Chapitre 15

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Le week-end s'est écoulé à une lenteur insupportable. Je suis allée montrer les messages que j'avais reçus au bureau du shérif  Paterson, et, cette fois, son équipe m'a enfin écoutée. C'est quand même affligeant de voir qu'il y aura fallu un mort pour qu'on prenne mes déclarations au sérieux... Toutefois, ils n'ont pas voulu noter le fait que le coupable faisait un mètre quatre-vingt, non pas parce que c'était l'une des tailles les plus communes chez les hommes, mais parce qu'il n'y avait soi-disant « pas assez de preuves » pour s'assurer que mon agression et ces disparitions étaient réellement liées. En tout cas, même si personne ne le croyait, moi, j'en étais certaine.

Ce dimanche matin a été un peu secouant pour tout le monde : on a retrouvé le corps d'Allison Marks et annoncé la disparition de Greta Landon, une fille d'un an de moins que moi en même temps. Mathilde était sous le choc : même si elle n'était pas vraiment la meilleure amie d'Allison, elle lui avait déjà parlé, un peu comme Daniela et moi... Heureusement, ma sœur ayant une santé mentale bien meilleure que la mienne, elle n'avait rien cassé autour d'elle en apprenant la nouvelle. Elle s'était simplement contentée de passer la matinée en peignoir, sur son lit, à regarder dans le vide le temps de se rendre compte de ce qu'il s'était passé...

Quant aux théories délirantes qu'on pouvait trouver sur le Net, ça ne faisait qu'empirer de jour en jour. Les adeptes de paranormal s'enflammaient pour un rien ; une rumeur sortie d'on-ne-sait-où, une photo d'un collégien ou d'un lycéen avec un grossier photomontage d'une ombre dans leur dos... J'avais l'impression que plus l'histoire postée était extravagante, plus les gens y croyaient. Les internautes m'identifiaient tellement souvent que j'avais éteint pour de bon mon téléphone, ce harcèlement n'étant plus supportable...

Aujourd'hui, nous étions mercredi, et deux autres jeunes filles dont je ne saurais me rappeler le nom avaient également disparu sans laisser de traces. Non, vous ne rêvez pas : j'ai bien dit deux, pas trois... Car le troisième était un garçon, un jeune collégien de deux ans de moins que Mathilde. Cela prouvait qu'au final, même si Matt avait disparu à cause de notre enquête personnelle, ce n'était pas une exception, et que le ravisseur s'attaquait aussi bien aux filles qu'aux garçons...

Je disais donc que nous étions mercredi après-midi, et comme je n'avais pas cours, j'avais décidé de me rendre chez Matt, pour voir s'il restait quelque chose de la potentielle découverte qu'il avait pu faire et qui aurait conduit à son enlèvement... Quand ses parents m'ont ouvert la porte, je me suis rendue compte d'à quel point la disparition de leur fils les avait affectés : ils avaient des yeux cernés et injectés de sang, sans parler de leur visage livide et de leur même regard vide. Ils auraient très bien pu jouer dans un film de zombie sans avoir à être maquillés ! Le petit frère et la petite sœur de Matt, quant à eux regardaient la télévision. Ils n'avaient pas vraiment l'air inquiets, quand on les regardait... Mais c'est en voyant l'air peiné de leur mère que j'ai compris qu'ils n'étaient encore au courant de rien, et qu'on avait dû leur donner une excuse bidon comme quoi leur grand frère était parti en colonie de vacances ou encore chez ses grands-parents.

Je m'apprêtais à leur annoncer que j'étais ici pour trouver un potentiel indice dans l'ordinateur de Matt, mais je n'eus pas à le faire car Éric était en train de descendre les escaliers. Je ne m'attendais pas à le voir ici et ai écarquillé les yeux : son regard bleu pâle était devenu beaucoup plus dur comparé à la dernière fois que je l'avais vu, avant le week-end ( il n'était pas revenu en cours depuis ), et il avait une démarche mélancolique qui me fit avoir un frisson dans le dos.

— Je suppose que tu es aussi là pour récupérer quelques affaires oubliées la semaine dernière, sourit gentiment la mère de Matt, avant de s'adresser à nous deux à la fois : prenez tout votre temps, et si vous avez envie de rester un peu, surtout, n'hésitez pas.

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant