Cette fois-ci, j'ai remis du scotch tout autour de la fenêtre en prenant le chatterton du garage. Je ne laissai personne entrer dans ma chambre de la soirée, fermant la porte à double-tour en mettant la clé dans la poche de mon sweat.
À table, l'ambiance était très silencieuse. C'était souvent comme ça : tout le monde était épuisé par la journée et affamé, personne ne disait rien. Parce que nous n'avions rien à dire, et flemme de faire semblant dans notre propre foyer.
— Alors... Daniela Gibson a fugué, par vrai ?
Drôle de moyen d'entamer la conversation.
— Ouaip.
— Et... ses parents, ils vont bien ?
— Ça a pas l'air, mâchai-je. Sa mère descendait une grosse bouteille de whisky, et aucune trace du père. Ça craint, toute cette histoire.
— C'est sûr.
— Et... vous la connaissiez ?
J'ai froncé les sourcils : mon père faisait-il exprès de ne pas se rappeler de mon amie du collège ? Ce n'était pas si lointain, il pouvait faire un effort... L'emploi du passé a exacerbé ma colère :
— Pourquoi tu parles d'elle au passé ?
— Et bien, si elle a bien fait son coup, elle ne devrait pas reven...
— Donc c'est forcément une fugue ? Pas moyen que quelqu'un ou quelque chose l'ait forcée à sortir pendant la coupure de courant ?
— Ghostface ! rit Mathilde en accentuant la dernière syllabe.
— La ferme !
— Premier avertissement.
— Sérieux, j'en ai ras-le-bol que personne ne me croie dans cette baraque ! Mes amis, eux, ils n'ont rien remis en question.
— Ta bande de potes qui ont la tête dans les nuages ? Laissez tomber...
— Parce que tu crois que t'es mieux, avec tes top modèles superficielles ? Oh, ou avec John ?
— John ? fit ma mère avec curiosité. Qui c'est ?
— Personne !
Pour une fois, nous avions prononcé une phrase en chœur sans être en désaccord. Elle n'avait qu'à se mêler de ce qui la regardait. Je me suis levée de table, pour laisser la télévision brailler des informations incohérentes à tue-tête. J'étais en train de zapper, quand un bruit de grésillement a fait clignoter toutes les sources de lumière du séjour.
Ayak aboya sous la surprise, et Mathilde calma :
— Couché, Ayak.
Après avoir hésité à s'éteindre, la lumière se décida, nous plongeant dans le noir complet. C'était comme si toute la vie du foyer l'avait quittée un instant. Durant quelques secondes, je n'ai entendu aucune respiration, pas même la mienne : dans l'obscurité, nous étions plus vulnérables que des poules attendant sagement le renard dans leur poulailler. Toute la famille retenait son souffle en priant pour que tout se rallume.
Soudainement, j'ai pris peur : le chatterton avait-il suffi à bloquer ma fenêtre ? La chose s'était-elle introduite par cet endroit-là ? Pourquoi le même schéma se répétait-il ?
— Bon, on va chercher les lampes ou quoi ?
— Aïe ! me plaignis-je. C'était mon pied !
— Mais j'ai pas bougé...
Son ton était sérieux. N'y croyant pas tout de suite, je reproche :
— Arrête de te foutre de moi !
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DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE
Mystery / Thriller« Lorsque Daniela a disparu, nous avons tous cru à une fugue, moi y compris. Je me disais que les monstres n'existaient pas, encore moins en Californie. Quoi que ce soit, cette chose a soif. Chaque soir, les lumières s'éteignent et quelqu'un d'au...