Chapitre 4

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Lion

Ambre.


Je plaque ma main à ma bouche pour étouffer mon cri. Pendant une poignée de secondes le noir complet m'entoure. C'est un espace confiné en largeur, interminable en longueur, j'ai réellement cru que j'allais suffoquer.

Mais un rayon de lumière m'attaque et mon bras se rabat contre mon visage. Mon corps atterrit dans un second bassin, relié au premier par un réseau de canaux sculptés qui sont à peine assez larges pour me laisser passer. Malgré mes idées en vrac, j'arrive à étouffer au maximum le bruit de l'impact, du contact brusque avec le système courant.

Mes yeux s'ouvrent sur le hall principal, et j'ai l'impression d'être en territoire hostile. Quelques maigres rayons de lune percent des fissures, d'un bout de fenêtre pas assez large pour me laisser passer de manière un tantinet plus ordinaire. Mais la salle n'est pas plongée dans l'obscurité, il y a des lueurs plus fortes qui me donnent le tournis. Ce genre de lueur qui m'a toujours mis mal à l'aise quand bien même que les ai vues toute ma vie.

L'une des raisons pour lesquelles les Pyros sont nos ennemis numéro un, est que nous sommes leur proie.

Contre les murs sont disposés ce que nous appelons nos « pierres soleil », qui émettent de la lumière même dans les lieux les plus sombres. Les pierres soleil renferment notre énergie vitale, ce qui nous maintient en vie, dans le monde de l'ailleurs et des Pyros, elles seraient l'équivalent d'un cœur. Mais un cœur est fragile et nos pierres soleil sont littéralement la seule chose qui reste intact après notre mort.

Les Pyros nous guettent pendant la saison sèche, lorsque nous redevenons statues. Ils nous tuent sous notre forme la plus vulnérable, et nous dérobent nos coeurs.

Nous n'aimons et ne supportons pas le soleil, la chaleur. Malgré tout, nous avons besoin de lumière, pour voir, pour progresser, pour vivre dans cet affleurement de civilité. Nos pierres soleil émettent de la lumière, et il y en a dans cette pièce vide de tout si ce n'est des palpitants de nos ancêtres, c'est hérissant.

Je me lève lentement, et pars me tapir à l'ombre, contre un mur fissuré. Aussitôt, il y a du mouvement et je cesse de respirer. Une silhouette apparaît au bout d'une minute, elle m'a donné l'impression d'être resté en apnée pendant deux heures. Mais je vois Callisto se détailler dans l'entrebâillement d'une porte de métal, sa forme longiligne comme celle d'un serpent. Elle a le regard lisse, sans aucune expression. Et je la vois longer la pièce sous un rayon de lune faiblard. Les pierres illuminées semblent plus intimidées sur son passage.

Elle ne dévie pas de sa route, marche comme si le sol n'était qu'une simple ligne. Et plus loin encore, je la vois sortir, et je vois les gardes de l'autre côté. Leurs voix lourdes lui parlent de mon ami, mais elle s'en fiche.

Les portes se ferment et le silence me scie en deux. Je me retiens à un pilier avec le souffle court, je maudis Rowen et Menyan de me voir comme à la tête d'une imminente rébellion, je maudis mon peuple de me donner l'impression que je commets le plus impardonnable des pêchers.

Arrête de réfléchir.

Je m'élance, une nouvelle fois, entre les rayons d'anciennes vies. Je m'insère dans la pièce que Callisto a quittée et je n'ai pas réfléchi. J'ai balayé l'espace hostile et je n'ai pas réfléchi, j'ai poussé les vases, les tables de verre, des armoires de métal, les fauteuils de mousse, et je n'ai pas réfléchi.

Et dans ces impulsions relatives à ce que mon peuple m'a toujours mis dans ma tête, j'aurais très bien pu m'être fait prendre. Par les gardes, parce qu'à partir d'un moment, je suis presque sûr que j'ai fait du bruit. Parce que notre peuple n'est pas réellement civilisé, on oublie vite qu'on a la mort qui rit dans notre dos.

Les enfants de la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant