VIII

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Nom : Eden

Dicton : Il n'y a pas de fumée sans feu

Ils m'ont demandé si j'étais au courant pour la liaison d'Emily. J'avais peur qu'ils découvrent que c'était moi qui étais à l'origine de tout ça, alors je me suis contentée de répondre :

– Non, je n'étais pas au courant.

D'après les questions qui m'ont été posées, j'ai pu retracer la façon dont la fumée s'était propagée. Pam en avait parlé à sa mère qui en avait parlé à la mère d'Echo qui en avait parlé à sa fille qui avait confirmé ce qu'avait dit Pam. Puis les deux mères avaient averti la mère de Liz dont le mari est surveillant. C'est lui qui avait apporté la fumée jusqu'aux oreilles du directeur qui s'était empressé de dénoncer monsieur Sullivan de peur d'être arrêté pour non-assistance à élève en danger. Quelqu'un dans tout ce processus avait dû citer mon nom, parce que le policier a ajouté « Moi, je crois que tu es au courant » avec l'air de quelqu'un qui savait que je savais.

– Tu es très proche d'Emily. Elle a dû t'en parler.

Je ne savais pas si c'était une tentative d'intimidation ou s'il savait que c'était moi qui avais mis le feu aux poudres. J'ai commencé à paniquer et à me demander combien d'années de prison je risquais pour avoir bégayé « Bah... » au mauvais moment.

– Je ne suis pas si proche d'Emily.

– On a retrouvé plein de photos de toi dans son téléphone.

Je ne savais pas qu'Emily avait gardé plein de photos de moi dans son téléphone. Surtout qu'elle change de téléphone tous les ans. Je ne savais pas ce que ça signifiait, mais l'espace d'un instant ça m'a fait chaud au cœur. Moi aussi j'avais gardé des photos de nos vacances à Cabo. Avant, tous les étés, je partais au Mexique avec la famille d'Emily. Son père y louait une maison à l'année, même si la famille n'y séjournait que quelques semaines par an. Emily n'avait pas peur de l'avion, moi j'avais la trouille. Au décollage, je lui agrippais la main, comme si le seul fait de m'accrocher à elle me rendait invincible. Elle achetait toujours des magazines et me faisait passer des quiz débiles pour me distraire. Ou alors elle observait les passagers et inventait des histoires sur leurs futures vacances. Untel allait tomber amoureux et finirait le restant de ses jours à Cabo. Un autre tomberait à l'eau lors d'une virée en jet-ski et se retrouverait nez-à-nez avec un requin. Elle parvenait à me convaincre, par des moyens détournés, que nous sortirions tous de cet avion sains et saufs.

La journée, on faisait les carpettes sur la plage après avoir joué aux sirènes dans une eau à trente degrés. Le soir, on allait manger au restaurant avec ses parents et on fantasmait sur les serveurs, tous plus beaux les uns que les autres. Puis on se baladait sur la jetée sous un soleil qui semblait ne jamais vouloir se coucher. On dormait dans la même chambre, même si chacune aurait pu avoir la sienne. Mais ça paraissait inconcevable de se séparer. On avait le choix entre la chambre bleue avec les lits superposés et la chambre jaune avec le lit double. Chaque année, on tirait à pile ou face pour déterminer qui choisirait. Emily jetait toujours son dévolu sur la chambre jaune.

L'été de ses douze ans, Emily a eu ses premières règles et a demandé à faire chambre à part. Comme je n'avais pas encore les miennes, je n'ai pas trouvé anormal qu'elle ait besoin d'intimité pendant deux semaines. Elle m'a laissé la chambre jaune. J'ai détesté dormir dans ce grand lit toute seule. L'été suivant, j'ai gagné à pile ou face et elle a accepté de partager avec moi la chambre bleue, mais ce n'était plus aussi drôle qu'avant. Emily paraissait constamment perdue dans ses pensées depuis qu'elle avait embrassé Brayden. C'était son premier baiser. On aurait dit que Brayden lui avait volé quelque chose et ne le lui avait jamais rendu.

Toute confidence sera retournée contre vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant