Dans l'ombre de la prophétie (Eralin 2ème partie)

Chapitre 3

Les quelques jours qui suivirent furent des plus tendus. Ethel et Manu faisaient en sorte de ne plus se retrouver à proximité l'un de l'autre, ce qui obligeait l'un à rester hors de sa cabine durant toute la durée où le soleil était haut dans le ciel, et l'autre durant la course lunaire. Ethel refusait formellement de présenter ses excuses, estimant avoir été provoqué et n'avoir rien dit qui n'était pas justifié, et Manu gardant rancune de l'attaque qu'on lui avait portée. Et Selena et Loulou restaient entre les deux, ne pouvant pas prendre partie puisque conscients tous les deux des torts réciproques. Sous sa forme humaine, Loulou aurait fait de constants allers retours pour tenter de trouver un terrain d'entente entre les deux, connaissant leur caractère entêté à l'un et à l'autre et sachant pertinemment que le temps n'arrangerait pas la situation. Il avait grandi avec Manu, il l'avait toujours considéré comme son frère et la confiance qu'il lui portait était telle que même sa transformation en vampire et l'avertissement d'Ethel n'avaient pu ébranler cette foi qu'il lui portait. Et pourtant, Ethel était le premier étranger qu'il avait accepté à ses côtés, d'abord comme camarade de classe un peu plus proche que la moyenne, puis comme un réel ami sur lequel il savait pouvoir continuellement compter. Et c'est lui-même qui l'avait présenté à Manu et avait argumenté des jours durant pour parvenir à créer un semblant d'entente entre eux. Jusqu'à ce que les apparences deviennent sincères et qu'ils s'acceptent mutuellement. Et jusqu'à ce qu'une dispute ridicule vienne à bout de plusieurs années d'amitié. Et Loulou ne pouvait prendre partie, appréciant réellement les deux antagonistes et ne comprenant toujours pas ce qui avait pu les mener à se détester à ce point. Et il les observaient s'éviter sans pouvoir tenter quoi que ce soit pour les calmer.  

Selena, de son côté, réagissait particulièrement mal. Habituellement, elle avait une qualité innée pour calmer les inimitiés pourvu que les deux protagonistes se retrouvent face à face et prennent le temps d'expliquer précisément tout ce qu'ils avaient à se reprocher mutuellement. Pour la première fois de sa vie, son don n'avait pas fonctionné. Et elle ne parvenait pas à comprendre la raison pour laquelle les deux ne décoléraient pas alors que la dispute ne lui semblait pas plus fondée qu'elle ne le semblait aux yeux de Loulou. Elle eut sa réponse comme à son habitude, par la seule personne qui la connaissait si bien qu'il parvenait parfois à la comprendre mieux qu'elle ne le faisait elle-même.  

Elle se coucha le deuxième jour après la dispute, pleurant de la tension qui régnait dans leur groupe et qu'elle ressentait toute la journée durant comme un grand froid qui la traversait constamment, et s'endormit rapidement pour se retrouver, ainsi qu'elle le faisait chaque soir, dans ce monde onirique qu'elle avait créé avec Iolar afin de pouvoir le retrouver dès que ses yeux se fermaient sur le monde réel. Iolar, qui la savait chamboulée par la dispute de la veille, mais qui ignorait à quel point la journée avait pu être éprouvante pour elle, car croyant à tort qu'une nuit aurait suffi à calmer la situation et rétablir un semblant de bonne entente pour les quelques jours qu'ils avaient à passer encore ensemble. Les larmes de Selena le détrompèrent dès l'instant où il la retrouva dans leur rêve commun. Ils s'installèrent sans un mot, face au lac, et restèrent sans parler à contempler les cygnes dans leur danse aquatique. Il l'avait simplement prise dans ses bras pour lui laisser le temps d'épuiser les larmes qu'elle avait contenues toute la journée et pour sonder un peu les sentiments qui se battaient dans le cœur de celle qu'il avait à ses côtés. Et, lorsque enfin elle commença à bouger un peu pour s'appuyer mieux contre son épaule, il lui posa la question qui le préoccupait.  

"Ils se sont toujours pas réconciliés, c'est ça ?" 

Elle leva sur lui un visage tellement triste qu'il en resta figé un court instant avant de reprendre.  

"Je pensais qu'ils se seraient calmés depuis hier.  

- Ils restent même pas dans la même pièce. Ils ont passé leur temps à s'éviter.