Partie I

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Les rayons du soleil caressaient son visage, cajolant sa peau pâle, de son visage détendu à ses pieds nus dont le talon s'enfonçait verticalement dans l'herbe fraîche. Les brins verdoyants de cette dernière lui chatouillaient la nuque, balancés par la faible brise venue du lac. Un bruissement léger, ajouté au paisible son des vagues, formait un agréable bruit de fond. Il était régulièrement couvert par les cris et les discussions vives des nombreuses personnes venues passer ce bel après-midi de début d'été sur la pelouse au bord du lac.

Allongé sur le dos, les mains posées sur le ventre et les yeux clos pour se protéger de la luminosité prononcée du ciel, Carl-Antoni ne faisait pas exception à la règle. Après les examens de fin d'année, l'idée de ne rien faire et de profiter du soleil n'était que trop alléchante. Il était resté enfermé bien trop longtemps à son goût devant des livres et des cahiers. La faute en revenait à ce très cher Brendan, son infatigable meilleur ami, qui ne l'avait pas lâché d'une semelle durant les dernières semaines pour le forcer à réviser. Et même si Carl avait passé beaucoup de temps à râler, il savait bien au fond de lui-même qu'il devait une grande partie de sa réussite scolaire à la persévérance de son meilleur ami...

Un nuage se glissa devant le soleil et les paupières du jeune homme se décrispèrent avec soulagement en réaction à la baisse de luminosité. Il sentit du mouvement près de lui mais ne s'en inquiéta pas, plongé dans une détente et un calme profonds.

Pourtant, lorsqu'une main tiède se posa sur sa joue, accompagnée à peu d'intervalle par une paire de lèvres brûlantes qui se scellèrent aux siennes, Carl-Antoni sentit toute sérénité quitter son corps. Un souffle chatouilla son visage alors que la pression délicieuse de cette bouche contre sa peau s'accentuait tendrement, avec une insistance joueuse qui trahissait l'envie d'une réponse. Le cœur de Carl dut rater quelques battements, alors que sa respiration devenait erratique, tout comme le cours de ses pensées.

Il ne chercha toutefois pas à lutter contre l'avalanche de sensations qui se propageait dans son être entier, amenant délicatement ses lèvres à participer à ce baiser tranquille, d'une intensité bien présente mais paresseuse, familière, confortable. Un confort qui ne fut que de courte durée, trop courte au goût de Carl qui décolla désespérément sa nuque du sol à la poursuite de ces lèvres frivoles s'en allant déjà. Il récolta une caresse sur la joue pour toute excuse, avant que le contact ne disparaisse, le laissant frustré mais heureux.

Il ouvrit les yeux. Ses iris pâles tombèrent sur l'éclatante beauté du ciel, un bleu d'une clarté éblouissante, juste taché de quelques nuages duveteux. Mais bien que le spectacle lui plaise beaucoup, l'objet de ses convoitises, lui, se trouvait bien plus à ras du sol, et bien heureusement. Le regard de Carl glissa sur le côté pour tomber sur une silhouette qu'il ne connaissait que trop bien.

Zerator s'était redressé jusqu'à être assis dans l'herbe, les genoux serrés contre son torse, cerclés de ses bras. Son regard était perdu sur le paysage, observant les eaux scintillantes du lac avec une douce mélancolie.

Carl resta immobile quelques instants, les yeux fixés sur le dos de son précieux petit ami. Il basculait entre l'allégresse et l'intrigue, encore surpris, mais pas moins ravi par ce baiser que venait de lui offrir Adrien alors qu'ils se trouvaient au beau milieu de la moitié des élèves de l'école. Si Zerator, le bien connu commentateur et brailleur de Poufsouffle, était quelqu'un de plutôt extraverti et libéré, il était toutefois bien plus pudique et discret quant à ses relations. Pas qu'il ne cherche à cacher leur liaison, bien évidemment, mais il semblait préférer garder les gestes tendres et autres effusions pour leur intimité, à l'abri des regards. C'était quelque chose que Carl respectait, bien qu'il ait généralement du mal à résister à la tentation, même après quelques heures seulement de séparation, de lui plaquer un long baiser langoureux sur les lèvres et de le tenir contre lui pour être sûr qu'il ne s'échappe pas à nouveau.

Myosotis et géraniumsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant