5) Echos

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"Ta gueule".

Une légère insulte venant de la part de ce reptile qui fut des bienvenues. Les épaules crispées de Kuroo se relachèrent, et la mâchoire serrée de Daishou se détendit également, arrêtant ainsi de faire crisser ses dents par la même occasion. L'ambiance plutôt pesante que les deux ressentaient était devenue plus familière, presque cordiale. L'ironie et le sarcasme agrémentaient à nouveau leurs phrases, faisant abstraction des gênes occasionnées il y avait encore peu. Une taquinerie par ci, une boutade par là. Puis vint quelques coups d'oeils moqueurs : brillants, luisants, sournois et parfois, s'y glissaient presque une certaine forme de tendresse. Les émotions reliées au matchs significatifs qu'ils avaient joué plus tôt dans la journée, la fatigue ainsi que les quelques verres d'alcool eurent comme conséquence de leur donner des expressions devenant de plus en plus suggestives : de longs regards, qui glissaient parfois jusqu'à la commissure des lèvres, des rires plus doux, et un ton légèrement moins railleur, mais aucun des deux jeunes hommes n'avait la réelle intention de le mentionner.

Kuroo trouva tout à coup l'air de cet endroit de plus en plus irrespirable. Il venait pourtant de retirer sa jaquette pour ne plus que se retrouver qu'avec un vulgaire T-shirt. Seulement, rien n'y faisait, il suffoquait, trop étriqué dans la sensation nouvelle qui l'arpentait et qui chaque minute, lui collait un peu plus à la peau. Il avait beau posséder une certaine fierté parfois mal placée, - et il le savait fort bien - il n'aimait néanmoins pas se voiler la face et, s'il décidait de continuer sur cette lancée, c'est ce qu'il se passerait, sans l'once d'un doute. De toute manière, ses joues bien plus cramoisies qu'un après-midi d'été en plein soleil étaient assez indicatrices pour lui signaler que non, tout n'était pas exactement comme d'habitude. Il fallait absolument qu'il s'aère l'esprit. Il voulait continuer de profiter de ce moment presque invraisemblable si on prenait en compte qu'il appréciait plus que nécessaire cette sorte de rendez-vous avec Daishou, le type on ne peut plus imbuvable.

Il fallait cependant se rendre à l'évidence, Kuroo le dévisageait comme jamais il ne l'avait fait pour un homme. Pour aucune femme non plus d'ailleurs. Il avait la drôle de sensation que le dénommé Daishou Suguru était en bonne et due forme en train de le narguer pour lui montrer que oui, il se pourrait bien qu'il soit bisexuel, ou au moins pour lui. Il ne pouvait nier qu'il sentait bel et bien son poul s'accélérer, des frissons lui parcourir l'échine, son estomac se distordre et avoir de plus en plus de mal à contenir un regard décent. Depuis quand ce sale serpent l'avait empoisonné avec un filtre aussi niais ? On ne pouvait pas tomber sous le charme de quelqu'un, comme ça, en une soirée. Ce n'était clairement pas un coup de foudre, il le connaissait depuis plusieurs années, mais alors pourquoi diable son coeur tambourinait à ce point, contrairement à toutes leurs autres altercations ? Etait-ce l'intimité présente actuellement, dépourvue des regards inquisiteurs de leurs équipes respectives ? La nostalgie des vacances de printemps approchant à grands pas ? Une révélation, un mélange des trois, et plus encore ? Kuroo ouvrit la bouche pour lui signifier son envie de prendre un bol d'air frais, mais Daishou le devança.

- On sort un coup ?

Kuroo acquiesca silencieusement, ce qui eu pour effet de donner à Daishou un aspect qui ne respirait pas la sérénité.

Ce fut en réalité le déglutissement de Kuroo qui provoca chez Suguru cette expression peu sûre d'elle, mais Kuroo était bien trop crispé pour prêter gare à ses propres réactions.

Les jeunes garçons enfilèrent leurs vestes, prirent leurs affaires, réglèrent les derniers paiements et allèrent déambuler de ruelles en ruelles, vagabondant de long en large, pour se rendre au final dans un parc. Légèrement éclairés par des réverbères espacés et le parc n'étant pas proche du centre-ville, le charme ambiant donnait au coin un air presque rural, provoquant une douce mélancolie issue de cette belle nuit surplombée d'un ciel étoilé.

Don't death on my parade [KuroShou]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant