Départ

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Vautrée dans un fauteuil de mon bureau, face à une large et haute fenêtre donnant sur mon royaume en reconstruction, je pensais à la suite des évènements. Les choses s'étaient déroulées beaucoup trop vite à mon goût. Et il faudra que je retourne à la Surface, éradiquer le mal par la racine. Je devais trouver Raphaël et le faire disparaître pour de bon. Et pourtant, je n'arrivais pas à me détacher de mon royaume. Des pas précipités firent irruption dans mon bureau. Je ne daignai pas même relever le regard et soupirai.

- Madame...

- Mayra !

- J'ai tenté de le retenir mais...

- Allez chercher de quoi nous restaurer Déborah, lançais-je à l'attention de la domestique.

Ses petits talons claquèrent contre le sol avant d'entendre la porte se refermer. J'étais encore avachie dans le fauteuil.

- Je t'en prie McCarter, assied-toi, lançais-je à l'attention du nouveau venu.

J'attendis que l'humain s'assied dans le canapé à ma gauche. Il était toujours habillé de la même manière et ses cheveux étaient en bataille.

- Tout va bien ? La chambre te plaît ? Le Palais est assez grand ? Les résidents pas trop bruyants ? Tu veux faire un tour dans les cachots, pour dire bonjours aux prisonniers ?

- Euh...ça va merci, répondit-il en esquissant une moue gênée, je voulais discuter avec toi par rapport à ce qu'il va se passer maintenant.

- Tu es sûr de ne pas vouloir faire un tour dans le royaume ? Je peux te...

- T'as pas de plan, c'est ça ?

- Non, avouais-je, c'est assez compliqué, je ne peux pas abandonner une nouvelle fois mon royaume alors qu'il ne fait que se reconstruire.

- Mais c'est mon monde qui se détruit maintenant, lâcha-t-il, et ne crache pas que ce n'est pas ton problème parce que...

- Parce que quoi ? l'interrompis-je, parce que j'ai plus important à gérer ? Parce que j'ai mon royaume à reconstruire ? Une armée à rebâtir ? Traquer les traîtres qui n'attendent que ma disparition définitive pour reprendre le trône ? Alors oui j'ai d'autres problèmes et ton monde ne fait pas partie de mes priorités.

Jay se releva d'un coup, tendu comme un arc. Son regard en disait long sur la façon dont il me détestait à ce moment-là. Je savais que je n'aurais pas dû dire ça, mais c'était la vérité. J'étais tiraillée entre retourner à la Surface pour détruire définitivement Raphaël et ma responsabilité à rebâtir mon royaume. Faire passer mon peuple en premier avant les autres. Mais voilà que les choses étaient compromises.

- Je te croyais plus forte, mais tu n'es qu'une lâche. T'as peur qu'on te vole ton trône ! Cracha-t-il violemment.

- Ne joue pas à ça avec moi, le menaçais-je.

- Tu es égoïste ! Finit-il par crier, sans coeur ni principe ! Tu ne vaux pas mieux que lui, Mayra ! Tu ne vaux pas mieux que Raphaël !

Je me relevai à mon tour, et l'attrapai vivement par le cou pour le projeter au travers de la pièce. Il atterrit contre les étagères et s'écrasa près du bureau.

- N'oublie pas que tu ne t'adresses plus à une de tes semblables, déclarais-je froidement, tu n'es rien ici, juste un désagrément que je pourrais faire disparaître en un claquement de doigts, mais je t'en prie, si tu veux sauver ton monde, il n'y a rien qui te retiens ici.

Je le regarde se redresser tandis que Déborah entre en trombe dans la pièce avec un plateau rempli d'amuse-bouches. Il se renversa sur le sol lorsqu'elle vit Jay se tenir l'abdomen ainsi que les étagères au sol et déguerpit aussi vite qu'elle était entrée.

- Si je ne vaux rien, rétorqua Jay, pourquoi ne pas m'avoir laissé mourir pendu ?

- Je regrette, répondis-je rapidement, si tu savais comme je regrette. J'avais encore de l'humanité en moi, mais au moment même où je me suis réveillée, je n'étais plus la faible humaine que tu as connue. (il planta son regard dans le mien et je serrai la mâchoire) Alors retourne dans ton univers si tu ne veux pas souffrir dans le mien, Hadès te raccompagnera à la sortie.

- Tu me déçois, lâcha-t-il.

- Va-t-en.

Il sortit de la pièce en clopinant et je soupirai en m'affalant sur un fauteuil. Je passai ma main sur mon visage. Cet humain va avoir ma peau. Et pourtant je ne regrettais pas un mot que je lui avais balancé au visage. Quelque part, c'était vrai. Parfois, à voir tout ce qu'il subissait, je me disais que j'avais des remords de l'avoir laissé rester avec moi. Raphaël ne cherchait qu'une seule erreur de ma part pour justifier de me combattre et mon erreur avait été de parler à Edmund et son fils. Je n'aurais pas dû faire ça, je n'aurais pas dû m'attacher à lui. Et maintenant je regrette tellement. Et pourtant, il était hors de question qu'il reste ici en Enfer. Ce n'était pas son monde, il devait retrouver le sien. Alors je resterais là, à rebâtir ce qui m'a filé une fois entre les mains. Et c'était bien la dernière.



**


C'était avec consternation que Jay se retrouva en plein centre de New York, dans une rue mal éclairée. Hadès l'avait poussé dans une sort de portail qui l'avait amené jusqu'ici. Il s'approcha à l'intersection de la rue, mais n'y vit personne. Il rasa les murs, ayant peur de se faire repérer par quelqu'un ou par les Démons, si ceux-ci avaient prit d'assaut le continent. Soudainement, il vit à une intersection, surgir un homme essoufflé, courir dans sa direction. Il entendit « Courez ! » avant de voir quatre créatures volantes débouler de la ruelle adjacente et se mit à détaler avec l'homme. Il venait à peine de revenir qu'il avait déjà des problèmes, à croire qu'ils le suivaient partout.


La Mort   --tome 2--Où les histoires vivent. Découvrez maintenant