6/ Le CM2

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Guillaume était rentré en CM2. Maintenant qu'il était plus grand et qu'il comprenait plus de chose, la vie était plus difficile. Guillaume devait supporter maintenant tous les jours les moqueries de ses camarades, non plus parce qu'il était efféminé mais parce qu'il était bizarre. Oui "bizarre", ce n'était pas très claire comme motif, mais c'est suffisant à cet âge. Il était maintenant très clairement exclus des autres.

Vue de loin, ce n'était qu'une mince différence par rapport à avant, son isolement volontaire l'avait écarté de potentiels amitiés, mais pas de toute interaction avec les autres élèves. Voilà la fondamentale différence, quand il devait aller vers un camarade, quelqu'il soit, il l'ignorait ou reculait comme effrayé. Si il n'y avait que ça, il s'y serait sûrement fait, même si les insultes l'horripilaient particulièrement. Mais les croches-pattes en sport, les ricanements dans son dos si peu discret, les enfants qui s'écartent sur son passage, les malheureux ballons arrivés accidentellement dans la tête, il ne les supportait pas.

Alors pour éviter d'avoir à affronter ça, il s'enfermait dan les toilettes, attendant la fin de la récréation, de la cantine parfois sans même y aller. Au moins, il ne voyait plus les visages se tordre en sa présence, les sourires moqueurs s'étirer et n'entendait plus les multiples moqueries de moins en moins enfantines. Au moins, dans les toilettes, il était seul par sa propre volonté, et non pas par celle des autres. Au moins, personne ne le prendrait comme sujet favoris de blague. Il ne savait même pas trop pourquoi il en était un. Mais il se souvenait que c'était en CM1, qu'il avait compris que les légères boutades qu'il subissait, depuis que le corbeau avait été là, était du "harcèlement". Il s'était répété mainte et mainte fois ce mot dans sa tête, tel une litanie de quatre syllabe, finissant par se mélanger et prendre un sens désuet.

Vu qu'il passait la plupart de son temps enfermé dans l'une des cabines, il ne jouait plus du tout avec son seul ami à l'école. Il ne jouait plus beaucoup d'ailleurs, pas seulement à l'école. Les genoux regroupés au niveau de son menton, son jean noir contrastait avec son teint laiteux, ses t-shirts blanc avec des groupes de rock imprimés en noir et blanc trop grand (appartenant aux grands frères partis), rajoutait à son look d'excentrique, avec des baskets bleues foncées usées jusqu'à la corde, une touche associable qui réconfortait sûrement les élèves dans leur idées inconnues. Il passait son temps à contempler vaguement les carreaux blancs, et à penser ce qu'il se passerait quand il rentrerait à la maison. Au début, pour son grand bonheur, les triplés étaient parties faire leurs études dans une autre ville, bien loin d'ici, mais Maman avait vu d'un autre oeil ce départ. Ils n'étaient plus que trois enfants, dont deux de dix-sept ans, quasiment jamais à la maison; toujours ailleurs, à des fêtes ou chez des amis aussi turbulent qu'eux. Guillaume était donc généralement toujours en face à face avec Maman, qui de plus en plus exigeante et irritable se faisait une joie de le railler et de l'insulter. Guillaume devait tout faire à la maison car ce n'était visiblement pas le travail de Maman. La vaisselle, la cuisine, la poussière, la machine à laver, le rangement, il faisait tout. Maman ne faisait que rentrer, manger ce qu'il avait préparé puis partait se coucher sans un bonjour un remerciement ou un mot gentil. Ce n'était pas encore de la rage et de la haine qui habitait Guillaume mais un profond sentiment d'injustice.

Maman était de plus en plus violente verbalement, il avait peur qu'un jour, elle en vienne au main. Encore fallait-il savoir sa définition de "en venir au main". Pour Guillaume ce n'était qu'assumer de frapper ouvertement son fils, or la définition correcte serait plus de se battre contre n'importe qui. C'est dans le sens correct du therme qu'il en vint au main avec un de ses camarades.

Au début de l'année de CM2, vers fin novembre, que ce fût la fois de trop. Guillaume avait encore réussi à tomber à cause des croches-pattes en sport et un mot avec des gribouillis représentant Guillaume, qui avait circulé dans la classe pour finalement arriver sur sa table, pour résumer, une journée bien pourri comme il les aimait. Alors qu'il sortait des toilettes pour rejoindre la classe après la sonnerie, il se trouva nez à nez avec un grand garçon, de sa classe lui semblait-il. Après un temps de blanc, ou Guillaume essayait de s'éloigner assez rapidement. Après quelque mètre le garçon fit demi tour, et força Guillaume à le regarder. Il lança sûrement la vanne de trop pour l'enfant:

GuillaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant