Pensée

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Elias avait la plupart du temps les muscles tendus et les ongles plantés dans les palmes de ses mains.

Son cœur tremblait de peur pour une moindre raison, un événement, une interaction.

Il pensait à tout, toutes ses actions, toutes ses paroles.

Il croyait être sous le regards de tous, jugé, moqué pour chacun de ses faits et gestes.

Il se sentait compressé dans une cage, réduit à néant.

La psychologue, que ses parents le faisaient voir toutes les semaines, avait dit qu'il avait un fort trouble anxieux.

Et même avec ses sessions, ça ne semblait pas s'arranger. C'était un cercle vicieux. La sensation nauséeuse coincée dans sa gorge, le rythme accéléré de son pouls, la transpiration dégoulinant le long de son visage, ça revenait encore et encore.

Ses pétales, ses membres, étaient ondulées et frisotées par cette peur constante qui survolait son âme. Peu à peu, il perdait le contrôle, il n'était plus maître de son propre corps. Quelques fois il perdait même la notion de réalité, il ne savait plus ce qui était vrai, ce qu'il ressentait. Tout semblait trouble, flou, l'emprisonnant dans un monde parallèle, lointain.

Pourtant, mettre un nom à sa condition lui apportait un léger comfort. Il savait qu'il avait un problème et que tout n'était pas dans sa tête, il n'était pas fou. Il savait qu'un jour il rependrait un peu du contrôle que le trouble lui avait volé. Pas tout de suite mais, un jour.

Pourtant, il y avait des moments où il avait l'impression de voler au dessus des plaines, où son sourire était resplendissant, sincère. Il y avait des jours où il allait vers les gens, surpassait sa peur maladive, s'ouvrait au monde. Il y avait des jours où il arrivait à s'endormir l'âme reposée, à se réveiller l'esprit au dessus des nuages. Il y avait des jours où sa délicatesse refaisait surface et chantait une berceuse à tous les gens qu'il croisait.

Certes, le cœur d'Elias était un peu plus foncé et préoccupé que les autres personnes, que les autres fleurs. Mais, ça lui permettait de briller, d'être une multitude de couleurs, de teintes, de variétés. Ça lui permettait d'apprécier toujours plus les moments simples, les moments où il pouvait respirer à nouveau, où tout semblait normal.

Des veines remontaient à la surface de sa peau, c'était une plante veinée, reliant l'ombre et les pigmentations. L'adolescent était une représentation entre les hauts, les biens et les bas, les maux. Son existence montrait au monde qu'il y avait les deux, une balance de ces deux côtés.

Il était les pensées dans les jardins fleuris, les cages d'escaliers, les balcons. Il était un rappel qu'il n'y avait pas que l'obscurité, l'effroi, le désespoir. Il y avait aussi la lumière, la beauté de vivre.

Tout était une question d'équilibre, et même si Elias se sentait un peu plus nager dans les ténèbres, il savait qu'il goûterait aux saveurs des saisons. Il avait les muscles tendus et les ongles plantés dans les palmes de ses mains, la plupart du temps. Mais pas tout le temps, et, c'était tout ce qui importait.

Un monde en fleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant