Chapitre 5

88 7 4
                                    

- Ouf, j'ai cru qu'on allait jamais sortir d'ici, me lance-t-elle lorsque je claque la porte de l'appartement.

Devant mon air déçu, elle ajoute :

- Mais non, ce n'est pas ce que tu crois, j'aime beaucoup ta famille. Mais comme je suis fille unique, je n'ai pas l'habitude de tout ce bruit. Il faut que je m'y fasse c'est tout, sourit-elle pour me rassurer.

Qu'elle s'y habitue, ça veut dire qu'elle espère sans doute que l'on renouvelle l'expérience. Je ne suis pas contre. Je crois que cette journée va nous rapprocher.

- Et bien puisque tu aimes la tranquillité, ça tombe bien parce que je t'emmène dans un endroit où le silence est d'or, lui dis-je en lui faisant un clin d'œil.

- À l'église ? demande-elle. Je l'ai compris à ta tenue.

Elle se marre, mais je ne le prends pas mal, après tout, je la comprends, nous sommes si différentes. Je hoche la tête pour lui confirmer.

- Enfin, si tu es d'accord ? je lui précise pour être sûre que nous sommes sur la même longueur d'onde.

- C'est chouette, dit-elle alors qu'elle frappe dans ses mains comme une gamine, je n'ai jamais mis les pieds dans la maison de Dieu, c'est l'occasion ou jamais.

Elle passe son bras sous le mien, comme deux vieilles amies. Alors que nous sortons à peine de l'immeuble, cinq caïds du coin sifflent comme si nous n'étions que des chiens. J'en ai l'habitude, mais pas Andréa, elle ne sait pas qu'il faut simplement baisser les yeux et les ignorer en attendant qu'ils finissent par changer de cibles. Elle se retourne et les fixe un peu trop longtemps. Prise de panique, je la tire et lui dit de marcher plus rapidement.

Elle pose de nouveau son attention vers moi et me lance :

- Non, mais qu'est-ce qu'ils veulent ceux-là. Ma photo ?

Elle pouffe, inconsciente des conséquences de son comportement. J'ai soudain très chaud, de la sueur dégouline sur mon front et je prie intérieurement pour qu'ils soient de bonne humeur et nous laisse saines et sauves. Elle ne comprend pas ce qu'il se passe, forcement elle ne vit pas dans un quartier aussi dangereux que le mien. Je la tiens fermement par le bras, je m'accroche à l'idée que nous sommes bientôt arrivées au coin de la rue près de l'église et que là-bas, nous serons en sécurité. Lorsque j'aperçois enfin le monument mon cœur se calme et je respire enfin. Je prends le risque de jeter un œil derrière moi, mon pouls s'accélère de nouveau quand je m'aperçois qu'ils ne sont plus là ! Ce n'est pas normal, ils étaient là, à peine quelques minutes plus tôt !

- C'était quoi ça ? s'enquiert Andréa, les paumes sur les genoux pour tenter de reprendre son souffle.

Je ne prends pas la peine de lui répondre et lui saisit la main, nous n'avons pas une minute à perdre.

Nous courons jusqu'au parvis pour nous mettre à l'abri dans l'édifice. J'enfonce les lourdes portes en bois, soulagée d'être enfin en sureté. Les yeux d'Andréa contemplent ce lieu qu'elle n'a jamais vu. Je souris devant son air impressionné. Je me souviens de la première fois où j'ai mis les pieds dans une église. Mon cœur se serre car je devais avoir à peine cinq ou six ans et c'était mes parents qui m'y avaient emmené. J'étais aussi émue que mon amie l'est en ce moment. Cette odeur si particulière, cette sensation d'être seule au monde, ces murs de pierres qui donnent l'impression de se trouver dans une autre époque. Je reviens au présent lorsqu'un frisson me parcourt le corps, sans doute à cause de la température base du lieu. Puis, je réalise que c'est la voix de Fernando qui m'enchante.

J'emmène Andréa vers la nef où je nous installe au niveau des derniers rangs. La lumière du jour se reflète dans les vitraux ce qui donne une multitude de jolies couleurs et dessin sur le sol carrelé. L'office a déjà commencé alors je m'empare du missel* et ma voisine imite mes gestes. Jamais je n'aurais cru un jour transcrire un peu de mon savoir à l'une des filles les plus populaires du lycée ! J'avoue que je suis plutôt fière de moi. Alors que j'écoute attentivement la messe, l'intrépide me donne un coup de coude.

CatalinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant