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La semaine s'écoule comme du vieux miel; une lenteur insoutenable, des jours qui s'étirent, des heures qui s'éternisent. Cela n'aurait pas été si atroce si Harry n'avait pas décidé d'ériger cet ignoble mur entre eux, depuis leur baiser dans les douches. Louis en garde un torride souvenir qu'il invoque chaque fois qu'il est dans la douche ou qu'il n'arrive pas à dormir. Il se souvient de leurs corps fébriles, de leurs bouches affamées et de leurs mains avides juste avant de passer à l'acte. C'était comme s'ils avaient détruit un barrage digne du Hoover, cédant à la tentation pour quelques divines minutes, seulement pour le refermer presqu'aussitôt.

  Harry l'ignore. Et il est violent dans sa nonchalance, cruel dans son indifférence – tant et si bien que Louis se demande s'il a fait quelque chose de mal. Il voudrait lui parler, il ne sait pas comment. Il n'a jamais vraiment appris à communiquer. Il y a beaucoup de choses que Louis aimerait lui dire, et s'il existait un autre moyen de les lui faire parvenir que par des mots, il le ferait sans hésiter.

  Le samedi, c'est l'anniversaire de Zach. Il vient d'avoir dix-sept ans. Pour l'occasion, sa mère vient lui rendre visite. Elle, les autres pensionnaires et les éducateurs, se rassemblent tous autour des tables de pique-nique pour le goûter. On bavarde gaiement, et pour un court moment, tous les différends sont mis de côté. Antoine fait le point avec la mère de Zach d'une manière un peu moins formelle que lors des véritables rapports. Elle hoche la tête une fois de temps en temps, un bras autour du dos de son fils qui n'a pas peur de montrer aux autres combien il l'aime.

  Louis les regarde avec envie, le menton appuyé sur ses avant-bras, contre la table. Si auparavant, penser à sa mère le rassurait et le motivait même, aujourd'hui cela le mettait seulement en rogne. Alors, il évite.

  Il sent que quelqu'un s'assoit à ses côtés, alors il tourne la tête, et son cœur loupe un battement, puis deux. Harry vient de s'installer près de lui. Ce n'est même pas sa place habituelle, lui qui en avait fait toute une histoire à l'arrivée de Louis.

  Louis le regarde sans gêne, la joue plaquée contre son avant-bras, et pour une fois, ses yeux ne le fuient pas immédiatement. Ils n'ont pas le temps de se dire quoi que ce soit. Mathilde sort de la cuisine, elle tient dans ses mains un gâteau d'anniversaire fait maison, avec dix-sept bougies allumées. On se met à chanter Joyeux Anniversaire, et le sourire de Zach s'étire jusqu'aux oreilles, il rougit même un peu alors que sa mère l'embrasse bruyamment sur la joue. Louis veut vomir. Il se rassoit correctement, juste au cas où.

  Ceux qui savent, se remettent à chanter Joyeux Anniversaire en arabe cette fois, et ceux qui ne savent pas se contentent de fredonner ou bien alors d'écorcher les mots en riant. Et c'est à ce moment que Harry pose sa main sur le banc, entre leurs deux corps, tout près de celle de Louis. Il l'approche, jusqu'à ce que son petit doigt effleure le sien et s'y accroche. Un acte qui passe totalement inaperçu par les autres, mais qui fait s'enflammer Louis sur place. Il déteste le fait que Harry puisse, en un seul stupide geste, le transformer en collégienne de treize ans. Il avait quand même brandi un Glock face à un caissier de grande surface et s'était enfui avec toute la recette du jour, ce n'était pas rien.

  Et puis, Harry se penche vers lui et lui chuchote au creux de l'oreille, créant toute une traînée de frissons le long de son dos :

- Tu sais ce que j'ai demandé pour mon anniversaire, en février ?

  Louis ne dit rien, il observe leurs alentours. Tout le monde est trop occupé à célébrer, rire et plaisanter. On les ignore.

- La paix. Je suis resté dans ma chambre du matin jusqu'au soir. On m'a foutu une paix royale pour mes dix-sept ans. C'était le plus beau jour de ma vie.

SOBREVIVIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant