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Tout est réglé: mon appartement, mon billet d'avion, mes bagages. Je n'ai plus qu'à aller voir mes parents et prononcer les mots qui leurs faisaient tellement peur depuis maintenant six mois: "au revoir". 

Mais voilà, il y a ce que l'on veut faire du plus profond de notre coeur et ce qu'il serait préférable de faire en prenant en compte les conséquences et en envisageant toutes les possibilités. Comment pouvais-je être sûre que le choix que je fais est le bon? Je pars quand même loin de tout ce que je connais. 

Je pousse un profond soupir face au miroir de ma chambre et replace une mèche vagabonde derrière mon oreille. Il faut que je le fasse. Avoir mon indépendance. Voler de mes propres ailes, comme dit Tante Marianne. 

Je prends mon bagage cabine dont je tire la poignée et ferme la porte de ma chambre, puis dévale les escaliers histoire de faire le plus de bruit possible pour qu'ils se préparent mentalement. Une fois arrivée en bas, je vois mon père accoudé au meuble de l'entrée, les traits tendus et les bras croisés sur son ventre tandis qu'il me lance un regard meurtrier. 

- Es-tu sûre de toi? lâche t-il enfin. 

- Oui, je réponds maladroitement, ce qui a le don d'encore plus l'inquiéter. 

- Pourquoi partir? Et puis pourquoi aussi loin, surtout! Il décroise ses bras brutalement et les ramène sur ses hanches, peut-être pour paraître plus menaçant. 

- Papa, c'est simplement la Corée du Sud, ce n'est pas une île isolée remplie d'indigènes... je fais en levant les yeux au plafond. 

- Tu pourrais commencer par un pays, ou même une ville... ou encore une rue plus proche, non? 

- Oui, t'as raison, j'aurai dû acheter l'un des appartements à vendre dans le voisinage. Je traverse la rue et j'y suis! je rigole.

- Pourquoi pas? Je...

- Laisse-la, Benoît, le coupe ma mère. Tu vas nous manquer, ma chérie, dit-elle d'une voix douce. 

Je m'approche d'elle pour l'étreindre de mes petits bras, puis je sens bientôt ceux de mon père m'entourer malgré son mécontentement. 

- Espèce d'inconsciente... marmonne mon père dans sa barbe de trois jours. Je ne fais rien et me contente de rester dans leur bras, humant leurs parfums réconfortants.

                                                                            ***

Mes dernières années sont passées extrêmement rapidement. Une sorte de film pour les quelques personnes qui m'envient. 

Il m'arrive de me demander si je vis aussi bien que je le prétends. J'ai l'impression d'avoir grandi plus vite que quiconque. Mon père voulait toujours la perfection -et la veut toujours- alors que ma mère m'a éduqué de manière à ce que je devienne mature le plus vite possible en peu de temps. 

Mais était-ce trop rapide? 

"Je ne sais pas quoi faire, est-ce que je vis bien?", c'est la même question tous les matins. J'ai l'impression de ne pas avoir vécu au sens propre du terme. L'impression d'être un simple robot qui suit les ordres et rien d'autre. "Ne pleure pas", "Crois-tu que le monde n'est dur qu'avec toi? C'est dur pour tout le monde, tout ce que tu as à faire, c'est t'habituer", "Pourquoi as-tu dix-neuf sur vingt? Où est le vingt?", ces mots ne sont pas une consolation. Ce n'est pas ce que j'ai envie d'entendre lorsque j'échoue. Je veux qu'on me dise que je ferai mieux la prochaine fois, qu'on  est fier de moi, que je fais du bon boulot. 

This Is Not A Disney -J.JK.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant