Chapitre 1

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Catalina

Le son de mon vieux réveil-matin ne cesse d'hurler dans mes oreilles alors que j'essaye de grapiller quelques minutes supplémentaires en me cachant sous l'oreiller. Les premiers rayons de soleil traversent le fin rideau de soie démodé de ma petite chambre. La pièce est encore plongée dans l'obscurité tandis que j'ouvre doucement les yeux. Ma nuit a été agitée, comme toutes les autres depuis deux ans. Je revois le corps sans vie de papa et maman, leurs peaux blafardes, leurs yeux vitreux et grands ouverts. Je ressens encore le désespoir, le sang, puis la mort... Chaque fois, c'est la même chose, cet incessant cauchemar qui hante mes nuits, m'anéanti, me perturbe. Je n'en peux plus de revivre ces évènements, je me sens épuisée alors que la journée ne fait que commencer.

À la maison, j'ai pris l'habitude de me lever bien plus tôt que je ne le devrais. Avec cinq enfants, ados et jeune adulte, c'est une vraie fourmilière et j'ai très vite compris qu'il fallait parfois me priver de quelques heures de sommeil pour pouvoir partir à l'heure à l'école.

Quand je vivais avec mes parents, ce n'était pas du tout la même ambiance, ni le même train de vie. Je n'irais pas jusqu'à dire que l'argent coulait à flots, mais mon assiette était remplie de nourriture à chaque repas. Je n'avais que quinze ans lorsqu'ils ont disparus, j'ai pourtant l'impression que c'était hier. Je me suis retrouvée du jour au lendemain chez ma tante, membre d'une famille nombreuse. J'ai encore parfois du mal à trouver ma place et j'aimerai retrouver le calme de mon foyer d'autrefois. Étant la plus âgée des filles de la maison, je me sens beaucoup plus responsable que je ne devrais l'être à mon âge.

Parmi mes cousines, il y a Rosa, trois ans, c'est la petite princesse de la maison. Avec ses petites joues toujours roses et ses jolies bouclettes brunes, c'est notre rayon de soleil à tous. Veronica, quatorze ans, je ne leur avouerais jamais, mais c'est ma cousine préférée. C'est elle qui me comprend le mieux, et à qui je me confie le plus. Elle est solitaire et renfermée, tout comme je l'étais à son âge. D'ailleurs, à dire vrai, je le suis toujours. C'est certainement pour cette raison que nous sommes si proche elle et moi.

Maria, ma tante était très heureuse de m'accueillir quand l'assistante sociale à frapper à la porte de son petit appartement. Certes, j'étais une bouche de plus à nourrir, mais elle s'en fichait, elle savait au fond d'elle, qu'un jour où l'autre, ce moment arriverait. Quant à moi j'ai été soulagée de ne pas devoir être trimbalée de foyer en foyer. Je ne connaissais pas beaucoup ma tante maternelle, j'ai dû l'apercevoir à deux ou trois repas de famille. Je me rappelais qu'elle était très gentille, du peu de souvenirs qu'il me restait d'elle et j'avais conscience que quitter ma ville serait une bonne chose pour ma sécurité. Je suis arrivée avec une petite valise sur le pas de sa porte, timide et apeurée. La dame des services sociaux s'est occupée de mon dossier rapidement, qui voudrais faire trainer un cas comme le mien, d'avoir ma mort sur la conscience ? Car oui, c'était l'un des dangers que j'encourrais à rester chez moi.

Maria est la sœur ainée de maman et à chaque fois que je pose mes yeux sur son doux visage de mexicaine, je pense à ma mère et mon cœur se brise en millier de petits morceaux. Elle lui ressemble tellement que s'en est douloureux. Une peau dorée, des yeux noirs, une silhouette fine et des lèvres charnues. Quand elles étaient plus jeunes, beaucoup les prenaient pour des jumelles, mais la ressemblance s'arrêtait là.

À seize ans, maman a rencontré un jeune portoricain, Javier, mon père. Très vite, elle est tombée enceinte et ma grand-mère l'a fichu à la porte. Je ne l'ai pas connue car elle est décédée peu de temps après ma naissance, et de toute façon maman n'a jamais plus repris contact avec elle. À l'époque, elle est donc partie vivre dans la famille de papa. Très rapidement, ils ont accumulé de nombreux problèmes, principalement financier. Ils ont enchaîné des petits boulots pour pouvoir survivre et m'accueillir dans de bonnes conditions. Javier s'est mis à fréquenter des gens peu recommandables. Le genre de mecs qu'on n'a pas envie d'approcher, qui vous retournent le cerveau et ce sert de vous pour leur propre intérêt. Ils vous manipulent à tel point qu'ils arrivent à vous faire croire que vous ne pouvez plus vivre sans eux et leur fameuse « protection ». C'est comme ça que mes parents se sont retrouvés à faire partie du Cartel le plus puissant et le plus violent de toute l'Amérique. C'était de l'argent facile et un boulot à la hauteur de leurs maigres diplômes étant donné qu'ils ont quittés l'école très jeune.

CatalinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant