- Chapitre 1

499 26 18
                                    

Je déteste l'hiver.

Ô que oui, je déteste l'hiver. Je hais cette saison comme la peste. Il fait frais, pas assez pour se couvrir comme un Inuit mais trop pour s'habiller normalement. L'hiver est synonyme de longueur dans le temps : il fait nuit plus longtemps, on a cours plus longtemps et les journées paraissent interminables.

Justement, je déteste aller en cours. Comme la plupart des jeunes de mon âge, vous me direz, cependant je n'ai pas (encore) été déscolarisée. La raison, ce sont mes amis, quatre lycéens uniques à leur manière qui me donnent envie de me lever le matin à six heures pour avoir à supporter des profs sous-payés mal dans leur peau.

Le lycée, je vois ça comme une sorte de jungle. Il y a les prédateurs puis les proies, c'est la loi du plus fort. Manger ou être mangé. De toute la côte Californienne, il a fallu que je tombe sur le bahut le plus catastrophique de la région... Impeccable, moi je dis.

Mon année en tant que Junior n'avait pas si mal commencé que ça. Bien sûr, tous avions été noyés sous les cahiers et les manuels dès notre premier jour, mais nous n'avions pas à nous plaindre. Quelques joints roulés dans le coin des camés, des bagarres ça et là entre têtes de linotte et un proviseur ne sortant jamais de son bureau pour couronner le tout...

Autant vous dire que les jours d'hiver où il fallait aller en cours et supporter cette version miniature de la société, je broyais du noir. Et ce matin, je m'étais levée pour passer une de ces journées-la.

Je regarde dans le reflet de mon téléphone un instant, faute d'avoir un miroir. Je craignais bien trop de le casser et risquer qu'on me rabâche pendant des années qu'un malheur allait survenir. Je n'avais jamais été superstitieuse, préférant m'appuyer sur de véritables faits que des suppositions. Alors je me contenterais de l'écran de mon portable.

Pendant que je rajustais une mèche de mes cheveux, un SMS fit s'allumer le smartphone. Sur le fond d'écran, on pouvait reconnaître clairement mes quatre meilleurs amis, les quatre fantastiques : Matt, Éric, Garance et Kiara. C'était lors de ma fête d'anniversaire pendant l'été, sur une plage, où nous avions tous fini par nous tremper dans l'eau glacée en étant pour la plupart à moitié ivres. On avait allumé un feu de camp et fait griller des chamallows... C'était de loin la meilleure soirée de ma courte vie.

Message de ma petite sœur, Mathilde. À tout juste quatorze ans, elle avait plus d'amis que je n'en aurais jamais eu tout au long de mon parcours scolaire, et sortait déjà le soir tandis que je n'y avais pas eu droit avant la fin de l'année de Sophmore. Elle me signalait qu'elle allait rentrer tard ce soir parce qu'elle avait entraînement avec les pom-pom-girls. Voilà bien une activité qui ne m'avait jamais attirée, et pour cause... Mais nous verrons cela bien assez tôt.

Il doit faire moins deux degrés Celsius, à quelques unités près. Je frissonne alors qu'un courant d'air passe et traverse mes vêtements pourtant si chauds pour frôler ma peau. Même avec ma doudoune fourrée et mon écharpe, qui me donnaient l'air d'une fille partant au Groenland, j'avais froid... Je préférais d'ailleurs ne pas sortir mes mains de mes poches, car je mettais souvent plusieurs heures à les réchauffer de nouveau, et qui sait combien de temps encore j'allais pouvoir passer dans un endroit à la température convenable.

Mon bonnet de laine couvre mes oreilles, laissant dépasser une masse de cheveux lisses et noirs. Mon sac de cours sur le dos (qui pèse une tonne et demi, bien entendu), je vois l'air sortant de mes narines devenir, au contact du froid, une sorte de brouillard éphémère. Cette fumée me donnait sans doute une allure de taureau, avec mon regard noir en prime... Il ne manquait plus que les cornes, et je devenais Ferdinand.

Je sentais que mon nez coulait légèrement. Vous savez, cette petite goutte que vous avez au nez, que vous aurez beau moucher mais qui reviendra sans cesse ? Et bien, j'avais cette goutte au nez. De plus, une journée entière de cours m'attendait, et je n'avais emporté que trois paquets de mouchoirs pour tenir jusqu'à quinze heures... Je n'allais déjà pas entamer une boîte alors qu'il n'était que sept heures trente du matin !

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant