôt judicieux mais je t'ai toujours suivie où que tu ailles, quoi que tu fasse. Tu as plus d'alliés que ce que tu ne crois Mayra. 

- Qui-êtes vous bon sang ! Redemandais-je avec plus d'aisance.

- Laisse-moi finir je t'en prie, (je pris une profonde inspiration et elle reprit) tu n'es pas morte, juste dans une vision...

- Une vision bien trop réelle à mon goût !

- Elle avait pour but de te faire prendre conscience dans quel était était ton monde !

- Donc là, je suis encore en train de couler dans l'océan, ou en milles morceaux dans le ventre d'un requin qui m'aura bouffée...Mais attendez...c'est vous qui avez créé cette vision ?

- Exact, je l'ai fait pour te réveiller. 

- Les souvenirs, c'était vous aussi ? Demandais-je d'une voix triste.

Elle hôcha la tête pour seule réponse. Je baissai la mienne au sol, détaillant l'amas de poussière ornant les pavés autour de moi. 

- Tes amis ne sont pas encore morts, Mayra (un éclat d'espoir traversa mon âme, et me fit relever la tête vers elle).

- Où sont-ils ? demandais-je en hâte.

- Ils sont en mauvaise posture, mais tu peux encore les sauver, mais pour cela, tu dois te réveiller petite.

Je la vis se retourner et marcher droit devant elle, devenant de plus en plus transparente.

- N'oublie jamais que je serais toujours auprès de toi, Mayra, quoi que tu décides, je te suivrais. Je l'ai toujours fait.

- Attendez ! Je ne sais même pas qui vous êtes ! (Elle se retourna au moment où la moitié de son corps avait déjà disparu, arborant encore une fois ce doux sourire qui se faisait réconfortant) Je ne sais même pas votre nom !

- N'oublie jamais, Mayra, tu as bien plus d'alliés que tu ne le crois.

Elle disparut d'un coup, me laissant seule, avec mes pensées contradictoires, la tête pleine d'espoirs. Si mes derniers alliés et amis sont encore vivants, je me dois de les sauver. Au moins eux. A défaut de ne pas sauver mon âme, je sauverais la leur. 

Et d'un coup, comme si j'avais dit le mot magique, tout redevint noir. Mais je ne me sentais pas perdue, juste déterminée.




La Mort   --tome 2--Où les histoires vivent. Découvrez maintenant