2/ La petite enfance

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Guillaume était maintenant rentré à la maison. La grande famille avait mis du temps à s'adapter au rythme du nourrisson. Mais c'était Guillaume qui eu le plus de mal. Il était était effrayé par tant de gens et tout ce bruit constant. La maisonnette était effectivement très agitée pour un petit bonhomme. Et visiblement, être le centre de l'attention ne lui plaisait pas. Tous étaient venu le voir une fois, s'exclamant ou gloussant. Ces sons stridents le faisait pleurer. N'ayant pas la place de le mettre ailleurs, Maman avait mis le berceau dans le salon, coincé entre le canapé et le mur. La pièce centrale était d'un désordre affligeant; des magazines, des factures impayés, des papiers diverses sans importance étaient disséminés un peu partout, sans compter le cendrier plein sur la table de salon et les déchets alimentaires diverses. Exigüe aussi, tous ne rentraient pas dedans et devait se relayer pour surveiller Guillaume. Maman, après s'être vaguement intéressé à Guillaume, était partie s'enfermer dans sa chambre, laissant les enfants gérer le nouveau-née. Les couches, la nourriture, les jeux, les siestes, les cris la nuit, furent le sujet de nombreuses disputes entre frères et soeurs, puis rejetant tout sur la faute de Guillaume à la fin, car c'était lui qui causait cette agitation. Mais Guillaume n'y était pour rien, il était si petit, sa conscience même pas encore développée, il ne savait pas les problèmes qu'il engendrait. Quand Guillaume pleurait ou criait trop fort, Maman sortait de sa chambre furieuse, et elle faisait sortir tout le monde du salon en criant, maugréait sur l'incapacité de ses enfants à ne pas savoir s'occuper d'un bébé. Au lieu de le faire elle. Elle ne câlinait jamais Guillaume, pas un mot tendre, ni un regard émerveillé, ni un geste affectueux de maman.

De toute façon, Maman ne ressemblait pas à une maman. Elle avait le teint bien trop pâle et cireux, pour être aimante. Ses cheveux noirs lâchés et jamais coiffés, pendaient raides, empêchant toute affections de se créer. Ses yeux remplit d'un haine sourde faisait peur aux enfants, à tous les enfants. Son âme était sûrement vide. Les courbes gracieuse d'une mère avait disparut sur cet être, pour ne laisser place qu'à une dame d'une cinquantaine d'année plate et maigre sous tout rapport, les hauts qu'elle portait la rendait encore plus fine et squelettiques. Elle n'avait pas le tempérament adéquat non plus, toujours excédée ou en colère, elle ne souriait ou ne riait jamais. Elle ne faisait pas son âge, mais bien en dessous, et n'était pas extrêmement belle, mais suffisamment pour qu'on la remarque lorsqu'elle le voulait. Ses cernes monstrueuses, sa bouche pincée, ses joues creuses, elle ressemblait à ça, quand elle ne se maquillait pas et n'allait pas voir un nouveau papa. Si elle n'avait que si peu d'année dans les pattes, c'est que son premier enfant, elle l'a eu à dix-sept ans. Daphné était la première, Maman n'avait jamais été chaleureuse jusque là, mais à son cinquième elle était devenue irascible.

Sur les douze qu'ils étaient, huit vivaient sous le toit de Maman. Les jumeaux de sept ans étaient intrigués par le bébé et tournaient autour, constamment jusqu'à ce qu'il pleure. Maman râlait, puis tentait tant bien que mal de calmer Guillaume. Ils revenaient à la charge avec des jouets, l'entouraient avec ou faisaient des bruits de locomotive en faisant voler le train au dessus du petit. Ils étaient trop jeunes et perturbateurs pour avoir une responsabilité, mais faisait tout de même une part des tâches domestiques de la maison, mal, à défaut d'avoir comme charge de jouer avec Guillaume. La plus grande encore à la maison, se plaignait du bruit qui perturbait ses révisions, ne s'occupait de lui que le matin, changeant ses langes, et le soir préparant son biberon en même temps que le reste de la nourriture pour la famille nombreuse. Elle n'était pas méchante, mais distante, étrangère à Guillaume et à tout autre membre de la famille, elle ne faisait que le strict nécessaire qui normalement incombe à Maman. Les triplés avaient dix ans, mais jouaient et se chamaillaient beaucoup avec les jumeaux, ils étaient la principale source de discorde de la maison avec Guillaume. Elles avaient toutes les trois décidées d'un commun accord qu'elles se relayeraient pour donner à manger à Guillaume. Chapardeuses et surexcitées elles ne voyaient en lui qu'une poupée, pour jouer à la maman. Les deux cadets, si on peut les nommer ainsi, avaient respectivement quatorze et seize ans, mais se comprenaient étonnement bien, et restaient ensemble la plupart du temps. Ils étaient casse coup voir des petits voyous, mais devaient, comme tous les autres se plier au règle stricte et implicite de Maman. Le plus âgée des deux s'occupait de surveiller le nourrisson lorsqu'il dormait et faisait souvent nuit blanche pour rendormir Guillaume. Mais des fois trop fatigué pour tenir, il dormait à poing fermé, et c'était Maman qui calmait Guillaume pour pouvoir se recoucher. L'autre se voyait faire le bain du bébé: bonne température de l'eau, le déshabiller, le savonner sans toucher les yeux, le rhabiller. Ayant un emploi du temps moins lourd que les autres il l'amusait en jouant avec ses stylos pendant qu'il faisait ses devoirs.

Leur vie fut rythmée ainsi pendant longtemps, mais quand tous les enfants étaient partis pour l'école, Guillaume se retrouvait seul. Maman était à la maison bien sûr, mais elle ne s'occupait pas de lui, sauf quand il braillait pour le biberon du midi et de quatre heure. Personne ne savait ce qu'elle faisait dans sa chambre, mais elle n'en sortait pas. Les courses étaient livrées à domicile, mais c'était déjà à peine si elle passait la tête par l'entrebâillement de la porte pour signer le reçu. Mais Guillaume s'en fichait, à cet âge là, seuls les instincts nous guident notre conduite.

Quelque temps après ses premiers mots, Guillaume fut mis dans un parc près de là fenêtre, avec les quelques jouets des jumeaux. Il ne savait pas encore marcher et ne se déplaçait pas très vite à quatre pattes. Toujours personne pour le surveiller ou jouer avec lui, il agitait le hochet avec des éléphants bleus, au rythme de l'ennui. C'était en été, il faisait beau et le soleil s'engouffrait dans le salon, la vitre ouverte laissait passer un vent frais. Et un oiseau noir aussi. Soudain attiré par cette nouveauté, Guillaume rampa jusqu'au barreau de son parc et tenta de se mettre debout sans succès, essayant d'atteindre le corbeau qui s'était perché juste là. Le volatile regardait Guillaume se démener pour arriver jusqu'à lui. Il tournait la tête fréquemment pour observer d'un œil l'évolution du bambin. Guillaume fit un effort démesuré pour se soulever puis s'agripper au barreau. Il tendit sa main potelée de bébé pour atteindre le fruit de son effort. Soudain l'oiseau s'envola, poussa un cri pour atterrir sur la barrière opposée du parc. Guillaume plus déterminé que jamais à atteindre son nouveau jouet, il retenta son approche. Le corbeau s'envola de nouveau, pour se mettre sur une autre barrière. Guillaume émis un gargouillis de satisfaction, qui s'apparentait au rire, puis recommença. Ce jeu amusa beaucoup l'oiseau apparemment, car ils firent cela tout l'après midi.

Quelques mois passèrent et le corbeau revenait. Guillaume était toujours heureux quand il voyait les plumes noirs apparaître sur la fenêtre ouverte. Ce dernier savait, grâce à l'aide du volatile, marcher presque aisément debout, même s'il tombait encore. Il avait développé un nouveau vocabulaire aussi improbable que cela puisse paraître , « P'umeuh noi'e! ». Il répétait sans cesse de mot à table, qui voulait tout simplement dire « Plume noir ». Guillaume riait fort, l'euphorie de son ami insolite était réconfortante. Les rires de Guillaume se firent si fort, qu'un jour, Maman entra dans le salon. Quand elle vit l'oiseau, elle cria, le corbeau eu peur et s'envola par la fenêtre. Guillaume était triste d'avoir perdu son compagnon, puis sans le vouloir se mit à pleurer. Maman prit ça pour la peur de l'oiseau, souleva Guillaume et fit comme elle faisait toujours pour qu'il se calme. Elle ne le prit pas dans ses bras, il n'y a que son frère de quatorze ans qui ne le fasse. Elle le regardait, en lui frottant doucement les joues. Apaisé, il finit par somnoler après un long moment. Si bien que les jumeaux et les triplés étaient rentrés. Maman le remit dans le petit lit, et allait rejoindre sa chambre quand la sonnette tinta.

-Bonjour Madame, excusez nous de vous déranger. Nous aimerions vous posez une ou deux questions.

C'était des gendarmes. Maman les fit entrer, et demanda aux petits d'aller dans leurs chambres sans un bruit.

- Je peux faire quoi pour vous?

-Nous aimerions savoir si vous connaissez cette personne.

L'un des deux lui tendit une photo. Maman l'examina avec soin, puis répondit laconiquement:

-C'est Daphné, ma fille.

-J'ai une bien triste nouvelle à vous annoncer madame, dit le deuxième avec moins de certitude.

-Votre fille vient d'être retrouvé morte dans sa voiture. Un accident visiblement. Elle aurait heurté un camion sur une route de campagne, si peu utilisée que l'accident a mis trois jours à être signalé.

-Et le camionneur?

-Mort aussi madame.

Maman ne trahit aucune expression, si il y avait de la douleur ou de la peine, cela ne s'était pas vu. Elle ramena les gendarmes à la porte, vérifia que les enfants ne faisait pas de bruit puis partie dans sa chambre. Les enfants qui avait tout entendu, racontèrent tout à leur aîné. Mais personne n'ouït ou ne vit Maman pleurer ou se plaindre de cet événement. Elle n'en parla jamais d'ailleurs.

Guillaume avait lui aussi tout entendu. Guillaume ne dormait pas, car Guillaume n'était pas fatigué. Guillaume, sans vraiment comprendre la situation et la conversation, s'était mis à pleurer. À grosse goutte, mais sans un mot. Puis Guillaume pleura comme le tout petit qu'il était encore.

GuillaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant