Nyx & Erèbe

Noan - 18

Je m'impatiente, je veux savoir comment elle va. J'ai cours toute la journée, chose normale, mais elle n'est pas là, elle n'est plus là depuis des semaines. Comment passera-t-elle son année ? Avec quelques efforts, elle pourrait s'en sortir. De toute façon, le plus important reste le fait qu'elle reste en vie avant tout. Avant que je ne puisse m'échapper de l'antre du lycée, la prof de lettres m'interpelle. Elle me demande des nouvelles d'Aurore au vue de sa longue absence. Je lui bredouille quelques excuses comme le fait qu'elle est malade, qu'elle ne se sent pas bien ces derniers temps ; elle n'est pas dupe, elle comprend ce que je veux dire et pourquoi je la promène un peu. Elle me fait promettre de ne pas la laisser seule dans cette épreuve et de ne pas l'abandonner. On ressent l'inquiétude qui transpire de ces mots, je comprends mieux pourquoi est-ce qu'Aurore tient à elle, on dirait que la réciproque est vraie.

Je ne vais pas chercher les enfants — maman y a déjà été —, et me dirige tout droit chez elle. Je souris aimablement à sa mère et elle me laisse entrer pour, officiellement, transmettre quelques devoirs à sa fille. Cette excuse fait rage pour la semaine qui arrive, les dernières semaines, personne n'était au courant qu'elle ne venait pas en cours. Je toque légèrement à sa porte, aucune réponse. Elle doit somnoler. J'entre alors timidement, et dire qu'elle a l'air sereine là, loin de tout. Elle marmonne quelques mots : « T'aurais dû me laisser en finir. » Outch. Je ne sais pas si elle a conscience du fait que je suis à ses côtés ou non, mais ça fait mal de savoir que c'est profondément ancrée en elle, à tel point qu'elle le dit dans son sommeil. Le scénario se répète tous les jours jusqu'à ce qu'elle puisse être de retour parmi nous au lycée, enfin.

Dans la semaine, je me suis réveillé en sueur, le coeur battant la chamade comme il ne l'avait jamais fait, il avait eu peur, une peur viscérale. Dans mes rêves, elle sautait toujours du pont, les mains en croix tel un ange et rejoignait les eaux comme ils rejoignent le ciel. Et lors du plongeon, mon coeur se brisait à chaque fois en un nombre de morceaux exponentiel. Cette fois-ci se fut pire : ce n'était plus elle qui flanchait ; c'était Aurore. Et je pouvais rien y faire, je n'étais qu'un lointain spectateur de cette longue chute mortelle. J'espère que la réalité nous sera plus favorable.