11.

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  C'est le matin du départ. Ils s'apprêtent à rejoindre Tarek aux Rosiers, qui leur donnera leurs faux papiers et les clés d'une voiture. Il est encore tôt, et ils se disputent la place restreinte dans la petite salle de bain. Louis fait plus d'efforts pour se coiffer aujourd'hui qu'il ne l'a fait en dix-sept ans de vie. À l'aide d'une brosse ronde et d'un vieux sèche-cheveux, il coiffe sa mèche et fait en sorte qu'elle ne lui retombe plus sur le front. Lorsqu'il termine, il tend un peigne à son voisin, qui a encore sa brosse à dent dans la bouche.

- Pourquoi ? il marmonne, la bouche encore pleine de dentifrice.

- Fais-toi beau. Tiens.

Harry se penche pour cracher dans le lavabo.

- Je suis déjà beau... On peut difficilement faire mieux. Tu m'as vu ?

- Tu me gonfles. Tu sors pas d'ici en jogging, je te préviens. On rigole pas, aujourd'hui.

Harry prend un plaisir malsain à le rendre fou; il ne vit que pour ce petit air sérieux qui s'affiche souvent sur le visage de Louis, quand il croise les bras et qu'il fait la tête. Ça ne dure jamais longtemps. Harry s'approche, prend son visage entre ses doigts, écrasant ses joues dans son emprise. Il embrasse ses lèvres une fois, deux fois, trois fois, jusqu'à ce que Louis en ait assez et qu'il le repousse gentiment.

- S'il te plaît... Habille-toi bien.

- Okay. Il faut se détendre. Donne-moi une demi-heure pour me préparer, je deviens Brad Pitt.

- On n'a pas une demi-heure... Fais vite, s'il te plaît.

Sur ces mots, il quitte la pièce pour aller ranger la cuisine et les restes du petit-déjeuner qu'ils ont pris plus tôt. Il entend Harry qui l'appelle depuis la salle de bain.

- Lou ?

- Oui ?

- Tu m'aimes, hein ?

Il soupire un peu, attendri, au fond.

- Oui, je t'aime.

- C'est bon. Je voulais juste m'en assurer.

- Et toi, tu m'aimes ?

- Moi ? Moi, je viderais la mer pour toi !

*

Il fait excessivement beau ce jour-là, le soleil est haut dans le ciel dégagé, il tape fort, et ils ont entamé une bonne partie du chemin, embarqués sur la Languedocienne depuis déjà une heure. Ils font la route dans une petite Clio bleue, les fenêtres grandes ouvertes, le vent qui s'engouffre à l'intérieur et qui les décoiffe. Louis est au volant, l'angoisse lui bouffe les entrailles. Il essaie d'oublier le fait qu'ils ont un sac rempli d'argent sous le siège conducteur; il n'a même pas voulu le compter.

Lui, il porte un polo Ralph Lauren blanc, que l'un de ses potentiels beaux-pères avait laissé traîner chez sa mère. Harry n'avait cessé de le complimenter en lui disant qu'il l'éblouissait, que le blanc, ça faisait ressortir son bronzage et qu'il avait envie de le dévorer tout cru. Harry, de son côté, est dans son élément. Il n'a pas l'air anxieux, pas le moins du monde. En quittant Marseille, il sifflotait même. Maintenant, il se contente d'écouter la radio en hochant un peu la tête au rythme de la musique, ses lunettes de soleil recouvrant ses yeux, le bras appuyé contre la portière. C'est la première fois que Louis le voit habillé ainsi, il a une petite chemise toute légère, ouverte aux quatre boutons, dévoilant cette chaîne en or qu'il aime tant. Son parfum le fait vriller; s'ils avaient eu le temps, il aurait grimpé sur ses genoux sur le siège passager, l'aurait embrassé dans le cou, exprès pour le sentir, et ils se seraient probablement laissés aller.

SOBREVIVIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant