1/ La naissance

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Dans l'hôpital de Sainte Geneviève, lors d'une nuit d'orage, proche de l'hiver, une femme criait à la mort. Elle mettait au monde son enfant, son douzième enfant. Des gouttes de sueurs perlaient sur son front, ses joues et descendaient à son menton, comptant tomber sur la chemise mal agrafé, au niveau de sa poitrine. Ses hurlements stridents remplissaient d'effroi les médecins et sages femmes qui prodiguaient conseils et soins. De jour et par beau temps, peut être, aurait-on put ouïr ce son depuis l'extérieur, mais le vent s'abattait sur les arbres attenant le bâtiment, les feuilles vrombissaient avec fureur, la pluie couvrait le tout de sa douce mélancolie, même les corbeaux ne se risquaient pas à sortir, tant la fracassante tempête était effroyable. Il fallait couvrir ce bruit, ou peut être bien cette naissance. Peut être que personne ne devait connaître l'existence de ce nourrisson. Peut être qu'il fallait le cacher des dangers du monde, le préserver. Depuis l'intérieur, on avait seulement l'impression d'une nuit noire, mais des fois, la pluie battait les carreaux sans ménagements. Mais peu prêtait attention aux cinglantes rafales, la mère aguerri n'accouchait pas comme il fallait, le nourrisson ne sortait pas, et bientôt il faudrait faire une césarienne. Les cheveux en pagailles et collés sur son crâne, la maman forçait de toutes les réserves inépuisables et inimaginables qu'une mère peut avoir et a pour son enfant. Sauf que cette maman à le cœur sec, peut être, est-ce pour cela que l'accouchement se passe si mal.

Après plusieurs heures de soutient constant, juste avant que l'opération ne soit décidé, le bébé sorti du ventre nourricier. Les médecins se précipitèrent sur la masse ensanglanté, coupèrent le cordon, il pleura fort remplaçant les cris de sa mère, ça y est, Guillaume est né.

Ils le lavèrent dans un bain stérile, firent des piqûres pour des vaccins, ils s'y reprirent d'ailleurs plusieurs fois avant de trouver la veine du pieds, l'emmaillotèrent dans un linge des plus propres mais ne le passèrent pas à Maman. Celle-ci s'était endormit, après l'effort considérable qu'elle avait fourni, et les médecins jugeaient d'ailleurs bon qu'elle se repose. Ils ne marquèrent donc que le nom de Maman sur le lit couveuse du tout petit garçon. Guillaume ne s'appelait pas encore Guillaume. Il était prématuré, mais ne souffrait visiblement d'aucune malformation ou autre potentiel dommage. Il était juste « pressé de naître » comme se plaisait à dire les médecins à chaque bébé en avance. Maman ne vint voir Guillaume que le lendemain après un très long sommeil réparateur. La couveuse n'était là que pour sécuriser cette naissance qui était décidément très en avance « Quand même, deux mois et demi avant la date prévu, c'est un miracle qu'il soit indemne! » murmurait l'infirmière de garde à une autre, qui s'empressa de répliquer « Aucune malformation crânienne, un bon développement de neurones, la seule vraie difficulté fut la maïeutique enfin de compte. ».

Les yeux sévères de Maman fixait les deux pieds du nourrisson, puis remonta lentement pour observer ce douzième enfant, voir s'il était vraiment différent des autres. Les jambes potelées, le buste rebondit, les doigts qui se fondaient dans les mains, replié dans des angles presque inconnus au bras, la tête recouverte d'un léger duvet blond, les yeux fermés. Malheureusement, le bambin ressemblait à ses frères, et elle se désintéressa rapidement de lui. Le médecin qui l'accompagnait lui demanda alors, la question.

-Comment avez-vous appelé votre enfant madame?

-Et vous, comment vous appelez vous?

-Guillaume Blanchard, madame.

-Alors se sera Guillaume.

Le médecin était abasourdit, il ne savait pas si elle plaisantait, si c'était une tradition familiale étrange ou une simple coïncidence. Ce n'était pourtant ni l'un ni l'autre. Polit, il ne tiqua pas et prit cela pour des fantaisies. Il plaint pourtant le nouveau-né, qui allait sûrement en voir de toutes les couleurs, avec un femme pareille. Il ne savait pas à quel point il avait raison. Au moins maintenant Guillaume avait un nom.

Mais pour l'instant Guillaume dort, Guillaume est un petit enfant, il venait de naître et l'innocence baignait son âme. Il rêvait, mais on ne savait pas quoi, vu qu'il ne connaissait rien. Maman, n'avait reçu aucune visite, Papa n'était pas là et ses enfants n'étaient pas venus apprécier le nouveau née, trop jeunes pour certain, désintéressés pour d'autre. C'est ce que le médecin en charge de son étrange pensa, jusqu'à l'arrivé d'une grande femme blonde qui demanda à voir Maman.

Elle ne ressemblait pas du tout à la mère de Guillaume, pourtant elle affirma être sa fille. Elle était grande sur ses talons noirs, alors qu'elle l'était déjà en tant normal, des yeux farouches et ravageur, son air doux contrastait avec tout son corps anguleux, sa peau diaphane devait être le seul point commun avec Maman. Elle devait avoir vingt-cinq ans. Elle s'assit sur la chaise à côté du lit de Maman et attendit. Sûrement des présentations, ou un quelconque enthousiasme à voir de la famille, sur le visage de sa mère. Ils avaient mis Guillaume dans sa chambre. Maman était réveillée mais ne regardait pas sa fille, elle l'avait entendu entrer mais faisait comme si elle était seule. Elle ne regardait pas non plus Guillaume. Daphné, c'était son nom, s'approcha du berceau de Guillaume, il était réveillé mais respectait le silence de la pièce. Il ne gigotait pas beaucoup mais était visiblement attentif à tout ce qui l'entourait. Elle se pencha, et le prit dans ses bras. Il paraissait microscopique et vulnérable, mais en sécurité dans cette alcôve d'une étonnante chaleur. C'était la première fois que Guillaume était tenu dans les bras. Maman ne l'avait jamais fait.

Daphné finit par parler:

-J'ai appris que beau-papa s'était cassé, avec une autre.

-Elle était mieux foutu et plus jeune c'est tout.

-Et sûrement sans onze gosses. Douze maintenant.

-Tu étais bien contente d'être partie au dernière nouvelle.

-Et je ne regrette absolument pas. Je venais seulement souhaiter bonne chance à mes frères avec toi, et un marmot en plus dans la maison. J'ai seulement fait un détour si ça peut te rassurer. Il est plutôt mignon soit dit-en passant. Il s'appel?

-Guillaume. Si tu le veux tu le gardes.

-Je te sais sérieuse et c'est peut être ça le pire, soupira la fille. J'avais oublié, ton manque de cœur. Tu sais, cet organe vital pour les humains. Quoique es-tu vraiment humaine? Finit par cracher Daphné.

Sans attendre la réponse cinglante de Maman, qui n'allait pas tarder, elle reposa le bébé et partit en claquant la porte. Maman reprit ses contemplations, de la fenêtre. Guillaume qui était fatigué, s'était rendormit. Dans une semaine il serait à la maison, mais il ne le savait pas non plus.

Au dehors, il pleuvait toujours avec force depuis trois jours, tout était détrempée. Les oiseaux, abrités sous les gouttières dans leur nids, n'étaient pas plus au sec. Le gris monotone des nuages fonçait admirablement vers le noir, créant une aquarelle hétérogène splendide. Une paire d'yeux jaunes resplendissait, luisant, incrustées sur des plumes annonçant mort et désespoir, observait la démarche d'une grande blonde, allant vers sa voiture grise. Un autre corbeau, aux pupilles noires, fixait l'étrange bambin à travers la vitre, se demandant sûrement pourquoi il était devenu rouge tout d'un coup.

GuillaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant