8/ Après

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« Mesdames Messieurs, suite à un accident voyageur sur la ligne X, nous vous informons que le trafic est momentanément arrêté. L'horaire de reprise du trafic est estimé à, vingt heure trente-deux. Nous nous excusons pour la gêne occasionné. »

Les agents de sécurité trouvèrent un sac appartenant sûrement à la personne qui avait sauté. Ils le remirent aux policiers venu constater les dégâts. Les pompiers ne purent que voir l'état du corps qui gisait misérablement sur les rails, aucune chance. Il n'avait eu aucune chance. Le conducteur lui restait blême. Il avait sauté si tard qu'il s'était un instant collé contre sa vitre. Il n'oublierait jamais l'horreur de le voir descendre sous le train, avec la rapidité et la violence de la logique et de la gravité.

Quand les policiers ouvrirent le sac, ils trouvèrent des cahiers abîmés, un cahiers de correspondance, il permettrait l'identification de la victime, et des feuilles. Deux d'entre elle notèrent l'attention des enquêteurs: un feuille roulée en boule dans le fond, écrite par plusieurs mains avec de nombreux mots plus violent les uns que les autres, montrant les maux, et une lettre pliée sagement en quatre entre deux cahiers.

« Chère Maman, sache que je ne t'aime pas, que je ne t'ai jamais aimé, et dire que je ne t'aimerais jamais est une blague maintenant. Je pense aussi que tu n'en auras rien à faire, que tu ne me pleureras pas, comme tu n'as pas pleuré l'aînée de la famille. Je ne me souviens plus de son nom. Je crois que j'étais trop petit pour m'en souvenir et je n'ai jamais demandé, même si je sais que sa mort existe. J'écris cette lettre pour que tu ne crois pas à un accident. Ce serait dommage quand même.

J'ai mal. Je pense que tu n'as épargné aucun endroit. Tu es là, jusqu'à me hanter dans mes rêves avec le reste de ces enfants que je hais. Je te sens et vois ta marque partout sur mon corps, dès que je me lave ou enlève mes vêtements. Je te sens partout, tout le temps. Tu me hantes constamment. La moindre de mes actions est guidées en fonction des conséquences que tu m'apportes. Tu m'as fait mal, longtemps. Assez, voir trop. Sûrement trop. Trop.

J'ai mal. Les autres ne valent pas mieux que toi, mais je pense que tu seras la seule à lire cette lettre. Ils ne font que m'user, et m'attiser une haine plus féroce encore chaque jour. Eux aussi ne m'ont pas épargné. Les toilettes, qui ont été mon lieu d'escapade, finirent par être le lieu de mon calvaire. Loin des surveillants, c'est plus facile de frapper. À l'abris des regards, c'est plus facile d'insulter.

J'ai mal. Et le seul ami que j'ai, ne peut pas me parler. Me réconforter comme il le voudrait, comme je le voudrais. Il ne peut pas parler bien sûr! Le seul à comprendre ma haine, ma colère et ma fatigue, est chassé à coup de pieds et de cris. Mais qu'avez vous donc contre lui? Tout est parti de là, un ami d'enfance différent des autres amis, que personne n'accepte, que personne ne peut vraiment accuser parce qu'il fait peur. Il faut nous en prendre à l'autre, il ne peut pas s'envoler au loin lui! À la fin, il frappe sans même savoir pourquoi, par habitude sûrement. Mais mon ami, tu es resté! La source probable de tous mes malheurs, est la seule source de réconfort que j'ai! Quel ironie... J'ai appris ce mot en français et il correspond, si bien à la situation, si grotesque dans laquelle j'étais.Quand les illusions d'amitié tombent, voilà le déluge et ça fait vraiment mal.

J'ai mal. Et je suis fatigué. Je ne veux plus vivre dans ce monde fatiguant. Je ne veux plus vivre dans ce monde où je ne me vois pas d'avenir. Je ne veux plus vivre tout court. J'en ai marre. J'ai mal. Trop mal. Je suis fatigué. Je ne dors plus sur mes deux oreilles depuis trop longtemps. Je veux que ce bruit qui me poursuit cesse. Pour de bon. Je veux le silence, celui des autres et celui de mon cerveau qui ne cesse de tourner. Mes larmes ont trop coulé, je ne veux plus les sentir. Je veux que le noir de ma chambre devienne le noir de mes yeux. . Ne plus rien voir. Ne plus les voir. Ne plus te voir.

J'ai mal. Partout. Ces douleurs sont insupportables. J'espère donc que celle-ci surpassera toutes les autres, en espérant que se soit la dernière. »

Au dos de la lettre ils trouvèrent ces mots qu'ils ne comprirent pas:

« Corbeau de bonheur,
Corbeau de malheur
Partout où tu iras
Je sais que tu me suivras
Jusqu'à ma libération,
De ce monde sans passion. »

GuillaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant