Post-Enfer

XIII

MARDI

•Point de vue de Emma•

Lorsque j'ouvre les yeux pour la seconde fois, le réveil indique cinq heures moins le quart. Je me tourne sur moi-même et m'aperçois qu'Aymé est toujours là. Ses yeux impriment chaque détail de mon visage et sa petite bouille de gamin me fait sourire. Je me sens étrangement bien près de lui. Pas étrangement dans le sens où il me répugne. Au contraire, je le trouve tout à fait attirant, et notre petite sauterie de la semaine passée en est bien la preuve. Non. Ce que je veux dire par là, c'est que je ne pensais pas - ou plus - être capable de ressentir ce genre d'émotions en présence masculine...

D'un simple regard, nous nous accordons pour nous lever et je le suis jusqu'au salon. Il éclaire la pièce ; c'est ainsi que je me rends compte qu'il ne porte qu'un bas de jogging. Mon regard s'attarde un peu trop longtemps sur ses abdos parfaitement dessinés, ce qui me fait immédiatement rougir, puis il tombe sur sa mystérieuse cicatrice. Toutefois, je ne dis rien. Il s'approche prudemment de moi. Son regard ne fait que me questionner silencieusement, quand mes mains cherchent un quelconque objet auquel m'agripper. J'ai comme un pressentiment : les prochaines minutes vont être éprouvantes. Cette fois, ce sont ses lèvres qui me questionnent :

- Comment tu te sens ?

- Bien, je bredouille, et toi ?

- Emma, il faut que je sache... C'était qui ce gars ? C'est ton ex ? Il t'a fait du mal ?

- Non... non... Il...

J'ai du mal à trouver mes mots. Tous ceux qui me viennent fuient expressément mon esprit, avant d'avoir pu franchir mes lèvres. Et puis, après tout, que dois-je dire ? Y-a-t-il seulement un début, un commencement par où démarrer ? Ce qui me paraît le plus logique est de répondre à ses questions au fur et à mesure. Et peut-être parviendra-t-il à reconstruire un bout du puzzle que je suis...

- C'est Liam... il traînait avec Hakim avant...

Je me coupe : dois-je lui parler d'Hakim également ? Voyant que je ne finis pas ma phrase, il insiste, bien décidé à avoir le fin mot de l'histoire :

- Avant quoi ? demande-t-il, à quoi je réponds par un haussement d'épaule. Je me doute que c'est étrange, mais tu peux tout me dire. Je suis prêt à t'écouter, je peux tout entendre !

Alors là, permet moi d'en douter !

Il est toujours difficile de se confier, d'autant plus que je ne suis pas la seule concernée par ce secret. Il y a cette honte qui se mêle à la tristesse et qui, avec le temps, s'est peu à peu transformée en colère. Rouge, vive, indomptable et muette rage contre la vie. Va-t-il me juger ? Refuser de me revoir ? Est-ce qu'il pourra me considérer comme la Emma qu'il a rencontrée, un dimanche matin en pyjama, une fois qu'il l'aura appris ?

- Avant on s'entendait bien. Il m'avait même présenté à un de ses potes... et...

Ma langue s'est déliée d'elle-même tandis que les questions se déferlent en moi, apportant avec elles leur lot d'images et de souvenirs, aussi mémorables que traumatisants. Aymé, lui, se tient droit comme un I face à moi, il semble m'écouter, mais est-ce qu'il comprend la bouillie de syllabes interrompues par des pleurs ? Peu importe... Maintenant que j'ai commencé, je continue. La vérité, il n'aura qu'à la lire dans mes larmes.

- Il s'appelait Adam. On parlait beaucoup ensemble à l'époque. Il a toujours été super gentil avec moi. Attentif, bienveillant...

Avant de rediriger mon regard sur le sol, ne pouvant tout simplement plus le porter sur celui de mon voisin, j'ai le temps d'y percevoir une lueur. Comme s'il avait compris. Mais qu'a-t-il compris ? Une amourette malheureuse ? Un chagrin d'amour d'adolescente ?