Capricorne.Pierre de lune
— ...ion... Orion...
Un courant d'air. Une ombre passe devant moi, elle ressemble à un spectre.
— Orion !
Je reviens à moi dans un sursaut. La main plaquée contre mon épaule me fait me redresser. Dès lors, mon corps est parcouru d'un spasme et je maintiens mon haut le cœur bien au fond de ma gorge.
Je lève la tête vers le visage consterné de Menyan, penché, les orbites scindant ma peau diaphane.
— Je viens vérifier tes blessures.
Rien de plus, je suis assis au rez-de-chaussée de ma maison. Depuis l'aurore, je n'ai pas le droit d'en sortir. Au centre des pièces, sans trop bouger. Douze heures sans aucun contact avec la pluie, j'ai l'impression que la folie me gagne. J'ai une énorme envie de vomir, tout mon organisme semble être en train de prendre feu.
« C'est Orion Dörgal. »
Une absence. La voix était sans filtre, sans âme.
« Je sais qui est Orion Dörgal. »
« Donc tu es au courant qu'avant d'avoir été confié à la famille Herima, le Sage lui-même l'a ramené de la frontière ? Ce garçon a ses faveurs. Il est un privilégié. »
Un silence.
Mon corps échoué à leurs pieds se recroqueville un peu plus contre lui-même. Mes sens s'éveillent. Et la douleur, vraiment, cette douleur. Je ne peux retenir un premier geignement.
« J'étais censé laisser passer ça ? »
Insolence.
Je ressens la froideur de l'ambiance, elle m'agrippe la gorge. Un hurlement de douleur, un craquement sinistre au-dessus de moi. La torpeur me gagne à nouveau. Je ne sais pas si c'est par réflexe que je suis retombé dans l'inconscience, pour échapper à l'atrocité d'une vie que je n'ai pas choisie.
Lors de mon véritable réveil, je suis de nouveau chez moi. Des bandages autour de mon corps, allongé sur le ventre.
Ma punition est repoussée à la fin des deux prochaines aurores, je ne survivrai pas sinon. Je passe les journées entières comme un cadavre, alors que ma tante vient toutes les heures me passer une éponge humide sur le visage et les épaules, sinon je finirai desséché. Elle s'occupe de moi la matinée, puis laisse la place à Menyan ou Serim l'après-midi. En tant qu'apprentis guérisseurs, ça les aide également à se familiariser avec leurs futures fonctions.
Quand j'ai pu reprendre une partie de mes esprits, j'ai demandé ce que j'avais raté.
Il parait que le gardien a perdu un bras.
Le troisième jour, on a supposé que je m'étais assez remis pour que ma punition soit commencée. J'arrivais à me déplacer sans m'écrouler, mais mon dos me tiraillait toujours.
— Il ne t'a vraiment pas ménagé.
Menyan change mes bandages et je retiens une faible grimace. Pourtant, c'est plus le fait d'être privé d'eau qui me rend patraque, j'ai l'impression que mon corps se désagrège sous la soif et le tournis. Priver un Hydros est comme lui dire de rester en apnée jusqu'à la suffocation.
En clair, c'est pénible, vraiment très pénible.
Je tourne mon œil vitreux vers mon cadet, qui finalise sa tâche sans me rendre mon regard. J'aimerais voir l'allure de mes plaies. A ses traits détendus, ça semble moins monstrueux.
VOUS LISEZ
Les enfants de la pluie
FantasyOrion était un garçon choyé, quoique turbulent et tête en l'air. Il vivait dans son village où la tempête est reine, où la pluie qui tombe est maîtresse du monde. Il a grandi entre les murs de béton dont il n'a jamais connu l'histoire, sous le bruit...