Chapitre 18 - Point de vue de Lance

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18 : Mon alter ego, dans nos veines, le sang est le même, et sans dire un mot

Toutes nos pensées se rejoignent.

 Iolar avait fait demi-tour, rebroussant chemin pour m'indiquer le trajet menant jusqu'à John. Cela tenait-il au fait qu'il avait volé le carnet et que ce fait pesait sur sa conscience, ou bien qu'il appréhendait de se retrouver confronté aux trois gamins ? Car plus nous avancions, et plus ses pas gagnaient en lenteur, plus il jetait des regards nerveux à tout va. Si bien que quand j'en eus marre de le voir imiter les gastéropodes, je lui rentrai dedans.

- Houps, répliquai-je nonchalamment quand il fit un bond de trois mètres en arrière.

Le petit minet se retourna pour me fusiller du regard, s'assurant que nous étions seuls et que j'étais bien responsable de la petite farce. Je lui souris en retour. Sans se laisser décontenancer, il reprit sa marche stressée, puis bifurqua à la première ruelle venue. Sans mots dire, je le suivis, les mains dans les poches, sifflotant en admirant le paysage. Au moins, il marchait de façon plus normale.

Au bout de dix minutes, je commençais à me demander s'il ne me prenait pas pour un con. A chaque croisement que nous prenions, il empruntait un coup à droite, un coup à gauche. De ce fait, nous suivions bien le bon trajet, mais de manière sinueuse et la plus lente possible. J'attendis quelques minutes de plus afin de vérifier que non, ce n'était pas moi qui me trompais, puis le rattrapais par le col de son cuir pour l'empêcher de nous détourner une nouvelle fois de notre route.

Dans une moue où se partageaient stress et moquerie, Iolar tourna la tête pour m'adresser un sourire en coin. Ouais, il avait bien essayé de feinter. Sale gosse. J'éclatai de rire.

– Sais-tu que je commencerais presque à t'apprécier ? Tu es bien plus intéressant qu'il n'y paraît.

Vachement plus marrant quand on te pousse à bout.

Iolar cherchait à se dégager, alors je lâchait son vêtement en levant les mains dans un signe de reddition. Il reprit le chemin, cette fois sans esquisser de nouveaux détours. Mais à son aura brouillée et pleine de signaux contradictoires, je n'étais pas certain qu'il ne chercherait pas à me duper une nouvelle fois. De toutes façons, j'ignorais où résidait ce fameux John, et dépendais du bon vouloir de ce petit blondinet. Autant faire bonne figure. Juste le minimum syndical quoi.

Je me remis à siffloter gaiement, puis accentuai la note quand une femme replète aux formes généreuses croisait notre chemin. Qu'aurait dit David ? Ah oui.

Bonnet E = ébats vigoureux. Cet abruti fini classait les femmes par notes et catégories, décidant avec soin desquelles atterriraient dans son lit. Pas plus mal sachant qu'il tombait amoureux tous les quatre matins et se découvrait alors des impulsions romantiques qui détonaient furieusement avec ses penchants pervers. Parfois, la drogue et l'alcool altéraient quelque peu son jugement, et les mauvaises surprises au réveil s'étaient faites de plus en plus fréquentes. J’espérais vivement ne pas être influencé par sa mémoire cellulaire au point de moi aussi, me comporter comme un adolescent amouraché.

Ouvrant toujours la marche, Iolar multipliait les gestes nerveux. Claquant les ongles de ses doigts entre eux, passant machinalement la main sur la poche intérieure du cuir pour vérifier que le carnet était toujours en place.

– On dirait que tu te rends sur un champ de bataille. N'aies de craintes, je t'aiderai.

Blondinet fit volte face, plantant bien son regard dans le mien, l'air blasé, puis haussa les sourcils l'air de dire « tu te fous de ma gueule ? ». Il reprit une fois de plus son chemin.

Chassés-CroisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant