Chapitre 12

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Cela faisait plusieurs dizaines de minutes que je fixais ce carton. J'étais assise sur une vieille chaise de plage dans le garage. Quand j'étais enfin rentrée, j'avais déposé mes affaires dans sa chambre et avais foncé dans la salle de bain. Je m'étais lavé au gant puis avais enfilé mon pyjama, constitué d'une chemise long bleu et d'un pantalon noir. Après avoir mis mon sweat noir large, je m'étais rendu dans la pièce.

C'était mon rituel, tous les 23 du mois, depuis six mois, j'allais dans le garage et essayais de trouver le courage d'ouvrir une des boîtes. Mon père trouvait toujours une excuse pour ne pas être avec moi, ce qui me permettait de faire ce dont j'avais envie.

J'allais alors dans le garage, m'installais sur une chaise et regardais pendant un long moment la pile de carton. Puis, impuissante, je partais et revenais un mois après. C'était ma manière de passer le temps et de ne pas oublier qu'elle avait été là. Mes souvenirs d'elle n'étaient pas partis avec le transfert de ses affaires, mais j'avais besoin de sentir que sa présence dans la maison n'avait pas disparu, qu'elle était toujours là, enfermée entre les outils de bricolage et les toiles d'araignées.

Je contemplais les cartons en me remémorant toutes les affaires de ma mère qui étaient entreposées à l'intérieur. Des scènes revenaient pendant que je faisais le recensement. Je pleurais puis je partais avant d'avoir pu ouvrir un carton. Souvent, c'était l'alarme de mon téléphone qui me faisait sortir de mes pensées. Mon père ne devait pas savoir que j'étais là, il le prendrait très mal.

Je reproduisais ce rituel aujourd'hui encore, la boîte de macarons dans les mains. Je les piochais au hasard sans détourner les yeux. Je grimaçai lorsque je prenais un des macarons d'Anna bien qu'ils ne soient pas dégoûtants. Comme s'il s'agissait de "Jelly Belly", j'appréhendais quel goût j'allais avoir : framboise, mûre, vanille, chocolat ou ceux de mon amie.

Soudain, je posai les pâtisseries par terre, me levai et me dirigeai vers un des cartons. J'attrapai celui en haut de la pile et le déposai devant moi. Je pris la paire de ciseaux que j'amenai à chaque fois et le plantai dedans faisant une grande entaille. Mes mains tremblaient et mes gestes étaient brusques, comme si j'avais peur de perdre la soudaine pulsion.

Je restais un moment, accroupie sur le sol pour reprendre mon souffle et mon courage. Puis, délicatement, je caressai le dos du carton et j'écartai les deux bouts. Je découvris qu'il contenait des vêtements. Après une seconde d'hésitation, je saisis un t-shirt à fleurs, le dépliai pour mieux le contempler et le portai doucement à mon nez. Son odeur avait totalement disparu.

Je sentis des larmes dévaler mes joues tandis que j'enfonçais davantage mon visage dans le tissu cherchant à sentir une once de son parfum. Je posai ma tête dans le carton, fermai les yeux et m'endormis.

Le bruit insupportable de la sonnette me réveilla instantanément. Je me redressai lentement et m'étirai. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était et de la personne qui venait me voir. Je me levai et attrapai mon téléphone. Voyant 19:26 sur l'écran d'accueil, je soufflai en me disant que ça ne pouvait pas être mon père.

Je replaçai le carton, sans prendre la peine de le refermer, car mon père ne venait pas dans cette pièce. Je sortis et fermai la porte avant de me rappeler pourquoi je m'étais réveillée. Je marchai rapidement vers la porte d'entrée et l'ouvris.

- Ah ! Salut Estelle ! Je croyais que je ne viendrais pas m'ouvrir, j'allais partir ! dit Lucas en se retournant.

- Salut Lucas, qu'est-ce que tu fais là ?

- Est-ce que ça va ? On a pas eu le temps de parler aujourd'hui..

- On se parle jamais d'habitude.

- Oui, je sais. Je venais prendre de tes nouvelles. Tu as besoin de compagnie ?

- Ça va, j'allais me coucher là..

- À cette heure-ci ? T'as mangé au moins ?

- Quelques macarons..

- Tu veux pas que je reste un peu ? Tu es vraiment fatiguée ?

- Pas vraiment, j'ai tapé ma meilleure sieste dans le garage..

- Dans le garage ? Depuis quand tu vas dans le garage ? Je croyais que t'y mettais jamais les pieds parce que les araignées te font super peur..

- Depuis que mon père a balancé les affaires de ma mère dedans..

- Ah, je comprends mieux..

Il y eut un moment de silence, je pris le temps de le détailler. Il portait un pull beige avec un jean bleu. Son sac à dos pendait sur son épaule droite. Je me rappelai alors que j'étais en pyjama et qu'il fallait mettre fin à cette discussion assez rapidement.

- Tu venais pour quoi du coup ? demandai-je.

- J'ai essayé de t'en parler toute la journée, mais tu étais souvent occupée.. Tu te souviens du travail de maths en binôme à rendre pour demain ?

- Oh mon dieu ! J'avais complètement zappé !

- C'est pas grave, je voulais juste te dire que je vais le faire ce soir et que je te l'enverrai si tu veux le relire ou le recopier. Comme j'ai plus ton numéro-

- Attends ! C'est hors de question que tu le fasses seul. Y'a tes affaires de maths dans ton sac ?

- Oui, je comptais te montrer le dm..

- Parfait, entre on va le faire ensemble. J'ai rien d'autre à faire de toute façon.

- T'es sûre ? Je comprendrais parfaitement que tu ne te sentes pas de travailler..

- Oui, oui. Autant que mon temps libre serve à quelque chose. Par contre, j'ai un peu décroché sur les maths. Si tu veux bien, il faudra que tu me rappelles les bases.

- Avec plaisir. Je me présente, Professeur Duchemin, pour vous servir.

- Eh bien, c'est une joie de vous rencontrer Mr Duchemin. Entrez, je vous pris.




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Douche Froide [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant