Aurore - 3

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Depuis cet incident, il ne m'adresse plus la parole ou ne serait-ce qu'un regard. Tant pis. Je savais bien que je n'aurais pas dû essayer, les gens sont tous les mêmes, hein ? Peu importe.

C'est le week-end, je vais aller me perdre dans un coin de nature, dans je ne sais quel parc ou forêt idéalement. Je marche, marche dans une forêt de ciment vers une forêt humaine avant de trouver la verdure. Je suffoque entre ces personnes collées les unes aux autres, aller, respire, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Lorsque les portes se rouvrent, c'est la délivrance. Quelques pas me séparent du lieu convoité. J'aperçois un chemin d'eau qui courre autour d'un îlot un peu perdu au milieu de la ville, les voitures passent au-dessus de ma tête, tandis que tout autour, des arbres font de l'ombre au fleuve. Je vais m'installer tout au bout de cet îlot, les pieds dans le vide, au-dessus de l'eau, la frôlant. Les flots se déversent à leur guise, en tout quiétude, je voudrais m'y allonger et en absorber le calme. Ma hanche me lance, j'ai mal. Libérer de la dopamine, tel est mon but lorsque j'allume enfin une cigarette. La fumée fait fuir quelques pauvres insectes, désolée petites bêtes. Elle se consume lentement entre mes doigts pendant qu'elle noircit mes poumons et que la fumée s'échappe en larges volutes. Je recrache ce feu venimeux jusqu'à ce qu'il me brûle les doigts.

Je m'allonge au milieu de toute cette vie, mes yeux se perdent dans les cieux. Une nuée d'hirondelles passe, sans doute migrant pour cette froide saison qui se prépare. Allez vous cacher petites vies libres et innocentes, je vous envie. Pouvoir échapper à la lourdeur, à la gravité est un luxe, bien plus que de posséder nombre de biens matériels qui ne font que vous lier pieds et poings à votre place. Je sens du mouvement à ma gauche, un renardeau tout roux sort de son terrier, le nez en l'air à la découverte du monde. Sa mère vient vite l'attraper par la peau du cou afin de le remettre à l'abri. Comment avaient-ils bien pu atterrir là ? J'espère qu'ils se porteront bien, après avoir été délogés de leur habitat naturel.

Je ne peux pas rester ici indéfiniment, il faut bien que j'arrive à m'arracher de ce lieu merveilleux, cette espèce de lieu utopique caché dans ce début de dystopie. Morne, la mort dans l'âme, je me mets en chemin.

Retour à la réalité, je dois retourner en cours après ces deux nuits sans sommeil, Morphée a dû m'attraper deux ou trois heures. Ma tête me brûle, elle tend à exploser, mes paupières veulent se clore mais mon cerveau refuse. Je le force à sortir de cette léthargie quotidienne : je vais lui faire violence et prendre ce foutu bus qui m'amène à mon dortoir. Aucune parole, une chaise vide et une table froide au fond de la salle. Une heure. Deux heures. Je dors et n'entends pas la sonnerie annonçant la récréation, ni le brouhaha de délivrance qui l'accompagne. Je sens une main sur mon épaule me secouer un peu, dur réveil face à ma professeur.
- Aurore, qu'est-ce qui se passe ? Comment ça va ?
- Très bien. Ne vous inquiétez pas, c'est juste un petit manque de sommeil.
- Ce n'est pas la première fois. Reprenez-vous, concentrez-vous un peu plus sur les cours, dépensez-vous pour mieux dormir, je ne sais pas.
- Oui, madame, je vais essayer.
- Bonne journée, Aurore.
Et se fut sur ces mots que je quitta la salle. Je voudrais rester toute ma vie dans cette salle, avec cette personne fantastique... Elle est géniale, transmet une joie de vivre qu'elle n'a pas forcément tous les jours, a une volonté de réussite pour ses élèves, un souci de chacun. Je l'aime énormément, elle est un de mes piliers fondateur, elle me soutient sans même s'en rendre compte. Je fus amorphe le reste de la journée.

Nyx & ErèbeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant