Chapitre 6 - PDV de Lancelot

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(Point de vue de Lancelot écrit par @SamAshling)

6 : Tu préfères faire ça dans la douche ou sur le lit ? C'est à toi de voir…

Je retournais le tiroir de fond en comble, me contrôlant pour éviter d'envoyer le contenu valdinguer à travers la pièce. Pas une once de lumière, pas même un fragment si petit soit-il.

Enfer et damnation ! Comment allais-je survivre dans cet enfer aseptisé ? A moins de boire directement à la source et de me taper Iolar, j'allais devoir trouver un substitut. Donc le carnet. Que ce dernier tenait contre lui comme si sa vie en dépendait.

Je jetais un coup de pied rageur dans les fringues au sol, et les tissus s'éparpillèrent dans la pièce.

– Y'a rien à bouffer dans ce merdier ! !

– A table.

Pleine de lassitude, la voix de Iolar retentit depuis l'autre bout du minuscule appartement.

A table ? A table… Etais-ce une invitation à la débauche ou simplement qu'il me sollicitait à ingurgiter une bonne vieille bouillie terrestre ? L'un dans l'autre, je n'avais pas bien le choix. Il fallait bien sustenter l'enveloppe charnelle avant qu'elle ne me fasse défaut.

Déjà, mes gestes se retrouvaient plus lents, et distinguer les auras et les âmes environnantes devenait plus difficile.

Piétinant le bordel qui recouvrait le linoléum en une couche si épaisse qu'il était difficile d'en déterminer la couleur exacte, je rejoignis la cuisine en essayant de me composer un masque facial des plus neutre. Inutile de faire fuir le diner. Ce n'aurai pas été poli.

Je m'affalais contre l'encadrement de la porte et détaillais le petit blondinet penché sur son assiette de faïence, s'appliquant à enfourner des bouchées d'une mixture aux couleurs rougeoyantes. Mon estomac gronda quand le corps reconnu l'odeur familière, mais je n'avais aucune idée quand à ce que mon hôte avalait. David se nourrissait essentiellement de salades et de viandes grillées. Et puisque j'avais sciemment choisit ce corps pour son physique avantageux – Et au plus près de mon apparence originelle – j'avais donc pris soin de conserver le même régime alimentaire. Du moins autant que possible.

Ce dernier me jeta un coup d'oeil en biais, puis reporta son attention sur son plat.

– C'est quoi « ça » ? Demandais-je de but-en-blanc.

– Ben… Des lasagnes.

Je haussais les épaules, comprenant qu'il ne m'en dirait pas plus, puis m'affalais sur la chaise devant laquelle attendais une assiette vide. Je repoussais la faïence d'une main, et attrapais le plat en carton de l'autre en y plantant ma fourchette.

N'étant pas en phase avec ce corps, que je mange un plat de gourmet ou de la merde en pot revenait au même. Je commençais par de petites bouchées, essayant de déterminer la saveur sensé se dégager de la composition, avant d'enfourner franchement de grosses parts à la limite de ce que ma bouche pouvait contenir. Si je devais ingurgiter ce truc sans goût, autant le faire le plus vite possible.

De simples regards furtifs, Iolar finit par me dévisager avec une franche incertitude.

– Quoi ?

– Euh rien, marmonna-t-il en continuant son repas.

– C'est ça. Pourquoi me fixes-tu de la sorte ?

Son nez retomba un peu plus bas vers l’assiette alors qu'il avalait une nouvelle part.

– T'avais l'air d'avoir faim.

Je jaugeais un instant son attitude trop prudente, trop concentrée, puis décidais que le taquiner un peu ne lui ferai pas de mal.

– Tu vas devoir revoir ta manière de fabuler. Ça laisse à désirer.

– Hein ?

– Pourquoi me dévisages-tu ainsi ?

Iolar se redressa pour mieux mouliner sa réponse. Puis déclara :

– Je n'imaginais pas un mannequin manger comme un morfale.

– Un quoi ?

– Manger aussi vite quoi.

– Je ne suis masochiste que quand cela a de l’intérêt.

Ce dernier haussa les épaules avec nonchalance et entreprit de finir son assiette.

Je repoussais l'emballage vite, et soupirais. Cette bouillie était loin d'être assez consistante ni assez nutritive pour assurer ma survie.

– La suite ?

Blondinet releva le nez, interloqué.

– Euh… Gâteaux, resto ?

– Gâteaux.

La scène qui s'ensuivit relevait d'un comique absurde. Sans jamais se départir de son précieux carnet, Iolar plongea dans son congélateur – si j'en jugeais aux vapeurs glaciales se dégageant de l'engin – pour en ressortir un nouvel aliment qu'il eu un mal fou à déballer d'une seule main, et encore plus à enfourner.

– Va falloir attendre vingts minutes.

Je pris une grande inspiration.

Vingts minutes ? Damnation !

Je me redressais sur le siège, et le monde tangua. Mon corps partit vers la droite, alors que je restais pourtant bien campé sur la chaise.

Putain de bordel de cul !

J'étais en train de perdre le contrôle. Ca puait. Me rattrapant in-extremis aux rebords de la table, je me stabilisais tant bien que de mal. Les assiettes vacillèrent, Iolar se précipita sur la sienne avant qu'elle ne valdingue, et l'un des verres se fracassa sur le carrelage.

La porcelaine dans les mains, mon hôte s'aperçu avoir laissé tomber son carnet. Il s'empressa de le ramasser avant de me demander :

– Ça va ?

– Ouais…

Pourtant, je ne parvenais pas à rétablir l'équilibre entre les deux. Mon corps tenta une échappée, mais les mains restèrent rivée au bois. Au moins quelque chose qui demeurait en phase avec ma volonté.

Chassés-CroisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant