Chapitre 5

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- Oh, enfin ! s'écria Anna en arrivant devant la pile de plateaux-repas.

Elle saisit un des plateaux, y posa un verre et des couverts avant de s'avancer vers le service repas. Je fis de même et la rejoignis. Trente minutes, c'était le temps moyen qu'il fallait pour arriver dans la cantine un lundi lorsqu'on avait quatre minutes de retard. Nos jambes en souffraient plus que ce que le CPE voulait l'admettre. Ce dernier refusait catégoriquement d'améliorer le service de restauration et d'agrandir la cantine.

D'ailleurs, la salle aurait vraiment besoin de rénovation. Tous les murs étaient blancs, le sol de la même couleur, mais d'une nuance plus tirée vers le gris qui montre l'ancienneté du carrelage. Des tables en bois pour quatre ou huit personnes étaient alignées entre elles pour former des grandes rangées. Les chaises du self étaient les seules qui n'étaient pas abîmées, trouées ou poncées, contrairement à celle des salles des cours qui étaient la cause de destructions de nombreux collants.

- « La cantine, le rendez-vous des dévorants, le lieu de guerre au sein même d'un lieu d'éducation et de paix. Quand midi sonne, une file d'affamés serpente devant le portique pour accéder à la nourriture de la mère nourricière. C'est là que les forces seront réparées, c'est là que l'énergie sera redonnée, que les estomacs seront apaisés. »

- Tu recommences avec ton poème ? demandai-je à Anna.

- Oui, à partir d'aujourd'hui, à fois que je mangerai ici, je le réciterai.

- Super.. soufflai-je faussement enthousiaste.

Nous arrivâmes devant les entrées qui contenaient plus de sauce que de légumes et les desserts dont seule la corbeille de fruits était un minimum sain. Anna se servit des tomates et posa une deuxième assiette sur mon plateau. Je m'emparai d'un yaourt et d'une mousse au chocolat tandis qu'elle posait une pomme à côté de la mousse au chocolat qu'elle avait prise à ma demande.

Lorsqu'on atteignit enfin la partie où ils servaient le repas, il nous fallut encore attendre, car la cuisinière devait réalimenter le présentoir où les aliments étaient gardés au chaud. Aujourd'hui, comme la plupart des lundis, nous avions au menu de la purée avec du rôti, et comme d'habitude, la cantinière nous servit l'assiette entière de purée avec un maigre bout de viande.

Elle nous donnait toujours trop d'une chose ou clairement pas assez et évidemment, c'était le meilleur qu'elle servait en petite quantité. Si on avait l'horreur d'en demander un peu plus, chose que le CPE nous encourageait à faire après avoir reçu de multiples plaintes concernant ces rations trop petites, nous récoltions un regard noir, des remarques et une portion supplémentaire minime.

Autant dire, que ça ne valait pas du tout le coup !

Nous récupérâmes donc nos assiettes très chargées et nous dirigeâmes vers les tables. Forcément, aucune place pour deux personnes n'étaient libre. Nous dûmes de nouveau attendre, debout avec les plateaux dans les mains. Quand les places se libéraient, elles étaient presque immédiatement prises. On se croirait dans le parking d'un centre commercial pendant les soldes !

- Ah celles-là, elles sont pour nous ! cria Anna en jetant presque son plateau sur la table en question.

Le duo de garçons qui comptaient s'y asseoir, repartirent bredouille. Je me laissais tomber sur la chaise, mes jambes ne supportaient plus mon poids, mes bras celui du repas et mon ventre criait famine, sensation que je n'avais pas souvent.

Anna avait déjà fini la première assiette de tomates et attrapa la mienne. Elle retira comme d'habitude la sauce et engloutit ce qui restait dans l'assiette, sûrement un quart d'une tomate pas assez mûre car elle grimaça.

- 6 euros 40 pour ça ? râla-t-elle.

- Soit contente, on a le droit à un dessert plus un laitage ou un fruit, c'était pas le cas de la cantine de notre collège.

- Tu parles de la cantine la plus radine de France ? Celle qui nous donnait la moitié d'une saucisse, trois cuillères à café de pâtes et un fruit pourri ?

- Exactement !

- Alors oui, je suis contente. Mais compares ça avec MacDo !

- Ne nous lançons pas dans ce genre de comparaison, on pourrait bien finir en dépression en rêvant d'un menu maxi Big Mac pour moins cher que ça !

- Ça y est.. Tu m'as déjà perdue..

Je pouffai puis relançai la discussion :

- Tu devais pas me dire quelque chose de super important par rapport à Hugo ?

- Oh oui ! cria-t-elle. Tu vas jamais le croire !! Il m'invite à passer un week-end avec lui !

- Chez lui, j'imagine..

- Ben oui, il a 20 ans et il fait des études, je te rappelle. Le seul salaire qu'il reçoit dans la boîte de nuit, lui sert à pouvoir manger à sa faim et avoir un toit au-dessus de la tête.

- T'inquiète pas, j'ai pas besoin que tu me le rappelles. Savoir ton âge me suffit pour prédire une GROSSE connerie.

- Ca va, tu sais que j'ai déjà fait pire..

- Mais vous étiez tous les deux mineurs ! Tu as 16 ans et-

- Je fais mes 17 ans dans deux mois et l'année prochaine, je serais majeure. On sait tous que fille de 18 ans avec un gars de 21 ans, c'est mieux vu.

- Parce que tu penses que tu seras encore avec lui dans un an ? demandai-je railleuse.

Je regrettai immédiatement mes paroles dès que je croisai son regard meurtri. Elle savait néanmoins que je disais la vérité. Elle avait tendance à sortir avec des hommes qui se servaient d'elle, lui attirait des problèmes puis la rejetait sans ménagement. Anna souffrait énormément de chaque rupture et tombait à chaque fois de nouveau dans le panneau.

- Ça fait bientôt cinq mois que tout se passe bien. Ça fait longtemps que je n'ai pas eu de relation aussi longue et aussi saine. Hugo est beaucoup pour moi, il me fait énormément de bien..

- Pour l'instant, répondis-je. Écoute, je sais que je ne suis pas la personne la plus apte à parler d'amour, dis-je. Mais je suis ta meilleure amie, je sais quand tu vas mal ou quand tu es au mieux de ta forme. Hugo fait réellement ressortir le meilleur de toi et je serai complètement idiote d'essayer de t'empêcher de sortir avec lui. Donc, fais comme tu veux, et quand tu auras besoin de moi au moment où.. tu auras besoin de moi, je serais là comme toujours.

Anna hocha lentement la tête, elle assimilait mes paroles. Je savais qu'elle comprenait parfaitement ce que je lui disais et je savais qu'elle n'allait pas suivre mes conseils et que je devrais la ramasser à la petite cuillère plus tard. Mais cette fois, on n'ira pas en boite de nuit..

La sonnerie retentit, coupant notre échange et notre déjeuner. Je n'avais pas commencé à manger, de toute manière le plat devait avoir refroidi pendant le temps d'attente.

- On a qu'à repartir avec les déserts ? proposa mon amie en sortant de ses pensées.





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Douche Froide [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant