Partie 32

1K 68 3
                                    

- T'as jamais pensé à aménager cette véranda ?

Tu parcourais le plafond en verre des yeux et me tournais vers moi. J'avais du mal à te comprendre en temps normal alors là, je touchais le fond.

- Non.

- Menteuse, je vois encore des guirlandes.

Tu tiras une bûche vers toi et t'installas à mes côtés. 

Tes yeux ne me quittaient pas. Je m'attendais à ce que tu t'expliques, mais rien.

- Pourquoi t'es parti ?

- Je sais pas. J'avais besoin de bouger.

Mon dos se raidit et je sortais de cette cage.

- Va te faire. 

Je n'en pouvais plus de courir après toi, de te suivre lorsque bon te semblait. J'étais à une période de ma vie où j'avais le droit de m'amuser. Et pas de te rattraper constamment. 

- Attend !

On aurait dit un mauvais Bollywood à l'eau de rose, mais je m'en contre-fichais.

Je rejoignais d'un pas décidé la grande route de béton devançant la maison, et accentuais ma marche, afin que tu lâches prise.

- Putain mais Violette, je veux juste parler. 

Je ne cillais pas, m'éloignant progressivement de toi. Je ne voulais pas que tu partes, mais te parler était trop dur puisque je ne savais que dire.

- C'est pour que ça marche entre nous que ton père m'a rappelé, non ?

Je m'arrêtais brutalement, et mon talon crissa sur le béton armé. Je ne pouvais pas y croire.

- Excuse moi ? m'exclamais-je en me tournant vers toi

- Pourquoi je serais là sinon ? Pour te courir après ?

Tu t'approchais de moi, et brandis ta main dans les airs. Pendant un fragment de seconde, je cru que tu allais me porter un coup, mais ton bras vint s'appuyer sur mon épaule à mon plus grand soulagement.

- Je.. je sais pas comment te le dire Violette. Mais je comprend plus rien.

Je me dégageais et baissais les yeux. Je n'aimais pas quand tu étais vulnérable, ni lorsque tu mentais, alors cette situation me rendait plus que confuse. J'avais envie de te cracher dessus, te te laisser apercevoir ne serait-ce qu'une once du mépris que je ressentais à ton égard.

- Pourquoi tu m'as embrassé ce soir là Timothée. Pourquoi tu m'as laissé croire.

Par réflexe, nous marchions désormais côte à côte le long du trottoir, et derrière nous, la maison s'effaçait. 

- Ça pue comme situation. On dirait un mauvais film.

Tu lisais dans mes esprits. Si j'avais été à ta place j'aurais fait la même remarque, même si elle était des plus déplacée.

Au bout d'un temps, tu soupirais et penchais ta tête en arrière.

- Je sais pas. Je pense que j'ai été emporté dans le moment. Ça a toujours été bizarre entre nous, t'es la mieux placée pour le savoir. 

Mes cheveux balayaient ma figure, le paysage sembla s'arrêter de bouger, ma main devenait moite, et je gardais le silence, figée.

- Si tu ne comptes pas l'ouvrir, c'est pas grave, continuais-tu, Ça me permettra de tout te dire sans que tu ne m'interrompes. Quand on était petit, je pensais pas avoir à penser à toi. Je veux dire... Tu avais 14 ans. J'en avais 18. Et je te prenais pour une folle. 

Tu couvris ton cou de ta main.

- Un jour où, par miracle, je l'avais appelé, ma mère m'a parlé de ton livre. J'ai lu les critiques qu'elle m'envoya le soir même, et décidais de l'acheter. J'aurais aimé l'avoir dans mes mains, mais le lire sur ma veilleuse était plus pratique. Je te le dis car je sais que t'aimes pas les gens qui lisent sur des écrans, désolé. Enfin bref.

On arrivait bientôt dans la rue du vieux Hachard, et le ciel se couvrit. 

- Je l'ai lu au moins cinq fois ton bouquin. Juste pour ne manquer aucun détail qui aurait pu m'aider à me faire comprendre ton ressentit lorsque nous étions adolescents. Je sais, ça parrait con, mais j'aimais bien quand on passait du temps ensemble. Les gens de mon milieu parlaient de choses bien trop sérieuse, tandis que toi, tu partageais la même passion que moi, les livres. Enfin, toi tu les écrivais, et moi je les lisais, mais ça revient au même. 

- Pourquoi tu me racontes ça. C'est encore une excuse pour mieux me laisser après ?

- Humm non, ce serait malpoli vis à vis de tes parents, et puis, ce n'est pas vraiment ce que j'avais en tête. Le problème Violette, c'est que tu as toujours été là. Peu importe où j'allais, peu importe avec quel membre de ma famille je parlais. 

- Tu vas me faire croire que tu as arrêté de leur parler en partie à cause de moi ?

- Non aucun rapport. Je les évitais car je faisais ma crise d'adolescent un peu trop tard. J'ai essayé de te dessiner moi aussi, mais c'était pas aussi reussi. J'ai épié ton profil Instagram, mais tu ne postais jamais rien. Tu étais trop différente des gens que je côtoyais lors des tournages, tu ne me facilitais pas la tâche. Alors je suis venu te voir à Paris, en profitant pour planifier une visite chez ma mère.  

On arrivait sur le pont qui donnait vue sur le chemin de fer.

- Désolé Violette. Je suis parti car ma soeur m'a appelé. 

- Ta soeur ?

- Oui, et elle m'a parlé encore une fois de notre "relation", et c'est à ce moment là que j'ai pété un câble. Je commençais moi même à croire à cette histoire. Et c'était pire d'avoir pris mon pied avec toi la veille.

- Putain mais je te comprend toujours pas. Tu comptes me faire gober ça ?

- Crois le ou non, mais je crois que l'idée d'être avec toi, ne serait-ce que pour de faux, m'a plu, ne serait-ce que pour une soirée. Je préfère pas te mentir, quitte à ce que tu me prennes pour un salaud.

- T'es vraiment un enculé.

 L'air gelait mes tempes et je commençais  trembler. Il fallait que je rentre, mais tu n'aurais jamais finis cette conversation sans arracher une victoire pour ta conscience. 

Tu t'approchais de moi et me tandis la main.

- Trêve ? Tu sais très bien que ça ne sert à rien de s'expliquer. Ce sera toujours compliqué entre nous.

- Tu sais que si on règle pas ça maintenant, on risque de se taper dessus éternellement. 

- Tant que je ne me barre pas à nouveau ça me va.

À nos pensées antérieuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant