Bergheim

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La baie de Hong Kong avait revêtu son habit de lumière. Elle rivalisait d'ingéniosité pour exposer toute l'étendue des talents de ses ingénieurs. Des lasers balayaient le ciel, parfaitement coordonnés avec les jeux de lumière recouvrant les façades des immenses buildings. Sur certains d'entre eux, on pouvait voir défiler de véritables films animés. Chaque fenêtre, faisant office de pixel de couleur, s'allumait et s'éteignait avec une précision redoutable. Je pensais à l'énorme centrale à charbon qui, pour offrir ce spectacle féerique, répandait sans discontinuer son poison noir dans l'atmosphère. Cette idée me révoltait.

— N'as-tu jamais songé à quitter cet endroit nauséabond ? demandais-je à l'attention de Nikolay.

— Nauséabond ? Ce n'est pas pire que certains quartiers de Paris ou Berlin. Je peux concevoir que les Chinois vivant sur le continent peuvent te paraître sales et dépourvus d'éducation, leurs us et coutumes étant très éloignés des standards européens. Mais il ne s'agit là que d'une différence culturelle. À leurs yeux, nos pratiques et règles de vies paraissent tout aussi étranges. J'ajouterai que les Hongkongais sont aussi différents des Chinois qu'un Russe comparé à un Américain. En général, ils ne se supportent pas les uns les autres. La culture hongkongaise est un mélange entre Anglo-Saxons et Asiatiques.

Voir Nikolay se lancer dans des explications sans fin m'amusait beaucoup. Je parlais peu et me confiais rarement, aussi, la présence de cet être extraverti me rassurait. Il comblait les silences par son flot de paroles et créait ainsi un certain équilibre entre nous.

— Très divertissante ton explication, mais tu t'égares, je pensais plutôt à ce nuage de pollution qui enveloppe en permanence la baie de Hong Kong, je ne sais pas si je serais capable de le supporter aussi longtemps que toi.

— Ah je te reconnais bien là ma belle, fais attention, pour un peu tu passerais pour une hypocondriaque.

— Tu mélanges tout, cette pollution est un fait, elle est là en permanence et elle est parfaitement visible.

— Ce n'est pas parce qu'un nuage est visible qu'il pollue plus qu'un autre générateur d'énergie. Que fais-tu des nano particules qui s'échappent des pots d'échappement et qui, soi-disant parce qu'ils sont indétectables par des appareils de , selon les constructeurs automobiles, n'auraient pas d'impact sur la santé et seraient parfaitement vertueux ?

— Je ne vois pas le rapport entre cette centrale à charbon et la pollution automobile. Tu es hors sujet. On ne peut pas mettre sur le même plan tous les types d'émetteurs. Il me semble que la pollution automobile concerne aussi Hong Kong, elle n'est pas l'apanage des Occidentaux. Ton argument ne tient pas une seconde.

— Tu as raison, même si je considère le nucléaire qui produit la quasi-totalité de l'électricité française comme un véritable désastre écologique, pense à Fukushima, Tchernobyl, et bientôt Fessenheim, et je ne te parle même pas de l'enfouissement des déchets nucléaires, certaines régions françaises sont des poubelles radioactives qui grandissent à vue d'œil.

— Tu as de vrais talents d'homme politique.

— Parce que je réponds à tes questions par une autre question ?

Je ne dis rien, me contentant d'observer l'immense porte-conteneurs qui passait devant nous.

— J'ai une théorie à ce sujet.

Je tournai la tête en sa direction.

— Au sujet de la centrale à charbon.

Il sortit un paquet de Cohiba, en tira un cigare, m'en proposa un que je déclinai puis l'alluma.

Une femme incoloreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant