9 : Bilan matériel d'une journée pourrie
La tasse de café encore chaude échappa des mains de Iolar, se brisant sur le sol de la cuisine en répandant une grande partie de son contenu sur son pantalon de pyjama. S'il avait espéré écouter discrètement la conversation qui avait lieu dans la pièce d'à côté en se tenant dans la porte de la cuisine, qu'il n'avait d'ailleurs pas même pris la peine de pousser pour faire mieux semblant d'avoir laissé ses deux invités à leurs occupations, la dernière réplique de Lancelot avait mis un terme rapide à son intention première. Lui valant au passage sa tasse préférée.
Il ne réagit même pas lorsque Lancelot le contourna pour regagner sa chaise, son regard restant perdu dans le vague. Ce n'est qu'après coup que la sensation de le savoir dans son dos lui parut étrangement désagréable. Étrangement, parce que plus désagréable encore que ce qu'il avait ressenti jusque là. Il fit brutalement volte-face, constatant simplement qu'il s'était juste rassit sans montrer aucune intention de prouver autrement que par de simples mots ce qu'il avait dit plus tôt. Le fracas d'un objet qui se brise au sol retentit depuis le salon, le faisant violemment sursauter, bientôt suivi par un second bruit similaire. Il se précipita en comprenant.
"Stop ! Casser la vaisselle ne changera rien !"
Il s'arrêta net dans son élan sans avoir pu atteindre le milieu du salon quand sa mère se tourna vers lui avec un regard d'enfant capricieuse furieuse de n'avoir pas eu ce qu'elle désirait. Ou simplement le regard d'une femme frustrée. Mais il ne tenait pas particulièrement à faire la différence entre les deux. Iolar hésita un très court instant entre les verres à whisky et les retombées éventuelles dues à la colère de sa mère. Il retourna à la cuisine.
L'envie d'un café le démangeait de plus en plus, n'ayant pu boire que deux petites gorgées du précédent. Il réalisa soudain que le bas de son pantalon était trempé. Et constata les dégâts dans la cuisine, tandis que le fracas d'un troisième verre retentissait dans le salon. Et l'ensemble l'emplit d'une telle lassitude que, sans plus se préoccuper de patauger dans du café ni des traces de chausson qu'il laissait derrière lui, il ressortit une autre tasse et s'en prépara un nouveau.
Il fut surpris de constater que le calme revint de lui-même avant que l'eau n'ait fini de chauffer. Il jeta un rapide coup d'œil à Lancelot, toujours assis sur sa chaise, et l'air encore plus malade que pendant le dîner. Dans ce bref coup d'œil, il distingua une ombre devant la porte de la cuisine. Maebh se dressait de toute sa hauteur, lançant à Lancelot l'air le plus empreint de mépris qu'elle était capable de se composer sans que celui-ci ne parut ne serait-ce que s'en rendre compte. Iolar poussa un soupir découragé, préférant largement se concentrer sur sa tasse. Le silence pesant qui s'abattait sur la cuisine ne le préoccupait même plus : il préférait de loin qu'aucun des deux ne s'intéresse à lui. Il s'installa tranquillement, les yeux rivés sur le mur face à lui pour n'avoir personne dans son champ de vision, quand un mouvement un peu rapide capta son attention malgré lui, lui faisant tourner la tête vers sa mère. Elle avait tendu un doigt accusateur vers Lancelot et prononça d'une voix où perçait une colère sourde et mal contenue.
"Personne... Personne ne m'a jamais manqué de respect à ce point ! Même pas un humain !"
Iolar redressa l'oreille malgré lui. Donc, sa mère aussi avait compris ce dont il n'arrivait pas à se faire une idée confuse. Elle se tourna vers lui, comme pour le prendre à témoin.
"Un incube ! Un incube qui me refuse ! Si ça, c'est pas du grand n'importe quoi !"
Iolar réfléchit à toute vitesse, essayant de se rappeler s'il avait ne serait-ce qu'une vague idée de ce qu'était un incube. Son air de "j'ai enfin mis le doigt sur quelque chose d'important" n'eut pour seul effet que d'attiser encore la colère de sa mère.
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Chassés-Croisés
ParanormalIolar est un voyageur onirique à la recherche de son âme-soeur et s'emparant de manière plus ou moins légale de tous les indices qui peuvent, de près ou de loin, le conduire à elle. Lors d'un cambriolage mouvementé, il tombe sur David, un mannequin...