Partie 29

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Et voilà Timothée. La suite, tu l'as connais bien sur, puisque c'est toi qui en as été l'auteur. Tu es parti, sans un mot, sans adieu. Laissant pour seules traces de toi une note  dans la cuisine à l'attention de mon père, et une chemise sale dans la machine à laver.

Tu avais plié bagage après m'avoir insinué ton départ, sachant pertinemment que je n'y croyais pas. Et tu m'avais laissé là, dans ce petit appartement plein de souvenir, perdue entre le balcon et mon lit.

J'ai continué à te chercher malgré tout. J'ai même appelé ta manager, mais aucune nouvelle de toi.

Un mois est passé, puis deux, puis trois.

Je ne me suis pas réconciliée avec mes amis, au contraire j'ai tout fais pour les éviter. J'ai séché chacun de mes cours et me suis montrée irrespectueuse envers tout acte de gentille de la part de ma famille. Ma chambre était devenue ma seule maison, et je griffonnais des pages entières à ton effigie.

Je venais de faire un pas en arrière, vers il y a six ans. Je devenais plus folle de jours en jours et je refusais de voir n'importe quel thérapie. Cela m'était égal de souffrir ou de me soigner. Tu étais partis, c'était tout ce qui m'importait.

Mon père avait appelé mon frère en renfort, mais nul n'avait réussi à me convaincre d'avancer. Ils abandonnèrent au bout d'un mois, je ne pouvais que m'en réjouir.

Au fil des jours, mes larmes arrêtèrent de couler, et je trouvais mon seul réconfort dans l'écriture. Je rédigeais durant des nuit entières, retraçant de A à Z notre scénario comme je l'avais connu. Une fois, j'avais même essayé d'écrire nos aventures de ton point de vue, mais étonnement je n'en étais jamais satisfaite. 

Par quoi devais je commencer ? Quel temps fallait-il que j'emploie ?

Mes écrits me soulageaient d'un poids lors de leur rédaction mais m'en assommait d'un autre lorsque je les abandonnais. Je voulais me sentir proche de toi à nouveau. Mais tu étais parti. Et pour un bon bout de temps comme tu le sais.


...


- Violette sors de ta chambre.

Je grommelais tandis que mon père frappait ma porte de plus belle. 

- Si tu sors pas je l'enfonce. 

Rampant jusqu'à l'extrémité de mon lit, j'attrapais la poignée du bout des doigts et le lassais entrer. 

Pour la première fois depuis une semaine, je revoyais la lumière du jour. Cela faisait maintenant trois mois que tu étais parti.

- Enfile ça, m'ordonna mon père en balançant des habits propres sur moi. Quand tu seras propre, rejoins moi dans l'entrée. 

Exténuée, je me dirigeais vers la salle de bain dans une lenteur catastrophique, et faisais couler l'eau de la douche pour faire croire à mon père que je me lavais. En réalité, j'aurais aimé vraiment pouvoir enlever toutes les saletés qui trainaient sur mon corps, mais cela m'aurait demandé trop d'efforts.

- On va où ?

On descendit les escaliers et mon père ouvrit le garage. Je n'étais même pas au courant qu'il s'était acheté une voiture récemment.

Le trajet se déroula tranquillement sans qu'aucun de nous ne prenne la parole. Seul le bruit de la radio résonnait dans les enceintes du véhicule.

 Les présentateurs qui s'occupaient de meubler des transitions entre les musiques parlaient de chansons à la mode dont je n'avais même pas la connaissance. J'étais resté enfermée bien trop longtemps.

- Ça t'embête si je met RFM Jazz ? me demanda mon père après une heure de route.

- Non.

La chaîne changea et un grésillement retentit avant que la voix d'un homme en prenne la place.

"Vous êtes bien en direct de Rfm Jazz, il est quatorze heure et quart. Tout de suite, un morceau réclamé par un bon nombre d'entre vous s'apprête à être diffusé. N'est-ce pas Anne ?  

 - En effet, et il s'agit là d'une interprétation de Keith Jarret, accompagné de Gary Peacock dans une reprise de So tender de..."

Je pressais calmement le bouton off et collais mon visage contre la vitre. Trop tôt. C'était trop tôt pour entendre l'hymne de nos chamailleries.

Le paysage défilait comme une peinture qui déborde. Tout allait trop vite, et je ne tarda pas à m'assoupir tandis que mon père rallumait la radio.

À nos pensées antérieuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant