DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE

Chapitre 19

Sans hésiter, je me précipite sur l'ordinateur portable de Matt couvert de poussière, l'ouvre et insère la clé USB. Je jette un bref regard autour de moi pour m'assurer que j'étais la seule à voir ce message et double-clique dessus. C'était une vidéo, prise ici même, dans la chambre de Matt... par Matt lui-même. Le revoir, lui, sa gestuelle, ses mimiques... Ça m'a fait un drôle d'effet, mais je me suis ressaisie dès qu'il a pris la parole :

— Éric ! J'étais sûr que tu résoudrais ce Rubik's Cube un jour. Désolé, pour tout te dire, je te l'avais piqué, mais il est nettement plus cool maintenant, non ? J'ignore si c'est vraiment toi, si tu es encore en vie... Peu importe, car il faut que je me dépêche. Les gens qui provoquent les disparitions sont sûrement en train d'apprendre toutes les recherches que j'ai faites en ce moment même, car mon ordinateur n'était pas correctement sécurisé. Ils vont sans doute me retrouver sous peu, et je... je ne te reverrai peut-être jamais, Éric.

Ces derniers mots m'ont arraché un sanglot, un de plus, alors que je pensais avoir pleuré tout ce qu'il était possible d'extérioriser.

— Les autres documents que tu trouveras sur cette clé USB sont la trace de mes recherches, poursuivit Matt. Tous prouvent ce que je vais te dire maintenant : le ravisseur a un ou plusieurs complices, des taupes au sein même du lycée. Des ados, qui lui donnent tous les renseignements nécessaires sur leurs camarades de classe, leur caractère, leurs capacités physiques...

Cette révélation me coupa le souffle. Des espions pour ce... ce monstre ? Des jeunes de plus, qui pourraient très bien me croiser dans les couloirs tous les jours, manger à quelques tables de moi... Il fallait vraiment être dérangé mentalement pour accepter d'aider un fou pareil ! Surtout pour commettre autant de meurtres...

Oui, cette révélation changeait la donne. Ça changeait même tout. Je ne pouvais donc plus faire confiance à personne ? En fin de compte, Éric avait peut-être raison d'être autant parano : je ne pouvais plus me fier à aucune personne de mon âge... Même mes propres amis devenaient suspects ! Après tout, Garance avait les yeux bleus. Éric aussi. John, Samantha, Veronica, Daniela, Peter... tous avaient les yeux de cette couleur. Moi-même, j'avais les yeux bleus, ce qui prouvait que ce n'était pas vraiment une couleur manquante dans notre lycée... Et dans tous les cas, la personne que j'avais vu près du corps de Daniela était sûrement le ravisseur, et non l'une des taupes du lycée, alors il ne m'amènerait à rien de commencer à m'éloigner de mes amis pour ces maigres informations.

Enfin, maigres... Je dois bien avouer qu'au bout de mon exploration totale de la clé USB, Matt avait fait un énorme travail de recherche ! Un ultime boulot, qui serait très utile à la police si...

Une minute. Devrais-je seulement en parler à la police ? Il en répondait de mon devoir, mais je savais très bien qu'en donnant ces infos au shérif Paterson, Éric les aurait dans les jours suivants. Et, en tant qu'amie, je ne voulais pas qu'il voie cette vidéo ! Non seulement parce qu'il se vexerait de savoir que j'avais regardé quelque chose provenant de Matt lui étant destiné, mais aussi parce qu'il déménagerait sûrement dans un autre état par peur de ne plus pouvoir faire confiance à personne... Il était hors de question d'aggraver son cas par ma faute. Et voilà : en quelques secondes, je m'étais débrouillée pour me fourrer dans un atroce dilemme entre Éric et mon enquête...

En attendant de me décider, je me suis empressée de ranger le Rubik's Cube mi-clé USB dans ma poche et de fermer l'ordinateur. J'étais bien consciente que, plus je gardais cet indice pour moi longtemps, plus je risquais gros si le shérif Paterson ou l'un de ses équipiers l'apprenaient à mon insu... J'ai tout de même décidé de donner prochainement cette clé USB une fois la paranoïa d'Éric calmée, ce qui arriverait sûrement dans les semaines qui viennent. Enfin, à moins que le ravisseur des disparus ne s'en prenne encore à quelqu'un proche de nous.