2.

1.5K 139 164
                                    

  Une semaine s'est écoulée depuis son arrivée aux Cèdres de Marseille. Louis s'habitue au rythme des activités plutôt rapidement, il obéit sans causer de problème et, même s'il a trop de rancune pour se l'avouer, la vie au centre ne lui déplaît pas vraiment. Il ne tente plus de fuguer même s'il y pense assez souvent. Ses potes lui manquent; il ne les a pas vus depuis le braquage fatal où il s'était fait attraper, il y a plus de trois mois déjà. 

   Aux Cèdres, Dylan est ce qui se rapproche le plus d'un ami pour lui. Louis ne mettrait pas sa vie entre ses mains, mais il le fait rire et il est moins coincé que d'autres, même si, lorsqu'il l'observe quelques fois, il a cette impression qu'il y a quelque chose d'intrinsèquement mauvais chez ce garçon. Ce n'est pas vraiment dans sa manière de cracher au sol, ni cette tendance à réagir au quart de tour à la moindre micro-agression de la part d'autres pensionnaires. C'est autre chose – Louis n'en est pas encore tout à fait sûr.

  Les mardis matin après le petit-déjeuner, la moitié du groupe se retrouve habituellement dans le grand jardin. Dans le cadre d'un projet qui devait s'étendre jusqu'à la fin du printemps, ils doivent s'acharner à construire une petite serre pour y faire pousser des fleurs et des légumes. Et ils se donnent du mal; tout se fait à la main, à la truelle et à la sueur de leur front. Ce matin-là, ils sont cinq. Harry se trouve dans son petit groupe; il se démène avec un gros sarcloir et semble être le seul à savoir le manier correctement. Parmi les adultes qui les surveillent et les guident, la psychologue l'observe de près, assise sur l'un des bancs autour de la table de pique-nique. Elle croque dans sa pomme et l'interpelle. Harry se retourne, à bout de souffle – même s'il essaie de le cacher – et place sa main contre son front pour se protéger du soleil.

- Tu viendras me voir dans mon bureau avant déjeuner... qu'on fasse le point.

  Il hausse les épaules.

- En tout cas, tu te débrouilles très bien. Regarde, quand tu finis, tu peux donner un coup de main aux autres? J'ai l'impression que Louis a besoin d'aide.

  Le concerné, lui aussi haletant et en sueur sous le soleil tapant, la foudroie du regard. Il n'est pas habitué à ce genre de travail physique, et n'apprécie pas vraiment qu'on le fasse remarquer. D'un coup sec, il plante sa pelle-bêche dans la terre mal labourée et attend Harry de pied ferme. Ce dernier s'approche, hésitant dans ses gestes.

- J'ai pas besoin d'aide, marmonne Louis.

- Bah tu le fais mal. Regarde.

  Harry ignore son attitude et s'empare de la pelle pour lui montrer comment la tenir, la bonne posture à avoir et le geste adéquat. Louis le regarde faire, immobile, les sourcils froncés, convaincu que sa manière à lui était la bonne. Parmi toute cette mauvaise foi, il ne manque pas de remarquer combien ses biceps se contractent sous l'effort et comment sa peau luit sous le soleil.

   Assez vite, Harry lui tend la pelle d'un geste ferme; Louis s'en empare et s'éloigne un peu. Il a envie de fumer. D'ailleurs, il voit Amaury et Ali qui fument ensemble, cachés derrière un arbre, plus loin dans la cour. Il a vite réalisé que l'interdiction de fumer n'était qu'une simple formalité pour polir la réputation du centre lorsque les contrôleurs viennent pour rédiger un rapport de constat. Il a même déjà vu Antoine, l'un des éducateurs, offrir un paquet entier à Ali.

  Alors, sous le regard d'au moins trois éducateurs, il fouille dans sa poche et se sort une cigarette qu'il allume. Il tire dessus, sentant toute la tension le quitter peu à peu.

- Eh Madame ! s'écrie Amaury, sortant de sa cachette. Vu qu'on va faire pousser des trucs y'a moyen on fait pousser de la beuh ?

- De la quoi ?

SOBREVIVIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant