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Le jour suivant, Tom avait bien fait attention à glisser la feuille de cette sale peste dans son sac. Cette fille qui, d'après ses petites recherches personnelles, s'appelait Lennie.

Et il aurait d'ailleurs voulu détester Lennie. Parce qu'elle avait refusé de lui rendre sa copie, parce qu'elle s'était comportée comme si elle était supérieure à lui, avec tous les droits. Il aurait dû la haïr, comme il haïssait déjà bon nombre de personnes pour moins que ça. Mais le fait était qu'il n'y était pas parvenu. Peut-être car il l'avait découvert d'un tout autre point de vue, le sien. Ce qui l'avait en quelque sortes forcé à la voir comme une fille un peu désorientée, qui se cherchait inlassablement sans parvenir à se trouver. Il l'avait considée en premier lieu, comme cette fille qui avait perdu sa mère, cette fille qui la pleurait, et cette même fille qui recevait quelques insultes par ci par là qui ne devaient qu'aider son cœur à se briser un peu plus vite.

Et il savait à quel point le harcèlement pouvait entraîner des dégâts irréparables.

Et malgré tout ces efforts pour le voir comme le briseur de cœur sans scrupules que tout le monde pensait connaître, cet être superficiel qui s'en fichait de tout, Lennie n'y était pas parvenue pas non plus. Pour elle, Tom était simplement une personne brisée. Et même si elle n'avait pas vraiment réussi à comprendre par qui ni depuis quand -son texte avait beau être bourré d'adjectifs et de mots magnifiques, à moins de le connaître personnellement, il était impossible d'en deduire plus que ce qu il n'en disait. Parlait-il d'une amie ou d'une personne de sa famille?

Des que Tom pénetra dans l'enceinte du lycée, une cigarette entre les lèvres, il se mis à chercher Lennie du regard. A sa plus grande joie il l'aperçut presque aussitôt. Elle se tenait debout, au fond de la cour, tourné et appuyée contre le muret en pierre qui séparait celle-ci des terrains de sport.

Il se dirigea immédiatement dans sa direction.

Lennie elle, ne l'avait pas vu, elle était trop occupée à jouer avec deux minuscules bouts de pierres qui avaient dû se décrocher du muret, et à refaire sa couette dès que trop de mèches à son goût s'en étaient échappées.

Elle ne remarqua la présence de Tom que lorsque celui-ci lui donna une petite tape sur l'épaule. Elle se retourna en sursautant, laissant tomber par terre les deux cailloux.

Tom posa son sac sur le muret et tira sur sa fermeture éclair à moitié cassée. Il sortit la feuille, froissée et un peu dechirée de Lennie, alors que celle-ci s'exécutait à faire de même de son côté sans poser la moindre question ni prononcer le moindre mot.

Tom lui tendit sa rédaction. Mais lorsque ce fut le tour de Lennie de lui rendre la sienne, celle-ci se pencha tout d'abord vers lui, lui retirant sa cigarette de la bouche malgré ses protestations et la jeta un peu plus loin. Devant son regard insurgé, elle se justifia en lui avouant qu'elle ne supportait pas cette odeur qui lui provoquait des quintes de toux. Et lorsqu'elle finit finalement par lui tendre sa précieuse feuille, elle lui demanda:

-Je peux te poser une question ?

-Non. On avait dit : je te rends ta feuille, tu me rends la mienne, et hop toute cette histoire de rédaction égarée est finie.

-Non, je n'ai jamais dit ça...je l'ai peut-être juste un peu insinué, sans préciser s'il y avait d'autres conditions, ou même si j'étais d'accord avec moi-même.

-T'es vraiment super chiante, tu le sais ça ?

-Ouais carrément.

-Aller vas-y crache le morceau qu'on en finisse.

-De qui tu parles ? Dans ta redaction je veux dire...

-De ta mère, cracha-t-il en detournant le regard vers les terrains en face d'eux.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 17, 2020 ⏰

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