Dυ Crépυѕcυle ὰ lα Nυιт.

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«Vivre était difficile alors je venais chaque soir pour te voir. Tu étais toujours là, accoudé sur la rambarde froide de ce pont en bois. Tu regardais l'horizon. Depuis mon banc de solitude, j'apercevais une profondeur mystérieuse dans tes orbes. C'était un spectacle incroyablement beau. J'ai découvert que tu étais fascinant, magique, insaisissablement ténébreux. Un jour, mon cœur s'est mis à battre pour toi. Depuis mon banc, j'ai ressenti la solitude grandir dans ma poitrine. Cette chaleur m'a fait comprendre que plus jamais je ne pourrai vivre sans penser à toi. J'étais effrayé et je ne pouvais que revenir chaque soir pour t'observer. Tu connais mon secret maintenant : je t'aimais déjà. Dès le premier instant, tu as attisé un sentiment qui n'avait jamais existé avant. Je te trouvais éblouissant et je voulais savoir pourquoi. Alors je revenais, chaque soir, en sachant que tu serais là. Tu étais déjà si spécial.

Finalement, je n'ai jamais su répondre à mes questions. D'ailleurs je crois qu'elles n'étaient d'aucune importance car te contempler me suffisait amplement. Mes longues journées se finissaient avec la certitude de me délivrer de toutes mes peines et mes douleurs en posant simplement mon regard sur toi. J'oubliais si vite, si simplement tous mes démons, lorsque je t'apercevais admirer le soleil couchant. La nuit prenait place, tu partais, ma sombre vie reprenait. Tu étais ma pause. Mon petit bonheur.

Tel que je te connais, je sais qu'en lisant mes mots, tu souris. Je connais si bien ton sourire que je peux le voir même lorsque je suis seul. 

Pourquoi venir chaque soir regarder le Soleil se coucher ? Tu venais quand il faisait froid, tu venais quand il faisait chaud. Pluie, neige, vent. Fatigué, malade, seul, toujours dans ce lieu afin d'observer le soleil se coucher. Pourquoi affronter les intempéries juste pour aller sur ce petit pont ? Je me posais parfois la question. D'autres fois, elle n'avait aucune importance. Je te remerciais intérieurement d'être simplement là, en toutes circonstances, sans jamais oublier une seule soirée. Ne ratant absolument aucun rendez-vous avec ce lieu et le coucher de soleil. C'était maladroit de penser ainsi, mais c'était la pause bonheur que je m'accordais. Je profitais de ce moment. J'observais le vent dans tes cheveux. Je priais qu'il vienne jusqu'à moi pour me présenter ton odeur. Chaque mèche noire dansait avec les brises. Tu regardais le soleil avec un sourire de nostalgie. Je te regardais comme si tu étais mon soleil.

Je me souviens du soir qui a tout à changé. Ce premier soir. Il pleuvait. Le soleil partit bien vite. Tu te cachais sous un parapluie, je ne voyais pas ton visage. Dans un geste que je devinais, tu levais les yeux au ciel et la pluie commença à se calmer. Goutte après goutte, nuage après nuage, le ciel se dégageait doucement. Les derniers rayons de soleil apparurent et tu laissas tomber le tissu noir imperméable au sol pour tendre les bras, inspirer profondément et sourire légèrement. Un spectacle inoubliable qui me touchait vivement. Les rayons qui glissaient sur ta peau de porcelaine semblaient jouer pour toi. Tu manipulais l'éternité. C'était poétique, c'était magique mais c'était triste. Tu pleurais.

Avec ce léger sourire, avec le temps entre tes mains tendues, avec le soleil qui se fondait en toi. Avec les larmes qui s'écoulaient sur ton visage, prenant la place de la pluie. Je n'ai su résister à cet appel éphémère. Tu lançais un S.O.S. à qui pouvait l'apercevoir, à qui pouvait l'entendre. C'était ma chance et j'en avais déjà raté tellement alors je me suis levé. Tu étais si seul, je l'étais. La solitude appelle à la solitude. Ainsi, nous nous sommes rencontrés. Le Destin ? Peut-être.

J'ai fait ce pas. Le premier d'une multitude d'autres. Si près de toi, je ne l'avais jamais été. Pour la première fois. Bon sang... tu n'as jamais su à quel point chacun des pas étaient effrayants. Mes jambes tremblaient, mon corps entier hésitait et mon esprit s'embrouillait. Il n'y avait plus que quelques centimètres entre toi et moi quand mon cœur a explosé. Si près de toi. Ton visage. Tes yeux. Tes lèvres. Ton odeur. C'était comme un rêve. C'était inimaginable pour moi. J'avais parcouru cette distance. La seule que je m'étais interdite de parcourir. Je ne voulais pas t'emprisonner dans mes malheurs aussi futiles qu'une vie peut être fugace. J'étais seule et s'il y avait une personne que je voulais tenir à l'écart de ma maudite vie, c'était toi. L'inconnu du pont, aimé par l'inconnu du banc. Tu ne méritais pas quelqu'un comme moi.

I ʟᴏsᴛ sᴏᴍᴇᴛʜɪɴɢOù les histoires vivent. Découvrez maintenant