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Nom : Emily

Dicton : Le naufrage du Titanic a commencé bien avant qu'on aperçoive l'iceberg

Je contemple les filles sur papier glacé. Créatures sublimes. Je tourne les pages l'une après l'autre, hypnotisée. Projections de rêve. Je les admire toutes. Celles aux seins menus et aux fesses rebondies. Celles à la poitrine rebondie et aux fesses menues. Mais j'ai une préférence pour celles qui ne sont pas refaites. Je ne comprends pas cette volonté de gommer ses défauts, pour un résultat pas toujours probant. Je préfère celles qui font de leurs défauts un charme supplémentaire.

Je pourrais regarder des photos sur internet, mais ce ne serait pas pareil. Des Cara Delavigne, des Gigi Hadid, ça ne m'intéresse pas. Elles sont trop connues. Quand vous les regardez, vous avez l'impression qu'un milliard de personnes les regardent en même temps que vous. Et puis la toile virtuelle, ça rajoute une barrière. Ça rend ces filles inaccessibles encore plus inaccessibles. Intouchables. Ce ne sont plus des rêves. Ce sont des utopies. C'est pourquoi je préfère les pages mode des magazines de ma mère. Elle en achète un par semaine, le dépose sur la table basse du salon jusqu'à ce que je l'emporte dans ma chambre. Allongée sur mon lit, il y a entre elles et moi comme un face à face qui s'instaure. On dirait qu'elles ont attendu aussi longtemps que moi.

Oui, je sais, c'est étrange comme introduction. Mais le titre de ma rédaction, c'est : « Le naufrage du Titanic a commencé bien avant qu'on aperçoive l'iceberg. » Alors je pose les bases du naufrage. Dans l'histoire du Titanic, ça correspondrait au moment où les passagers sont montés à bord. Dans mon histoire, ça correspond à l'empilement des magazines féminins sur la table basse du salon.

L'organisation de ma soirée d'anniversaire, quant à elle, équivaut au moment où le navire a craché sa fumée et largué les amarres. En route vers son destin. J'étais dans mon salon avec Talhia et Neven. D'habitude, je fais mes invitations à la main et je les glisse dans les casiers. Je sais, c'est totalement démodé, mais je trouve que ça a un certain charme. Cette fois, j'avais la flemme et Talhia m'a convaincue de créer un événement sur Facebook. Je lui ai donné mon mot de passe et je l'ai laissé faire. Jusqu'à ce que je me rappelle l'histoire de cette fille qui avait vu cinquante mille inconnus débarquer à son anniversaire après avoir lancé une invitation sur les réseaux sociaux.

– Je ne crois pas que ce soit une bonne idée finalement, ai-je bredouillé en jetant un œil à l'ordi.

Il y avait une photo de ma piscine à laquelle elle avait superposé des ballons colorés et une bouteille de champagne qui se transformait en feux d'artifices, dessinant mon nom dans le ciel. C'était vraiment immonde.

– C'est trop tard, je l'ai déjà envoyé.

– Quoi ?

Elle a dû voir le scénario catastrophe qui se tissait dans mon esprit, parce qu'elle a aussitôt ajouté :

– T'inquiète, c'est un événement privé. Seuls tes amis le verront. D'ailleurs y'a déjà quelqu'un qui participe.

Elle a plissé les yeux comme s'il y avait une grosse araignée sur l'écran.

– Attends... Pourquoi t'as Moira dans tes amis ?

J'ai haussé les épaules.

– Ça fait longtemps qu'elle est là. Tu étais encore avec Liam quand je l'ai acceptée.

Moira est la nouvelle petite amie de l'ex de Thalia. Ce genre de quiproquo ne serait jamais arrivé si on s'en était tenu à mes invitations papier.

– Tu peux supprimer l'événement ?

– Non, y'a déjà plein de personnes intéressées, a-t-elle rétorqué en cliquant sur la souris. Ce serait nul d'annuler. On n'a qu'à publier un supplément.

Toute confidence sera retournée contre vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant