Chapitre 15 - PdV de Iolar...

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...ou celui qui finit enfin par trouver des côtés positifs à la situation

15 - Comme quoi, les emmerdes ne viennent pas forcément d'où on pense

Un café ? Iolar eut toutes les peines du monde à ne pas se taper le front de la main. Il venait de se faire courser par un mec à moitié à poil à travers Paris, connu qui plus est, il se retrouvait sur le quai du métro en se demandant s'il avait bien fait de le suivre pour échapper à ses groupies... Et il lui offrait juste un café en compensation ? Il jeta un œil pour vérifier quand arriverait le prochain train : 4 minutes. Il haussa les épaules et fit signe que oui. Après tout, c'était déjà pas mal si Lancelot lui offrait un café. C'est quelque chose qui ressemblait vaguement à de la bonne volonté. Même si l'argent était celui du petit vieux à qui il avait fait peur.

Lancelot se contenta de s'écarter pour le laisser se servir, le regardant malgré tout de façon un peu trop insistante pour ne pas l'inquiéter, mais sans esquisser le moindre geste. Imprévisible. Une espèce de fée comme Brise, mais en taille humaine, et donc beaucoup moins discret. Et au caractère encore plus pourri.

Iolar se faufila contre le bord de la machine, savourant le bonheur d'un café chaud dans ses mains, et détaillant au passage la tenue de Lancelot. Lui demander s'il avait au moins une carte de crédit sur lui, au vu de l'état du pantalon, paraissait complètement inutile. A moins qu'il la cache entre... Iolar se sentit sourire malgré lui, secoua la tête pour ne pas aller jusqu'au bout de son idée et poursuivit sa réflexion. S'ils faisaient un changement aux Halles, ils pourraient faire un détour par une boutique de fringues. A ses frais, mais ça en valait le coup, finalement. Et puis, s'il manquait de fonds, il pourrait toujours demander à Brise plus tard.

Il était à peu près rassuré de son plan quand le train arriva à quai. Il attendit que tout le monde s'entasse dans le wagon avant de monter tranquillement avec son café. Pour une fois qu'il en avait un, avec une tasse qu'il aurait du mal à briser contre un mur, pas la peine de prendre de risque.

Il s'appuya contre la porte sans se préoccuper d'avantage des regards qui se posaient sur Lancelot que ce que son caractère détaché lui dictait. C'était un grand jeu, chez lui, de contempler les réactions des parisiens face à des situations inhabituelles. Et même s'il n'avait pas pu en profiter jusque là, se sentant lui-même légèrement trop sous le feu des projecteurs, à cet instant précis, avec un café dans les mains comme installé tranquillement devant une bonne vieille série télé, il retrouvait son recul et son regard critique. Et il regardait les gens outrés qui détournaient la tête comme s'ils estimaient que les jeunes n'avaient décidément plus de limites, les midinettes qui riaient avec des pointes hystériques et se cachaient comme si elles pensaient vraiment qu'on ne les entendaient pas, ceux qui s'en foutaient royalement et repartaient dans leur bouquin ou dans leur jeu sur leur portable. Et Lancelot qui décochait de grands sourires à chacun comme s'il était à une séance photo, en prenant des pauses qui devaient être partie intégrante de son comportement tellement elles faisaient naturelles.

Le petit numéro de music-hall dura trois stations. Iolar but sa tasse cul sec pour éviter de la renverser dans la cohue qui fait s'entrechoquer les voyageurs qui veulent sortir et ceux qui veulent monter comme de hautes vagues sur les récifs d'une falaise, et il se dirigea vers les halles sans rien dire, sachant de toutes façons que Lancelot lui collerait aux basques sans lui laisser la moindre chance de s'éclipser. Il fit juste une petite pause au kiosque pour acheter « le Parisien » sans trop s'attarder pour qu'on ne puisse pas faire le lien entre lui et le grand taré à moitié à poil qui s'approchait derrière. Puis il se dirigea directement vers la place Carrée, fit un signe de tête pour montrer à Lancelot les premières boutiques et déclara d'une voix qu'il voulait ferme et sans compromis.

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