GémeauxAigue marine
— Qui est mon père ?
On suppose que les enfants posent beaucoup de questions, pourtant, je n'ai jamais vraiment été du genre à suivre cette norme. Petit ou grand, je me sentais toujours trop invasif quand je voulais savoir des choses, surtout au milieu de gens d'autorité.
— Pourquoi maman est partie le chercher ?
Mais on ne peut reprocher à un enfant de les ressentir, l'envie et le besoin de retrouver une partie de ses racines. C'est la nature de l'homme, sous toutes ses variantes. J'étais un enfant assez turbulent, mais en ayant grandi sous l'œil de notre souverain, j'ai toujours su les limites à ne pas franchir. Certaines de ces limites étaient ce démon qui m'a donné vie.
— Il n'y a rien à savoir sur eux, Orion, tu es l'un des nôtres et tu dois te détacher de leur mémoire.
C'était dur de comprendre, je ne sais même plus quel âge j'avais. Mais j'étais certainement trop jeune, puisque maintenant, toutes ces paroles, ces injures envers eux, les crachats de haine sur leurs souvenirs me reviennent comme quelque chose de normal. C'est si absurde de vivre la vie de ses géniteurs par la parole d'un peuple soumis.
Mais je le suis aussi, soumis.
Ta mère a forniqué avec un homme du peuple des Oubliés. Il est mort et tu es né.
Le peu de réponses, je l'ai obtenu de ma tante, la mère de Serim. Elle m'a dit de ne le répéter à personne.
Toute la civilisation des Hydros vivait dans cette Cité, initialement. Mais il y a eu des tensions. A nos yeux, le peuple des Oubliés est un rejeton de notre race, combien même nous ne le considérons pas comme notre ennemi. Un ancien Sage, antédiluvien, aurait expulsé un groupe de parias de nos terres, puis ils auraient réussi à se créer une nouvelle existence de l'autre côté de la frontière. Aux bords de l'Ailleurs, à la limite des territoires interdits à notre espèce. Là où bien plus loin dans le sable du désert, les Pyros vivent dans leurs forteresses d'argile.
— Pourquoi elle aurait risqué tout ça ?
Naïf, j'aurais dit qu'elle avait été aveuglée par l'amour. Et pourtant l'amour, je n'y connaissais et n'y connais toujours rien.
Ma tante m'avait juste souri, tristement. Pour me faire comprendre que ce n'était pas réellement ce que je pensais, ce que la plèbe pensait. Elle était son amie, donc quelques bribes de leur histoire flottaient encore dans ses yeux, mais comme tous les autres, elle s'est finalement permise de croire que tout n'était que mensonge.
— Pourquoi on ne m'a pas tué moi aussi ?
— Ils comptaient te tuer.
Elle m'a répondu cela, j'étais un peu plus grand. Mais j'étais toujours un enfant.
On m'avait ramené à la Cité, nourrisson. Je ne sais pas vraiment ce qu'ils comptaient faire avec ma dépouille sous les yeux du monde. Ils auraient pu me trancher la gorge au milieu des dunes, me laisser me noyer dans mes propres inspirations. Le Sage aurait pu, comme ma mère, me laisser m'affaiblir sous l'orage, et m'observer mourir avant de repartir comme si de rien n'était.
Mais, je crois que ce Sage avait quelque chose d'encore plus malsain dans les yeux. Il avait cette soif de puissance et de pouvoir. Enfant de démon, prisonnier de sa poigne, il avait obtenu de la traitresse la plus libérée, le fruit de ses entrailles.
Pourquoi ne pas le tuer sur la place publique ? Ce rejeton. Répandre la crainte et le désarroi, qui deviendra admiration ; le benêt qui s'émerveille de la râclure.
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Les enfants de la pluie
FantasyOrion était un garçon choyé, quoique turbulent et tête en l'air. Il vivait dans son village où la tempête est reine, où la pluie qui tombe est maîtresse du monde. Il a grandi entre les murs de béton dont il n'a jamais connu l'histoire, sous le bruit...