Chapitre 6

1.4K 231 58
                                    




Balance.

Opale



— Il t'a envoyé m'espionner, sérieux ?

Je suis revenu.

Six jours ont passé, c'est ma troisième visite. Dans son antre encore inconnue mais moins oppressante. Haël est assise devant une lampe à gaz, les lueurs dansent sur son visage. Je suis à l'autre bout de la pièce, en tailleur également, mon œil intrigué continue de balayer les murs marqués.

— J'aimerais bien que tu me dises quelque chose qui puisse le calmer. Tu ne dis pas grand-chose d'utile, il s'en fiche un peu de l'âge que tu avais quand ta première dent est tombée.

Elle a envie de rire, mais se ravise en me voyant bondir sur mes pieds. Je me dirige vers un coin de sa tanière, où sont agglomérés des babioles dont elle seule semble connaître le nom. Des couleurs vives, d'autres ternes, des formes inconnues, une texture qui n'existerait pas dans les tréfonds d'une cité immergée sous la pluie. Je m'abaisse pour en prendre une entre mes mains, époussetant la terre qui la recouvre.

— C'est pas ta curiosité que tu tentes de calmer ?

Mon sursaut éveille enfin son ricanement. Je ne l'ai pas sentie s'approcher de mon dos, son souffle dans ma nuque. Le sourire insolent dans sa voix me fait me retourner avec les sourcils froncés.

Je suis revenu.

Et quand je suis revenu, la deuxième fois, c'était comme si notre dernière discussion avait été mise en pause, avant de reprendre son cours. Comme si je n'étais jamais parti. Tout s'enchaînait de façon à croire que depuis notre rencontre, plus rien n'était arrivé entre temps. C'était une ligne continue, de son apparition aux portes de l'amphithéâtre jusqu'à notre interaction actuelle.

Etonnant.

Un jour, Orion Dörgal a rencontré un monstre à l'agonie dans les recoins de son village. Celui d'après, il regardait ce monstre être conduit derrière les portes du Capitole, pour échapper à la rage du peuple. Et ce jour-là, il a connu la peur d'un effet de masse irrationnel, un attroupement de chair commandé par les viscères plus que par le raisonnement.

Ce jour-là, Orion Dörgal a senti l'étau dans lequel ils avaient plongé son esprit.

Et il y a eu elle.

Haël.

Elle aime discuter avec moi, mais de mon côté je rebondis peu, je parle rarement de ma cité et de son histoire. Je ne sais pas ce que je peux révéler à une créature de l'Ailleurs. Je ne sais pas et pourtant, je me demande à chaque fois pourquoi je ne cesse de revenir. C'est déroutant et énervant. Enervant, terme obsolète. Les termes obsolètes, elle les utilise à outrance, ils sont vagues et s'accordent bien avec le côté abstrait de toutes ses histoires.

Haël, c'est des paroles dans le vent.

Mais des histoires elle en a, tellement. Je saurais reconnaitre son intonation et sa voix parmi mille personnes en pleine querelle.

— Je peux peut-être donner à ton ami quelque chose qui pourra lui occuper l'esprit.

Elle se tient à ma droite. Ses doigts se tendent pour effleurer les miens, je retiens le frisson qui me parcourt le corps. Mais ce qu'elle fait, est simplement d'empoigner la chose que j'ai gardée entre mes mains. Je me sens un peu idiot de réagir comme ça. Je ne comprends toujours pas.

Elle se poste face à moi, les yeux baissés sur cette boîte qui ressemble à un vitrail recourbé, circulaire. Elle s'apparente à un vase d'argile miniature, mais plus fantaisiste et plus coloré.

Les enfants de la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant