Au petit matin, la logeuse de Théophile Dieudonné le découvrit, à son grand déplaisir, dans la salle à manger, une valise à côté de lui et quarante francs dans la main.
"Vous ne partez pas déjà!, se désola-t-elle.
-Je suis navré, mais voyez le bon côté des choses ; vous ne vous lèverez plus à l'aube et mon compagnon de chambrée pourra dormir tranquille.
-Dieu merci! s'exclama ce dernier. Il ne dort pas, ce saligaud. Il gigote dans tous les sens, quand il ne laisse pas la lampe de chevet allumée toute la nuit.
-Voilà. Aussi, je vous règle le reste du mois. Ce sera pour les inconvénients causés par mon départ soudain.
-Et où allez-vous, alors? Vous retournez à Paris?
-Du tout; je vais habiter chez Madame de Douarnez."
La vieille dame en lâcha les bols de surprise. Ceux-ci éclatèrent contre le sol, s'éparpillant en mille morceaux sur leurs pieds. Théophile entreprit de les ramasser.
"J'étais déjà étonnée que vous soyez accepté à l'intérieur du manoir... Mais de là à y vivre à plein temps! Comment...
-Je travaille pour Madame de Douarnez à plein temps, à présent , justement. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois m'installer là-bas avant midi."
Mais il s'arrêta soudain dans son élan, et sortit dix autres francs, qu'il fourra dans la main de la tenancière.
'C'est pour les bols', déclara-t-il avant de partir, essuyant plusieurs regards perdus.
À onze heures, Théophile était très bien installé, et rejoignit Iris dans la salle à manger.
"Votre chambre vous plaît-elle? lui demanda cette dernière sans détourner les yeux du livre qu'elle avait commencé.
-Elle est parfaite.
-Tant mieux. C'était une chambre d'amis, puis elle a accueilli les petits enfants de Maël, et maintenant elle demeure vide. J'espère que le matelas ne sera pas trop vieux.
-Ne vous en faites pas, je n'ai pas un sommeil difficile. Je peux m'endormir n'importe où, si je le veux.
-Magnifique. Venez vous asseoir ; Marthe nous a fait quelque chose de bon, comme toujours."
Après un déjeuner copieux, ils s'installèrent dans le jardin d'hiver. Iris poursuivit son histoire:
"Je ne dormis que peu, cette nuit-là. Et quand je descendis prendre une collation, au matin, seuls mes parents étaient attablés.
'Bonjour, Iris, commença ma mère. As-tu bien dormi?
-Bonjour Maman, bonjour Papa. J'ai très bien dormi, et vous-mêmes?'
Mon père sourit discrètement, amusé, tandis que ma mère soupirait de lassitude. Je m'installai; Agathe me servit ma tasse de thé.
'Avez-vous vu ma sœur?
-Pas encore, me dit mon père. Mais nous n'allons pas tarder. Notre... gendre et sa sœur nous ont quittés il y a quelques minutes pour une promenade matinale.'
Il retenait son déplaisir, c'était évident. Mais il aimait trop sa fille pour l'exprimer. Et d'ailleurs, je ne sais même pas s'il arriverait à la regarder dans les yeux après l'événement majeur qui s'était passé le soir précédent."
"Contrairement à ce qu'il avait prédit, ce fut Amal, puis Maël, qui descendirent en premier nous rejoindre. Amal s'installa à côté de moi et articula un timide:
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Mémoires du Siècle Dernier, tome 3: Les témoins
Historical FictionSeptembre 1834, Pays de Retz, Loire Inférieure: Après de nombreux détours et déceptions, tout semble se passer en accord avec la famille de Douarnez: Lorelei, l'aînée, va devenir Madame d'Arcourt. Iris, la cadette, accepte enfin le destin de femme q...