Question n°47

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QUELS ONT ÉTÉ VOS MÉFAITS LES PLUS RÉUSSIS ? 

Seule dans la salle de classe, je m'étais approchée de la rangée de chaises côté fenêtre.

Les grandes baies vitrées du premier étage donnaient directement sur la cour de l'école où mes camarades de classe s'évertuaient à être des enfants pendant que je nourrissais un dessein plus sombre.

C'était la dernière pause de la journée.

J'avais la peur au ventre et prêtais une attention particulière aux bruits venant du couloir. La porte était ouverte et le moindre crissement de semelle sur le vieux carrelage, fût-il lointain, me coupait la respiration.

Je ne devrais pas être là.

Je m'apprêtais à plonger la main dans un sac à dos qui ne m'appartenait pas, et à en sortir un objet qui m'appartenait encore moins.

Une querelle de petites filles avait tourné au règlement de compte.

Debout, adossée à la fenêtre, je restais indécise. La raison ou la rancune ?

Comme souvent, la dernière l'emporta et en quelques secondes je commis l'irréparable.

Je récidiverais d'ailleurs, à peine un an plus tard. Une histoire de détournement de poster de Britney Spears.

Sale affaire. Je préfère ne pas en parler.

Lorsque la cloche sonna pour signifier aux élèves que leur quart d'heure de liberté touchait à sa fin, j'étais assise à ma place, entourée de plusieurs camarades qui étaient déjà remontés et qui vaquaient à leurs occupations.

Un brouhaha emplit la pièce, mais, tendant l'oreille, je pus distinguer une voix plaintive.

Elle avait remarqué qu'il avait disparu.

C'était mon premier larcin, je n'avais aucune idée de ce qui m'avait poussé à l'acte et j'avais peur.

Et si le prof demandait à fouiller tous les sacs ? Que penseraient mes parents ?

Sur l'échelle de Richter, quelle serait la magnitude de la branlée que j'allais me prendre ?

Mes parents n'étaient pas tatillons lorsqu'il s'agissait des mauvaises notes mais ils ne toléraient pas les problèmes de discipline.

Si répondre à mon oncle m'avait valu une claque de magnitude Vegeta, je n'osais pas imaginer ce qui m'attendait dans de telles circonstances.

Finalement, mettant de côté les protestations de ma future ex- meilleure ennemie, le professeur reprit le cours et la journée se termina dans le calme.

Je pus sortir de la classe sans que nul ne sût quel genre d'enfant j'étais devenue.

Pendant des semaines, il ne quitta pas le fond d'un de mes tiroirs. La peur non plus ne partait pas. Elle rôdait dans mon estomac le matin avant d'arriver à l'école. La paranoïa s'infiltrait partout. Lorsque le téléphone sonnait, je pensais qu'on m'avait découverte et que, malgré une cavale respectable, il était temps de me rendre aux autorités périscolaires.

Un mois passa.
Puis deux. Puis trois.

Personne ne vint.

Un samedi matin, enhardie par le fait d'être toujours hors de cause dans ce qu'on appelait désormais « L'affaire de la disparition », je me suis dirigée vers la cuisine, serrant dans la main droite l'objet que je venais de sortir du tiroir de mon bureau.

Arrivée devant le frigo, je collais le magnet Diddle bien en évidence.

Je l'admirai quelques secondes, tournai les talons et repartis tranquillement d'où j'étais venue. Une affaire plus urgente et relativement plus importante demandait mon attention. Un devoir sur les multiplications pour ne pas le nommer.

Lorsque ma mère me demanda d'où il venait, j'ai prétexté un cadeau d'une amie.

Ayant le pouvoir d'achat d'une gamine de 8 ans, un mensonge crédible aurait été de mentionner l'un de mes business angels, papi ou mamie.

Seulement, voilà.

J'étais assez stupide pour exposer la preuve de mon crime mais assez futée pour connaître le concept de non concordance d'alibis et de témoins à charge.

J'eus raison de choisir la première option, elle ne chercha pas plus loin.

Qui l'aurait fait d'ailleurs ? Il ne s'agissait que d'un magnet.

Dix-huit ans plus tard, il trône toujours sur le frigo de la maison de mes parents et me rappelle, chaque fois que je le vois, qu'il y a un truc qui ne tourne vraiment pas rond chez moi.

109 réponses (à des questions que tu ne t'es jamais posées)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant