Number 4

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   Quel. Enfer ! Non mais sérieusement ! Qui est l'imbécile d'abruti qui me prévient d'un truc aussi important une semaine avant ! Cette espèce de... Cloche à fromage de Jin va m'entendre, tiens ! Il n'a pas la moindre idée du travail que je vais devoir accomplir pour rattraper tout mon retard. Une grande lassitude s'empare de moi tandis que je m'écroule lamentablement sur ma chaise de bureau... Misère, je suis foutrement mal barré...

   Mais pas le temps pour pleurnicher ! Je viens déjà de perdre 2 précieuses minutes. Il faut que je me re-sai-sisse ! Je me souviens de mes modèles, pas étonnant étant donné les heures que j'ai passé dessus. Mais tout redessiner parfaitement va me prendre un temps fou... Il va falloir que je m'y mette à fond, quitte à sacrifier mon sommeil pour cette semaine...

   Et ainsi se passe mon lundi, rythmé par mes coups de crayons et mes grognements insatisfaits. Si mes croquis me prennent autant de temps, c'est que je suis un satané insatisfait perfectionniste. Voilà pourquoi je déteste être dans le rush... Le lundi soir, sans surprise, je reste au bureau et ne dors pas. Le mardi, mes cernes doivent avoir une taille conséquente et je ne tiens que grâce au café. Mais, s'il y a bien une chose que je supporte mal en trop grande quantité, c'est le café...

-Monsieur, j'ai besoin de votre signature.

   J'appose ma signature très vite au bas du document que me tend la secrétaire.

-Monsieur, vous avez fini les modèles ?

   Qu'on me laisse tranquille...

-Taehyung, il ne te reste pas beaucoup de temps, dépêche-toi.

   La faute à qui, bachi-bouzouk de Jin !

-Monsieur, à propos de vendredi dernier...

-Mais ça suffit oui ! Merde ! Je peux même plus bosser en paix avec toutes vos interventions à la con ! Laissez-moi tranquille ! De l'air ! Dégage, toi !

   J'insulte copieusement l'énième importun qui vient m'interrompre sans même lever les yeux de mon ouvrage. N'entendant pas la porte se refermer, je consens à regarder celui qui ose me déranger. Mon expression ne doit pas être des plus amicales puisque l'intrus a un mouvement de recul face à mon visage courroucé. Mais... Qu'est-ce que Namjoon fait là ? Il reste bouche bée un moment avant de doucement fermer la porte en lançant un timide "Pardon, je te laisse, on parlera plus tard..." Bon, on se préoccupera de ça plus tard, pour l'instant, je dois finaliser mes dessins et les amener aux couturiers que je managerai pour que tout soit le plus parfait possible.

   Mercredi. Après une seconde nuit blanche à me soûler de café, mes croquis sont enfin finis ! Je les apporte aux ateliers dès 9h, pressé de m'y mettre. Plus vite on commencera, plus vite ce sera fini !

   Pour mon plus grand bonheur, les couturiers travaillent vite et bien. Je n'ai pas besoin de souvent les reprendre et cette accalmie me fait un bien fou. Rassuré quant à la confection des tenues, je m'autorise une pause dans la salle de repos de l'atelier, où trône un grand et confortable fauteuil. Je me laisse tomber dedans en fermant les yeux, savourant ce moment sans penser à rien.

   Je rouvre les yeux en sentant une pression sur mon bras. La lumière vive me les fait plisser. Je dois m'être endormi... La silhouette qui m'a tiré de mon sommeil est encore floue mais j'entends encore parfaitement :

-Je crois qu'il y a un problème avec les modèles, Monsieur...

   On ne peut pas faire mieux pour me réveiller parfaitement. Instantanément sur pieds après l'annonce, je bouscule l'importun en lui grognant copieusement dessus, sans même lui jeter un regard. Je déboule comme une furie dans la salle principale et aperçois les couturiers penchés au-dessus d'un des établis. Je les écarte pour voir... Un de mes précieux échantillons en charpie !

   Je viens de me réveiller, je n'ai pas encore eu le temps de revêtir mon masque pro, je suis sans filtre :

-Qui est l'incapable sagouin qui a fait ça !? Vous êtes conscients qu'il n'y a que très peu de ce tissu disponible, n'est-ce pas ? Comment on va faire pour le shooting, hein, vous pouvez me le dire ? On va dire quoi aux mannequins, payés une blinde pour le déplacement, qu'on n'a rien à leur foutre sur le dos !? Qui en prendra la responsabilité, hein, QUI !?

   Les assistants se sont tassés sur eux-mêmes tout le long de mon craquage. Je reprends mon souffle et me masse les tempes, essayant de me ressaisir. C'est au moment où je relève la tête que je vois enfin celui qui est venu me réveiller. Jeon Jungkook.

   Jeon Jungkook !? Mais qu'est-ce qu'il fout là, lui !? Je fronce les sourcils, tentant de trouver une raison à sa présence ici. Et soudain, tout est clair. C'est lui qui a bousillé mon tissu. C'est de sa faute. Tout ne peut qu'être à cause de lui. C'est tellement évident. Je m'en veux de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. Ce gamin m'en veut personnellement et tout ce qu'il désire, c'est détruire mon travail, ma carrière, ma vie.

   Je bous à l'intérieur. Si cet arriviste pense qu'il y arrivera comme ça, il se fourre le doigt dans l'œil ! Je me dirige lentement vers lui, le doigt pointé sur son torse :

-Alors toi... Je te laisserai pas t'en tirer comme ça ! D'abord tu fais en sorte que je me retrouve comme un con pour ma présentation ? Bien. Et maintenant, tu sabotes aussi la confection ? Encore mieux ! C'est quoi, la prochaine étape ? Tu t'arranges pour me renverser un bon matin ? Tu m'envoies des lettres de menaces ? Je n'en peux plus de tout ça. De ta présence. De toi...

   Je me sens tout à coup très vide et surtout, las. Et triste... Et dire que j'avais mis tellement d'espoir dans ce gamin. Je le voyais déjà devenir un talentueux concepteur. Je voulais qu'il se fasse un nom, qu'il soit un grand parmi les grands. Mais non, il est juste mesquin. Je suis si déçu que ma rage me quitte peu à peu. Je laisse tomber mon bras et le regarde bien en face. Je ne suis qu'à quelques centimètres de lui. En sondant ses iris, j'espère trouver... Quoi, au juste ? Des regrets ? De la honte ? Je ne sais pas vraiment mais continue à scruter ses océans chocolat, qui sont plein d'incompréhension, de tristesse... Je murmure, presque pour moi-même :

-J'avais foi en toi. Tu aurais pu devenir célèbre, un designer talentueux mais tu t'abaisses à ça... Je ne t'imaginais pas comme ça, comme ce genre de personne, prêt à tout, même au pire pour arriver à ses fins... Je suis triste, tu paraissais vraiment intéressant, différent...

   Je vois qu'il est surpris par mes propos. Sa main se lève et vient cueillir une larme solitaire sur ma joue. Je ne m'étais même pas rendu compte qu'une larme m'avait échappé. Il écarquille les yeux suite à son geste et se recule brusquement de moi.

-Je... Pardon, Monsieur ! Je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis désolé !

   Il s'incline très bas mais je lui rétorque d'une voix amère :

-Ce ne sont pas tes regrets qui vont réparer ce que tu as fait. C'est trop tard pour espérer avoir mon pardon.

   Il fronce les sourcils. Il paraît presque... Perdu ?

-Des regrets ? Pour quoi ? Je parlais de votre...

   Et il semble finalement comprendre en suivant mon regard, dirigé sur la carcasse d'un haut, désormais en charpie. Nos regards se croisent à nouveau et j'aperçois une étincelle dans ses profondes prunelles. Du désespoir et un petit quelque chose, trop furtif pour que j'aie le temps de l'identifier correctement. Mais pourquoi diable serait-il désespéré ? Ce serait plutôt à moi de l'être. Non ? J'ai l'impression que les choses m'échappent, petit à petit.

   Que je perds pied.

***

Rien à raconter ces derniers jours, puisque je ne fais rien !
Je m'ennuie un peu plus chaque jour... Alèd °^°

𝐷𝑒 𝑙'𝑨𝑖𝑔𝑢𝑖𝑙𝑙𝑒 𝑎̀ 𝑙'𝑬𝑡𝑜𝑖𝑙𝑒 | ᵗᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant