Partie 16

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- Tu aurais voulu que je fasse quoi ? Que je t'embrasse peut-être ? Tu étais une gamine Violette, et tu le seras toujours pour moi.

Nous nous tenions l'un en face de l'autre au milieu du salon, plongé dans une tension que mes amis ne comprenaient toujours pas. 

- Arrête d'être aussi prétentieux, tu veux ! Tout le monde ne se morfond pas à la seconde où tu ne leur donne plus d'attention ! Je ne m'attendais pas à ce que tu m'embrasses, ce jour là, mais à ce que l'on règle mon problème calmement.

- Que je sache, je n'ai fais aucun bruit. Et comme tu le dis, c'était TON problème. Estime-toi heureuse que je ne t'ai pas crié dessus alors que j'aurais pu faire bien pire.

- Ah oui ? Et pourquoi tu ne l'as pas fais ?

Tu me tournais le dos, et tirais désespérément la peau de tes joues, jusqu'à ce que la fin de tes orbites soit visible. On aurait rien pu faire, ça devait foirer à un moment. Peut-être que j'avais naïvement espéré que tu oublies ce que j'avais fais.

D'un seul coup, tu t'approchas de moi, et planta tes mains sur tes hanches.

- Car j'avais peur Violette ! J'avais peur de toi. 

Ton visage arborait une expression toute nouvelle. Tu n'était plus énervé, mais désolé.

- Peur ? 

- Oui, peur. Nos parents se connaissaient si bien, j'allais passer encore beaucoup de temps avec toi, et cette idée me terrifiait ! Je suis aller jusqu'à chercher des castings le plus loin possible pour ne plus te croiser.

- Tout ça pour deux trois dessins ? Tu es fou.

Louis s'interposa entre nous et me fit signe qu'il allait raccompagner Énora chez elle. En soi, s'ils ne m'avaient pas prévenu, je n'aurais même pas remarqué leur départ.

- Deux ou trois dessins ? Et c'est moi qui suis fou ? 

Tu brandissais soudainement tes bras en l'air et ta colère revint.

- C'était des pages entières Violette ! Des PAGES, de mon visage retracé au crayon. Et toi tu me répétais : "ce n'est rien Timothée, je te jure que ce n'est pas comme tu le penses". Tu voulais que j'en pense quoi, de ça. Que je me dise que c'était juste un projet pour le collège ? Tu voulais que j'admette que ton obsession était tout à fait normal ?

Non. Je voulais juste que l'on en parle sereinement. Mais je ne pouvais plus rien y faire, tu avais raison. J'étais folle. 

Tu t'arrêtais de crier pour reprendre ton souffle, et t'approchais de la table basse sur laquelle était posée mon livre.

- Je l'ai lu ton bouquin, pas comme les grelluches que je t'ai gentiment ramené. Il est beau, j'avais envie de te le dire, c'est vraiment bien écrit. Mais chaque fois que le personnage principal, celui qui est obsédé par la blonde, décrit celle qu'il aime, je ne pouvais pas m'empêcher de penser une chose. T'étais tu inspiré de moi ? Du malin plaisir que tu prenais à m'étudier en disséquant chaque parcelle de ma personne ? Peut-être bien, ou peut-être avais tu trouvé un autre garçon que tu avais pu accaparer, pour compléter ton petit zoo. 

Tu fis une pause dans ton monologue et attendis une éventuelle réponse de ta part. J'ouvrais la bouche mais rien n'en sortit. Je n'avais plus d'autre choix que de t'écouter me démolir, mot par mot.

- Et puis j'ai eu une petite conversation avec tes amis. Des gens très gentils soit disant passant. On aurait pu lire à travers leurs yeux qu'ils tenaient à toi. Énora m'a demandé si je prévoyais de te draguer, ajoutant que cela ne te ferait pas de mal. J'ai donc demandé pourquoi, et elle m'a apprit que cela faisait depuis le collège que tu n'étais sortis avec personne. Incroyable non ? Car dans mes souvenirs, tu étais en troisième lorsque j'ai fais ta connaissance.

- Mon livre est une fiction, j'ai tout inven...

- Mais bien sûr. Et la planque secrète aussi j'imagine que tu l'as inventé. "Une petite maison délabrée au bois noir et au lierre fané". Ça me rappelle vaguement quelque chose mais je dois me tromper, puisque tout ça n'est qu'une fiction.

Je me tenais devant toi comme une statue de pierre, m'efforçant à ne lâcher aucune larme. Tout ce que tu disais était vrai. Oui, le jour où tu m'avais trouvé, pleurant au fond de mon grenier, j'étais entrain de te dessiner. Et oui, je m'étais inspirée de toi pour mon roman.

Durant six ans d'acharnement personnel, il ne s'était pas écoulé une journée où je ne pensais pas à toi. Tes mots me hantaient, tout comme cette folie dont Andre t'avait fait part, le jour où tu as découvert mes manies.

J'avais cru que cela me passerait. L'héroïne d'un film t'aurait oublié et se serait montrée distante, avant de finir sa vie dans tes bras. Mais rien n'était parti, et ton visage m'était encore plus familier maintenant que je le voyais s'exprimer ainsi.

- Je m'excuse Timothée. Et avant que tu recommences à m'en vouloir, laisse-moi partir. Je te promet que nous ne nous croiserons plus jamais, si c'est ce que tu souhaites, mais je ne peux rien changer à ma manière de penser, que ce soit maintenant ou il y a six ans. Alors bonne nuit. Encore désolé.

Je ne pouvais rien faire de plus que d'aller m'enfermer dans ma chambre et de m'y écrouler. Je ne voulais même pas voir quelle tête tu faisais après ma réflexion. Tout allait vite ce soir là, trop vite.

Grandir n'avait pas été pour moi. J'étais bien mieux du haut de mes quatorze ans, lorsque je ne savais pas ce que c'était d'aimer avant que tu n'arrives et détruises ma manière de penser.

 Alors oui, j'étais folle. Je ne pouvais m'empêcher de décortiquer chacune de mes confrontations avec un être humain. Et c'était de ta faute, tu avais crée ce monstre qui t'avais effrayé. Tu m'avais construis,  puis démoli, pièce par pièce, en commençant par mon coeur.

À nos pensées antérieuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant