A très exactement 6 minutes 19 secondes du début de ma présentation, j'hésite encore entre étriper le stagiaire, tout penaud en face de moi, démolir son joli visage à coups de poing ou le noyer dans les toilettes les plus proches. Me calmer. Il faut que je me calme. Je ferme les yeux et respire profondément. Je rouvre mes yeux, qui se portent instinctivement vers la carcasse qu'est devenu mon précieux ordinateur. Je sens une colère froide, sourde, remonter insidieusement le long de mon dos.
-Nous parlerons plus tard. Namjoon, nettoie-moi ce bazar. Et toi, le stagiaire, je ne veux plus te voir. Me suis-je bien fait comprendre ?
Jungkook relève légèrement le regard vers moi mais s'incline très vite et disparaît aussi sec de mon champ de vision. Un dernier coup d'œil à mon ordinateur détruit et je fais demi-tour vers la salle de réunion. Ma montre au poignet indique que j'ai encore 2 minutes et 41 secondes pour m'installer et commencer ma présentation. J'inspire un grand coup et entre dans la pièce.
Face à mes supérieurs, j'adopte un sourire factice et commercial. Ne pas donner l'impression que je bous intérieurement. Rester calme et posé. Professionnel. Je commence à parler, m'excusant pour le petit problème technique. Pas de souci, j'improvise. Malgré le cruel manque d'explications visuelles, mes échantillons, eux, semblent faire leur petit effet. En même temps, rien ne vaut le toucher, bien qu'un appui numérique aurait été salvateur.
1 heure et 17 minutes plus tard, je salue le dernier membre de la boîte qui sort de la salle. Enfin je peux relâcher ce masque pro. Mes sourcils se froncent instantanément. Bon. Malgré la perte importante de mon ordinateur, je ne m'en suis pas trop mal tiré. Les collaborateurs ont eu l'air sous le charme de mon nouveau tissu et des quelques croquis que j'avais réalisé manuellement sur papier. Pas les plus aboutis, hélas. Mon idée de tissu en fibres plastiques, issues de bouteilles recyclées, aussi douces que le coton, écolo et facilement modulables qui peuvent aussi se subtiliser à d'autres type de matières, comme le cuir, le denim et même la soie (Note de Moi : vous posez pas de questions, c'est magique), a semblé faire l'unanimité. Du moins, je l'espère... Reprenant mes esprits, je débarrasse la salle et rejoins enfin mon bureau, où toutes traces du chaos précédent ont disparu, sans doute nettoyées par Namjoon. Une fois installé derrière mon poste, je fais appeler Jungkook.
Il arrive devant moi. Il a les yeux baissés et semble assez stressé. J'imagine que l'atmosphère de la salle, rendue glaciale par mon humeur, n'améliore pas les choses. Je croise les mains devant le bas de mon visage et attends. Il me jette un œil de sous ses cheveux et prend l'initiative de s'asseoir en face de moi. Je continue de le fixer, l'air neutre. Il prend alors la parole :
-Je suis vraiment désolé, Mons...
-Chhht. Je ne veux pas t'entendre.
A nouveau intimidé, il baisse encore la tête, qu'il avait relevée pendant son excès de courage.
-Je ne vais pas te mentir, Jungkook. Je suis incroyablement déçu de toi. Je te faisais confiance. Et comment me remercies-tu ? En détruisant mon travail acharné ? Bien. Quel était ton but en faisant ça ? Détruire ma carrière ? Me décrédibiliser auprès des patrons ? Prendre ma place ? Ou que sais-je encore... Tu n'as aucune foutue idée du nombre de projets dans cet ordinateur. Tu viens de réduire en bouillie trois années de travaux. Je n'ai pas d'autres sauvegardes puisque ces projets étaient putain de confidentiels !
Je ne peux empêcher ce cri de m'échapper. Je me masse les tempes pour me ressaisir. Il me regarde avec un air abattu et tente de reprendre la parole mais je l'arrête immédiatement :
-Je n'ai pas fini. Normalement, pour une telle faute, je pourrais demander ton renvoi, et même à ce que tu sois blacklisté dans toutes les entreprises de conception, de mode et de luxe. Néanmoins, je ne le ferai pas. Parce que malgré tout, j'ai eu une bonne impression de toi hier. Je fais confiance à mon instinct qui me crie de te garder. Je te donne une deuxième et dernière chance. Mais, j'ajoute en voyant son visage se remettre à briller légèrement, je ne veux plus aucune erreur. Plus une seule de toute la durée de ton stage. Si ce genre d'incident se reproduit, ce genre ou un autre d'ailleurs, je me verrais dans l'obligation de te suspendre. C'est bien clair ?
Il hoche vivement la tête, me faisant ainsi part de son approbation.
-Bien. Maintenant, tu vas me dire exactement ce qu'il s'est passé pour que mon ordinateur se retrouve dans cet état... Lamentable.
Jungkook m'explique qu'il voulait juste jeter un dernier œil à mon travail avant que je ne le présente quand Namjoon était arrivé et avait fait mine de récupérer l'ordinateur. Mon stagiaire avait alors eu une réaction assez inattendue : tandis que mon collègue, mandaté par moi-même pour me rapporter mon précieux bien, avait saisi l'objet par l'écran, Jungkook avait attrapé le clavier et ils avaient tirés chacun de leur côté. Et les deux éléments s'étaient alors désolidariser l'un de l'autre. Très surpris, je demandai la raison des touches complètement détruites. Je vis alors un petit éclair de panique traverser ses prunelles avant qu'il ne réponde, la voix tremblotante, qu'il avait marché dessus. Très sérieux, je pose LA question, celle de la raison de son "inspection" de mon travail. Sa réponse tremblante me glace en même temps qu'elle m'achève :
-J'étais... Jaloux... Je voulais saboter votre travail. Je suis désolé... Je ne le ferai plus.
Toute la sympathie qu'il pouvait rester en moi déserte la moindre de mes cellules à cet instant précis. Mon visage se referme violemment et je sens que le brun en face de moi l'a senti, vu comment il se tasse sur sa chaise, essayant de se faire tout petit. Peine perdue quand on est un grand gaillard de près d'1m80. Je réponds avec un calme polaire :
-En effet. Ça ne se reproduira jamais puisque je te renvoie de ma tutelle. Je vais aller voir Jin, mon responsable, pour qu'il t'assigne à quelqu'un d'autre. Je ne veux pas d'un gamin immature, capable de détruire le travail d'un autre. Si à l'avenir nous nous croisons dans les couloirs, je veux que tu ressentes toute cette honte et que tu ne sois plus capable de me regarder en face. Ce que tu as fait est inacceptable. Je ne peux pardonner un comportement aussi... Puéril. Sors, maintenant. Et reste chez toi jusqu'à ce que Jin te trouve un autre tuteur. Je ne veux plus jamais revoir ton visage de gosse pourri gâté. Va-t'en. Vite, avant que je ne devienne vraiment méchant.
Tout au long de ma tirade, j'ai senti mon corps se tendre de plus en plus, ma mâchoire se contracter pour retenir les insultes qui pleuvaient sous mon crâne, mes poings se serrer pour éviter de lui coller une beigne dans le nez. Je suis un peu essoufflé d'avoir lancé tout ça tout en me contenant. Jungkook, lui, a les larmes aux yeux mais j'ignore la pointe de pitié qui me serre la gorge. Tout est de sa faute, il ne peut s'en vouloir qu'à lui-même. C'est dommage, j'espérais plus de ce gosse...
Il se lève et s'incline devant moi, sans doute la dernière fois dans ce bureau. Tandis qu'il a la tête baissée, je l'entends renifler. Il se redresse en gardant le regard rivé au sol mais mes doutes se confirment : il pleure. Mais je lui en veux, énormément. A ce stade-là, je pourrais même affirmer que je le déteste. Il sort de la pièce sous mon regard accusateur.
Rien ne pourra réparer ce qu'il m'a fait. Rien.
***
Quelle ambiance de m... On espère que ça va s'arranger, hein ? *sifflote innocemment*
Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à le montrer par des commentaires ou une p'tite étoile ^w^
Bon confinement à tous.tes... Tenez bon !
25/03/2020
![](https://img.wattpad.com/cover/217020250-288-k389275.jpg)
VOUS LISEZ
𝐷𝑒 𝑙'𝑨𝑖𝑔𝑢𝑖𝑙𝑙𝑒 𝑎̀ 𝑙'𝑬𝑡𝑜𝑖𝑙𝑒 | ᵗᵏ
FanfictionLe milieu de la mode est impitoyable. Et ça, Jungkook va très vite le comprendre sous la tutelle de Taehyung, dans l'une des maisons de créations les plus novatrices du moment. Stagiaire plein d'attentes, des étoiles plein la tête, il découvrira...