Chapitre 5

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Lundi.

Le mot sonnait comme une grossièreté.

Je tirais la couverture, m'enveloppant d'avantage de ce doux cocon protecteur.

-On se réveille la marmotte. Tu vas rater ton bus si tu continues à paresser.

La lumière électrique s'enclencha m'arrachant un grognement.

L'agression matinale me donnait des envies de meurtre et de rébellion. Pulsion hypothétique que je ne mettais hélas jamais à exécution.
Bien trop habitué à être rouage du système. 

Manger. Boulot. Dodo. Tout le monde connaissait. Mais il se trouvait que j'avais une affinité toute particulière sur la dernière tâche à accomplir.

Je grimaçais en m'extirpant de la chaleur de mon lit.

Foutu Lundi.

Peu enclin à la parole en ce jour de souffrance je pris donc mes céréales en silence. Tandis que d'une autre main je cherchai sur la barre de recherche de mon téléphone « Marmotte », curieux des habitudes de ces petites bêtes qui avaient été ce matin reconnu par ma mère comme mes semblables psychiques.

D'après la sainte source de Wikipédia ce petit rongeur hibernait jusqu'à cinq mois et demi.

Je fronçais les sourcils cela me semblait peu et à la fois beaucoup.

Cinq mois c'était approximativement 20 Lundi raté. Aptitude à considérer avec soin.

Songeur je tapais ensuite :« Temps d'hibernation ours ».

La réponse me vint en jour : 213 jours d'hibernation en moyenne. Donc plus de la moitié d'une année. En sommes, il valait mieux être un ours qu'une marmotte.

-Qu'est ce que tu regarde de beau ? Demanda mon père.

-Je décide la plus optimisante des réincarnations.

Ma mère se pencha au dessus de mon épaule en quête de justification à l'entente de cette étrange recherche.

-Un ours ? Fit elle.

-Il faut admettre que ça lui va très bien. Renchérit mon père.

-J'aurai penché pour une alternative plus féline. Au vue de la relation des plus intime que tu entretient avec Sa Majesté.

A la notion de son prénom, le matou miaula comme pour répondre humblement présent.

Je me tournais vers celui ci. Ses nobles yeux de jade me fixèrent à son tours m'indiquant très clairement que la proposition de ma mère était de loin la plus préférable.

Ma réflexion s'interrompit lorsque mon regard croisa les aiguilles de notre horloge murale.

-Le bus arrive dans 10 minutes. Je vais y aller.

-Bonne journée à toi Winnie l'ourson.

Je leurs accordais le premier sourire de la journée avant de partir.

***

Je m'entassais à mon tour dans un amalgama d'être humain majoritairement adolescent.

Même si je n'avais pas de phobie particulière, ce genre de contacts forcés dès le matin m'étaient des plus répulsifs.

A mon grand soulagement j'apercu une place libre. Plus pour minimiser les contacts physiques que par véritable flemmardise, je pris place en un temps record.

Une fois plus « confortablement » installé, je laissai mon regard divaguer comme bon lui semblait sur le visage morne des passagers parfois endormi, parfois juste monotone.

Mes yeux s'arrêtèrent sur le garcon en face de moi.

Son uniforme semblable un mien, témoignant de l'appartenance de mon lycée.

Les traits fins, le regard calme, ses yeux aux iris d'un noir clairvoyant dérivaient d'une ligne à l'autre d'un ouvrage posé sur ses genoux croisée.

En l'observant ainsi, dans une plénitude presque religieuse, il me vint une révélation :

Les lecteurs étaient beaux.

Le lorgnement qui se perdait dans les écrans trop nombreux des téléphones avaient de l'assoupissement bovin.

Mais les prunelles qui suivaient une lecture renfermaient milles contradictions complémentaires :
Un stoïcisme saint mais empreint d'une délicate impatience. Captivé mais silencieux. Passionné mais calme.

Ce regard d'une attention sincère était ce qu'il y avait de plus beau.

De plus élégant.

Le sujet de mes pensés tourna une nouvelle page, un sourire quelques peu amusé répartie sur son visage.
L'ouvrage avait il quelques chose de drôle ?

Intrigué, je baissais le regard sur le titre de celui ci.

« Les Fleurs du Mal. »

Mes yeux s'écarquillèrent légèrement à la concomitance.

Curieux. Bien trop insolite pour que cela soit une coincidence.

De plus, les coincidences faisaient parties de ces légendes urbaines auquelles je me refusai de croire.

Il était alors certain que c'était le même livre que j'avais entre aperçut Vendredi.

Et dans ce cas, il était fort à penser que ce n'était donc pas notre première rencontre.

Peut être nous sommes nous croisé sans nous porter une quelconques attention ?

Étrange coordination.

Arrêt. Il semblait que le voyage avait été plus rapide qu'à l'ordinaire.

Je me levais mollement comme le reste de l'assemblé, rattrapé par mon quotidien monocorde, soucieux de m'évader de cette boite métallique où se dégageait les effluves de transpiration collectives.

J'emboitais donc le pas sur une masse tout aussi pressé que moi quand une main vint se placer sur mon épaule.

En me retournant j'aperçu le brun aux intrigantes préférences littéraires. Il me tendait l'ouvrage de Baudelaire tout en m'adressant un sourire entendu.

-J'ai cru comprendre que tu voulais le lire ?

Je pris bêtement le recueil de poème, soufflant une réponse interloqué ressemblant à :

« Mawr ? »

Il sourit d'avantage à l'entente de cette onomatopée avant de convenablement me dépasser pour très certainement sortir du bus. Comme j'aurais dû le faire. 

Désabusé, je continuais à contempler longuement le vide avant de reprendre pleinement mes réflexes cognitifs.

Le crissement des portières et le ronflement du moteur du bus me firent part qu'il était un peu tard pour cela.

J'observais alors comme dans un rêve éveillé, l'arrêt de bus et mon collège disparaître au loin. Pendant que le transport en commun dans lequel j'étais toujours piégé continuait lentement sa route.

Foutu Lundi.



Les Fleurs Du MalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant