chapitre II, Hastings

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Mardi 13 décembre 1887, Marquise

Lorsque l'horloge du séjour sonne sept heures, Cécile me réveille. Je mets ma robe noire et je refais ma malle, sans oublier les vêtements que Cécile m'a donné hier. Il fait encore nuit dehors, c'est normal en hiver, lorsque je descends, en suivant le bougeoir. J'essaye de ne pas faire trop de bruit pour ne pas réveiller Jacques qui dort encore à cette heure, je garde alors mes talons à la main et tente tant bien que mal de ne pas faire frémir le parquet bringuebalant. Le carrelage froid sous mes pieds me sors de ma rêverie.
- Madame Cécile ? Je vous remercie de m'avoir permis de passer la nuit ici et merci beaucoup pour les vêtements j'espère pouvoir les mettre bientôt.
Elle ne répond rien ? Dans le silence de la ferme, elle me reconduit à la porte, soulève le gros verrou et ouvre le passage de bois. Elle se retourne vers moi, angoissée comme si elle était pressée que je parte.
- Ange, écoute-moi. Il ne faut pas que tu reviennes en France, pars le plus loin sans regarder en arrière, c'est très important. Bon courage ma belle.
- Mais de quoi parlez...
Je n'ai même pas pu finir ma phrase qu'elle a déjà refermé la lourde porte. Pourquoi est elle si étrange ce matin, est je fais mauvaise impression. Les pieds dans la neige, je suis frigorifiée. Je m'assoie sur le banc sous la fenêtre, pour mettre rapidement mes souliers ; ma cape et je pars en direction du port, un peu tourmentée par ce qui vient de se passer. Je cours pour rejoindre le guichet pour acheter mon billet pour l'Angleterre. Lorsque j'arrive sur les quais, il est huit heures quarante, mon billet me coûte près de cinq francs, je vais devoir trouver rapidement du travail si je veux pouvoir vivre de l'autre coté de la Manche.
Autour de moi les lampadaires forment des flammes qui transpercent le brouillard dans le matin de décembre. L'eau résonne au fond de moi, et mon cœur bat la mesure du rythme de l'impatience qui m'empare. L'ambiance ici est mystérieuse, le bruit de l'écume frappe le port et les bites d'amarrages restent stoïques  malgré le manteau de gelée blanche qui les recouvre. Lorsque neuf heures sonne, je prends la mer. Sur la proue du bateau, je vois l'horizon et la rive voisine vers laquelle je me dirige. Le vent fait voler mes cheveux blonds qui se fondent dans les nuages qui vole au-dessus des abîmes de la mer. La liberté me tend les bras, c'est tellement agréable de se sentir comme un oiseau que l'on laisse sortir de sa cage, pour une fois. C'est une occasion en or, je décide alors de me pencher en montant sur l'un des barreaux de la balustrade ; j'entends les vents me soufflé des mélodies d'outre mer derrière moi, un souffle lent et contenu. Mais après seulement quelques secondes d'extase la réalité me rattrape et manque de tomber par-dessus bord. Heureusement, une personne me rattrape par les hanches et me replace sur le pont. Il me soulève avec une facilité consternante. Mon cœur bat à la chamade mon souffle suis ce rythme endiablé. Les yeux embrumés par la peur, je n'arrive à distinguer la personne qui m'a sauvé. Il me faut quelques instants supplémentaire pour le distinguer et l'étudier d'avantage. L'homme face à moi est grand, le teint basané, les yeux d'un noir d'encre et ses lèvres sont gercées par l'air sec et froid de la mer hivernale.
- Tu sais que c'est très dangereux de se pencher par-dessus bord, tes parents ne te l'ont jamais dit ?
- Pardon, c'est-à-dire que ... c'est la première fois que je voyage et je ne suis accompagnée que de ma malle derrière vous.
Mon assurance ne berne personne, je le sais. Parfois j'aimerai avoir le cran de dire à toutes ses personnes qui se penses supérieure, que « NON, je ne sais pas ce que c'est d'avoir des parents ils sont morts! »  juste pour observer leurs réactions.
- En tout cas fais, attention, si je n'avais pas été là tu n'aurais jamais vu l'Angleterre.
- Oui merci, Monsieur.
Le marin part une fois son sermon finit me laissant seule, c'est incroyable comment des personnes passent dans nos vies qu'un instant et sans rien y laisser. Que c'est ennuyeux de toujours suivre les règles. Je décide malgré cela d'obéir et de m'assoir face à la mer sur un banc en dessous d'un hublot Je ne veux pas rentrer dans le ferry, l'air de la mer me fait un bien fou. Et puis au moins, je suis seule et je n'ai pas à subir les regards consternés de qui que ce soit. Pour contrer le froid le met mes mains dans mes poches, la un objet métallique me pétrifie, il est gelé est ce la clé de cette nuit. Je ne l'ai peut être pas rêvé en fin de compte.
Et puis est-ce qu'elle brille toujours ? La petite clé, au creux de ma main, n'a pas vraiment changée, la petite lune d'argent et l'inscription en latin, tout est resté identique.
Qu'est-ce qu'elle ouvre ? Un coffret à bijoux peut-être ? J'aurais surement dû la rendre à Cécile. De toute façon je ne ferais pas marche arrière et si elle ne s'est pas embêtée à la chercher avant, c'est qu'elle ne lui était pas plus utile que ça après tout. J'accroche alors la clé à un ruban qui marqué la page de l'un de mes livres, je le remplacerai par une chaine une fois avoir amassé assez d'argent. D'ici la, cela sera suffisant pour ne pas la perdre, elle est peut être précieuse après tout.
Après une heure à regarder la rive, je l'atteins enfin. La langue anglaise tinte à mes oreilles comme une berceuse inconnue.

ANGE et le royaume des clésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant