22- Rendez-Vous Pas Comme Les Autres.

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Je me suis levée très tôt, il est 9h30 et je viens de recevoir un appel de Malek me demandant de descendre à la grande rue de Didouche pour éviter les ruelles de mon quartier où y a assez de monde à cette heure ci.
Je descends donc les escaliers de mon immeuble et je sens vraiment mes mains trembler de stresse. J'ai soif et peur, mon coeur bat 100 à l'heure. C'est maintenant ou jamais, ça passe ou ça casse.

Je marche et l'air frais me fait du bien. Je cherche sa voiture mais ne la vois pas alors je décide de marcher encore un peu, peut-être qu'il m'attend de l'autre côté?
Je sens une voiture s'approcher de moi mais ne me tourne pas.
-« Pssst, mademoiselle, je peux avoir votre numéro? »
Je me retourne cette fois prête à insulter le mec là à me suivre avec sa voiture et me draguer de bon matin puis je vois que c'est Malek. Merde, je m'attendais pas à ça. Je vais dire quoi maintenant? Juste bonjour? Je lui fais la bise ou pas?
-« Nita ça serait plus simple si tu montes dans la voiture, tu peux toujours réfléchir après hein? » dit-il avec un léger sourire que je trouve assez perturbant.
Je fais oui de la tête et monte sauf qu'en fermant la porte j'ai perdu un ongle de mes capsules et il a attiré directement sur lui.
-« Ca t'appartient ça? » il rigole et me le tend.
Merde! Pourtant je les perds jamais, ça se décolle difficilement et là, juste au moment ou je le vois, un truc comme ça m'arrive . Vie de merde.
-« Oui merci et dsl, je vais le recoller. » je sens le rouge me monter au joues, j'ai vraiment honte là.
-« Je ne sais pas comment c'est en Hollande mais ici tu dois mettre la ceinture. » plaisent-il.
Mais qu'est-ce qu'il m'arrive?! Je mets toujours la ceinture moi. Pourquoi je suis si perturbée?
-« Oui bien sur dsl j'ai oublié. » j'essaie de la mettre mais j'ai du fermé la porte dessus, c'est bloqué et je n'arrive pas à ouvrir la porte non plus. Ok, ce n'est vraiment pas ma journée.
-« Laisse je vais le faire. » dit Malek et il sort de la voiture pour ouvrir la porte puis m'attache comme on attache un bébé à son siège auto.
Il referme la porte et se remet derrière le volant.
-« Calme toi ma belle pourquoi t'es stressée comme ça? Viens je te fais un câlin. » dit-il avec un sourire pour me rassurer. Je veux bien m'approcher pour le câlin mais la ceinture est serrée donc c'est lui qui s'approche puis me fait un gros bisou sur la joue. « Ça va comme ça tu crois? On peut y aller? »
-« Oui oui ça va c'est bon allons-y. »

Il met de la musique pour détendre l'atmosphère puis essaie de discuter un peu mais je dis pas grand chose. Je regarde par la fenêtre, Alger est magnifique et ça m'a vraiment manqué.
Il remarque que je suis branchée ailleurs alors il commence à me raconter des histoires sur la Casbah, Beo, La Pointe... des histoires de lui quand il était petit, j'écoute attentivement.
Je commence à me sentir plus à l'aise et je lui raconte à mon tour des histoires de moi en Hollande en étant petite. On compare un peu notre enfance et remarquent qu'à part le pays, on a beaucoup de points en commun.

-« Alors tu veux faire quoi aujourd'hui? » me demande-t-il.
-« Je ne sais pas, je te laisse choisir. »
-« On peut passer à Sidi Feroudj si tu veux vu qu'il fait beau.
-« Ah oui! J'y suis pas allée depuis des années. Ça a changé? »
-« Je n'en sais rien. Je ne parts pas la bas non plus mais on verra bien. »
-« Je sais ce n'est pas le moment mais... » dis-je doucement.
-« Non dis moi stp, tu as une idée? »
-« J'aimerai passer au cimetière d'El Alya après. En fin de journée ça me dérange pas. J'ai perdu un pote je veux aller le voir, je lui avais promis de le faire dès que j'arrive et j'ai peur de ne plus avoir de temps après ».

Je n'ai pas vraiment parlé de ça mais j'ai perdu un ami d'enfance, Youcef, à cause d'un accident de voiture Aout passé, tout le monde était présents, tout nos anciens camarades et amis sauf moi vu que je n'étais pas en Algérie. On avait parlé pendant des heures au téléphone la veille de sa mort et on s'est promis de le faire plus souvent vu que ça nous a fait un bien énorme. Malheureusement, c'était la première après des années et la dernière fois qu'on se vide le coeur sur un long appel téléphonique. Quand j'ai appris la nouvelle je n'ai plus dormi depuis des nuits et des nuits. Ça m'a complètement boulversé.
Je le connaissais depuis mes 6ans et son père et le mien était potes aussi. Je me rappelle qu'on est allé voir un match grâce à nos pères au stade de Bouloughin « USMA-NAHD », on avait peut-être 10ans? Même pas. C'était tellement grandiose on a adoré. On a même eu droit de parler à quelques joueurs à la fin. Et c'est un peu grâce à ça que nous sommes devenus proches. Même après les cours, on se voyait souvent sur des terrains de foot vu que nos pères jouaient ensemble dans la même équipe.
Un peu plus âgés, nous étions souvent assis l'un à côté de l'autre en classe. Pas à la même table mais j'ai tellement de souvenir de lui à faire le pitre et le prof de maths qui lui criait dessus, ça ne disparaîtra jamais.
Que Dieu l'accueil dans son vaste Paradis.

-« On peut faire ça oui, je veux être présent. On cherchera où lui acheter des fleurs et on y va. » dit Malek.
-« Un premier rendez-vous dans un cimetière, ça ne te dérange pas? »
Il attrape ma main et me regarde un moment puis me dit « Je ferai ce que tu voudras et je préfère être là quand tu parts le voir. Je t'avais promis que je serais là pour toi. »
Je lui souris et le remercie.

On arrive à El Alya quelques minutes plus tard, on cherche où stationner la voiture puis demande à l'entrée ou se trouve le nouveau carré vu qu'ils sont en train d'en rajouter et rénover.
Ils nous dirigeant vers les nouvelles tombes et j'ai le coeur qui serre. Il ne peut pas être ici, il est encore jeune, trop jeune.
Malek remarque que ça ne va pas trop du coup il me prend la main et nous marchons vers le carré ou est supposé reposer en paix mon ami.
On marche et on cherche depuis maintenant 20min mais son nom n'est écrit nul part. Ça me perturbe, ça me frustre.
Je vais m'assoir sur un banc pendant que Malek continue de chercher. Ça ne sert à rien j'ai regardé partout il n'y est pas. Comment c'est possible?
Je regarde le ciel et j'ai mal au coeur. D'un côté ça me soulage de ne pas le retrouver, peut-être que j'ai revé et qu'il est toujours parmi nous. Non, je vais commencer à y croire et me créer de faux espoirs. Putain Youcef je suis là t'es où?

-« Il est là!! » crie Malek.
Je suis choquée, c'est comme s'il venait de répondre à ma question.
Je me lève vite et me dirige vers une tombe assez cachée, sûrement parce qu'elle est encore neuve.
C'est lui, c'est vraiment lui. Y a son nom et sa date de naissance et de décès juste en dessous. Je n'arrive pas à retenir mes larmes et j'explose en pleures.
-« Chuuuuute ma chérie viens là. » Malek me prend dans ses bras. « On dit que ce n'est pas bien de pleurer. Essaie de prier pour lui ça lui fera du bien. Tu veux rester seule avec lui un moment? »
-« Oui stp. »
-« D'accord, je vais chercher de l'eau pour nettoyer un peu. Je reviens vite. »
Il part et me laisse seule avec lui. Je lui parle un peu, je lui raconte nos souvenirs.
-« Je ne sais pas si tu peux m'entendre mais tu te rappelles quand t'as demandé au prof d'éducation islamique si on pouvait écouter Booba au Paradis en mangeant un kebab? » je pleure des rivières et rigole en même temps « bah j'espère que tu n'es pas déçu... » j'essuie mes larmes sans quitter sa tombe des yeux. « Je t'aime, tu me manques Youyou».
Je lui lis quelques versets du coran et je vois Malek revenir.
-« Ça va? » me demande-t-il inquiet.
-« Ça ira. Passe moi un peu d'eau. »
On nettoie tout, arrange les fleurs et on s'en va.
On quittant les lieu je respire durement et fais sortir mes dernières larmes. Malek se met face à moi, me tiens le visage et m'essuie les larmes qui viennent de couler. Il me fait un bisou sur le frond et meprend dans ses bras pendant un long moment cette fois en le caressant le dos. Je le serre très fort aussi, ça me soulage de sentir sa chaleur, ses battements de coeur, il est là Malek il est vraiment là.
-« La vie n'est pas toujours juste pour tout le monde. Profitons du temps qui nous reste ensemble. » Chuchote-t-il dans mon oreil.

🥀 A la mémoire de notre cher fils, frère et ami Youcef Amalou. Parti trop tôt. Tu seras à jamais dans nos cœurs. 🥀

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Son Soleil, Ma Lune.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant