Chapitre 3

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Catalina

Je m'assure toujours que mes cousins rejoignent leur classe avant de partir vers la mienne. Ce lycée* n'est pas très bien réputé alors je veux simplement être sûre que tout se passe bien pour eux. Je suis devenue un peu leur seconde mère, Maria étant très occupée avec son travail. La plupart du temps, c'est moi qui réceptionne les appels des établissements scolaires quand il y a un problème. Cela ne dérange pas les directeurs qui ont l'habitude de voir ce genre de situation dans le schéma familial du Bronx. C'est également moi qui me rends aux réunions trimestrielles et qui signe leurs carnets et bulletins scolaires.

Depuis que je vis ici, j'ai l'impression d'avoir raté mon adolescence, comme si j'étais passée du statut enfant à adulte. Pourtant, seulement deux ans me séparent de ma vie d'avant, mais j'ai la sensation qu'un siècle est passé depuis le drame.

Je leur dis à tout à l'heure, il arrive qu'on se rejoigne à la cantine quand nos horaires correspondent.

La cour est bondée comme chaque jour. Le sol en béton est recouvert de mégots, de papiers, je dois regarder où je pose les pieds pour éviter de marcher sur une seringue usagée. Plusieurs groupes se sont déjà formées, se regardant en chiens de faïence, prêt à s'affronter à tout moment. Il y a d'un côté les migrants qui viennent d'arriver sur le sol américain, de l'autre les afros, mais il y a aussi les fascistes. Très souvent des émeutes éclatent entre les différents gangs, mettant en danger la vie des centaines de lycéens.

Les élèves de 12th grade comme moi prennent leur temps pour pénétrer en classe, ils s'en fichent d'être en retard ou non, de toute façon ceci n'aura aucune conséquence pour eux. Ils vont à l'école juste pour que leurs parents touchent les aides sociales. Quant aux profs, ils commencent leur cours même s'il n'y a qu'un seul élève présent.

Je traverse les derniers mètres qui me séparent d'Andréa alors qu'Hector siffle en me voyant, un joint dans une main. C'est tout à fait courant de voir ce genre de comportement dans l'établissement. Il y a bien quelques surveillants qui passent par-là, mais ils font comme s'ils ne voyaient pas les élèves fumer toutes sortes de substances illégales. C'est aussi la raison pour laquelle j'accompagne mes cousins, pour éviter qu'on ne leur propose d'essayer « juste une fois ». Hector, c'est le caïd de la classe et il a jeté son dévolu sur moi depuis ce début d'année. Il est plutôt mignon je l'avoue, mais il ne m'intéresse pas. En fait, pas un seul garçon ne m'intéresse, pourtant l'image de ce Fernando que j'ai croisé ce matin s'impose à moi sans que je ne sache vraiment pourquoi. C'est peut-être son côté mystérieux qui m'attire et aussi le fait que ce soit un homme de Dieu. Ça doit forcément être quelqu'un de respectable et rien que pour cette raison, je m'autorise à penser à lui.

Hector insiste, mais je continue mon chemin, il déteste que je l'ignore, ça entache sa réputation et touche son ego.

Me voilà arrivée devant la salle B14, mon premier cours de la journée. Andréa discute avec Diego et Marco deux garçons de notre classe. Elle ne peut pas s'empêcher de flirter, je crois que c'est plus fort qu'elle. Il faut dire qu'elle attire l'œil. Elle me dépasse d'une tête, ce n'est pas difficile, je ne mesure qu'un mètre soixante-cinq. Elle a de longs cheveux noirs qui ondulent jusqu'aux fesses, des lèvres ourlées parfaites et des yeux chocolat en forme d'amandes. Que dire de son corps ? Elle a ce qu'il faut, là où il faut. Tous les mecs l'adulent à part Hector dont je reste l'obsession principale.

Je tapote sur son épaule car elle ne m'a toujours pas remarquée. À vrai dire je ne sais même pas comment, elle et moi, sommes devenues amies, on est tellement différentes toutes les deux. Elle est populaire, tandis que moi j'essaye de me faire toute petite. Elle est franche, direct et ne recule devant rien, c'est sûrement pour cette raison qu'Hector ne veux pas sortir avec elle. Il préfère les filles qui s'écrasent, comme moi. Pourtant, j'ai toujours eu un caractère bien trempé, mais depuis que je suis venue vivre ici, j'ai comme l'impression que la meilleure chose à faire si je tiens à ma vie est de me taire. Andréa, elle, n'a peur de rien, ses parents haut placés, sont là pour la protéger. Si elle vient étudier au « Charter School » c'est uniquement pour que son père ait bonne réputation. Il veut devenir maire d'une grande ville comme New York et pour y accéder il a besoin des voix de la petite « populace ». Il se sert effrontément de sa fille pour y parvenir. Un peu comme un joli trophée que l'on met en vitrine.

CatalinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant